Saule: « Je me nourris des échanges avec les autres, c’est vital pour moi »

Voilà quinze ans que Baptiste Lalieu a créé Saule à sa démesure et chante la vie douce-amère en français. Rencontre avec un adepte de la remise en question, un ennemi de l’ennui, un éternel aventurier, un « rebelle rêveur » sensible aux exigences et aux talents démultipliés. Par Isabelle Blandiaux. Photos: Laetizia Bazzoni.

Saule en vrai

« Je n’ai jamais été petit », plaisante Baptiste Lalieu, 197 cm de tendresse, de rébellion et de rires sonores communicatifs. Mais l’enfant en lui est toujours bien là, niché dans son corps de géant. Maman sicilienne, papa belge, il grandit à Mons et amorce tout de suite la pompe de sa créativité intarissable. Il commence par signer des bandes dessinées et s’amuse à caricaturer ses profs de maths en version Star Wars. Au piano, à la maison, il invente des mélodies nourries par les chansons italiennes qui animent les fêtes de famille. Il découvre ses talents d’acteur lors de pièces de théâtre scolaires. Et, dès 18 ans, il joue dans des groupes de rock, punk, métal, où il « hurle et chante très peu ». Il passe ensuite à du pop-rock en anglais, avant de switcher vers sa langue maternelle, le français, celle des émotions, et d’oser s’affirmer en solo. Quinze ans qu’il a enfilé le costume de Saule sans jamais s’y cantonner, par peur de s’y sentir étriqué et de s’y ennuyer. Alors il multiplie les projets parallèles et crée dans un mouvement ininterrompu. Pour son récent 5e album, Dare-Dare, l’auteur-compositeur-interprète a dû choisir parmi près de... 80 morceaux qu’il avait déjà enregistrés.

« Éclectique et multifacette, Baptiste s’épanouit et s’équilibre entre les vents contraires, entre la subtilité des sentiments et la rage rock (...) »

En 2018, on l’a vu sur grand écran dans la peau du meilleur pote bluffant de Fabrizio Rongione dans Une part d’ombre de Samuel Tilman. Tandis que son groupe de rock dur, Gonzo, est loin d’avoir craché ses derniers riffs éraillés... Éclectique et multifacette, Baptiste s’épanouit et s’équilibre entre les vents contraires, entre la subtilité des sentiments et la rage rock, entre la contemplation et l’hyperactivité, entre la lumière et les ombres de la vie, entre la désinvolture et la responsabilité. Heureux mais « rincé », il a chanté tout l’été, souvent plusieurs fois par soirée. Et comme il ne peut pas « faire les choses à moitié » et qu’à notre époque, il faut « parfois se battre pour pouvoir rêver », il a envoyé toute l’énergie qu’il avait en lui et fait fleurir partout la poésie, « dare-dare » avant qu’il ne soit trop tard. En fait, Saule n’a peut-être jamais aussi bien porté son nom : un — grand — arbre qui soigne (on fait de l’aspirine avec son écorce) et qui nourrit l’âme (« soul » en anglais).

Quand tu étais enfant, qu’est-ce qui t’animait ?

Quand j’étais gamin, j’ai vite compris que les directions artistiques permettaient de s’évader avec l’esprit. À commencer par le dessin. Avec mon frangin Grégoire au scénario, on réalisait des BD. À l’école, j’amusais mes potes en caricaturant mes profs. J’avais aussi une fibre musicale influencée par le frère de ma maman, mon vieil oncle italien, qui avait fait des 45 tours quand il était plus jeune, et par mon cousin qui jouait avec son groupe de métal dans des festivals comme Dour. On avait un piano à la maison, je faisais des reprises et j’inventais des chansons. Je suis resté complètement autodidacte en musique, l’apprentissage trop systématique du solfège ne me convenait pas. J’écrivais des poèmes, des contes pour la Fête des mères. Vers 14 ans, j’ai découvert qu’on pouvait créer, inventer.

Ton goût pour la musique t’a été transmis ?

Il y a toujours eu de la musique à la maison. Ma mère écoutait Gainsbourg, mon père Boris Vian, Léo Ferré ou encore Led Zep, les Who. Aux fêtes de famille, mon oncle prenait la guitare et tout le monde entonnait les chansons italiennes. Aujourd’hui, ce qui est comique, c’est qu’à un moment, on passe la guitare à Saule... Puis le cousin qui fait du métal prend aussi la guitare et on chante tous ensemble. La musique est un partage, c’est toujours ce qu’on m’a enseigné dans mon éducation. Pour moi, c’est également un moyen de rencontrer des gens, or, je me nourris des échanges avec les autres, c’est vital pour moi. La musique est encore à mes yeux le plus beau des prétextes pour voyager.

Quel type de relation as-tu avec ta mère ?

Très fusionnelle. Ma mère était la plus jeune de sa famille, elle s’est beaucoup émancipée, a voulu travailler très vite, être indépendante. Avec mon père, ils ont formé un couple moderne. Ce n’est pas la mère sicilienne qui appelle son fils sans arrêt. Mais elle m’a transmis sa sensibilité à fleur de peau. Elle est très éveillée spirituellement, elle m’envoie des pensées, des phrases, des prières. Elle est assez pieuse, mais elle s’intéresse aussi au bouddhisme, elle m’a ouvert à plein de choses. Mon père m’a plus transmis son humour, le goût des jeux de mots, son côté sociable et amuseur.

Qu’est-ce qui t’a amené à étudier au conservatoire de théâtre ?

Après mes humanités, je voulais faire de la BD, de la musique ou de la comédie parce que j’avais fait du théâtre à l’école : le prof m’avait donné le premier rôle et tout le monde m’avait félicité. J’ai pris des cours pour me former à l’épreuve d’entrée du Conservatoire de Bruxelles et j’ai dû faire l’examen le plus foiré qui ait jamais existé, à la Pierre Richard. Mais ils m’ont pris pour ce côté Pierrot lunaire. Pour mes défauts, en fait. Cela m’a beaucoup appris. Notamment que je dois rester moi-même pour me vendre. Pour être sûr de ne ressembler à personne d’autre. Cela m’a servi énormément pour la scène : la façon de me tenir, ma diction... Après mes études, j’ai juste bossé dans quelques spectacles, puis je me suis consacré à la musique. J’ai joué dans mon premier long-métrage il y a quelques années.

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