Son enfance, ses racines portugaises: rencontre avec Helena Noguerra
C’est une artiste aux dons multiples dont la beauté captive autant que les convictions. Helena Noguerra, l’actrice-chanteuse-auteure, qui joue avec les codes de l’extrême féminité dans son spectacle La Reine de la piste, mène avec douceur un combat féministe. La cinquantaine éclatante, elle nous reçoit en jeans sur Zoom, en vacances au Portugal. Textes: Juliette Goudot. Photo: Fabrice Mabillot.
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Ça serait quoi, une femme, pour vous ?
Une femme, c’est un homme en enfer. Ça n’est pas de moi, c’est de Pierre Notte, auteur de la pièce que je joue : « Une femme libre, c’est une femme qui n’a pas peur, c’est une femme démaquillée, c’est une femme sans lunettes noires, c’est une femme qui n’a pas de sac, c’est un homme en enfer. » J’ai trouvé cette phrase géniale, les hommes ne se rendent pas compte qu’on est comme eux, mais que c’est difficile, tout le temps. Il faut faire ses preuves, il faut solidement appréhender l’espace public quand on sort dans la rue. C’est une vraie entreprise, il faut se dire : « OK, je vais affronter les quolibets. » Pas tout le temps, mais on connaît toutes ça.
Il y a un mystère autour de votre nom...
Nogueira est mon nom d’origine. C’est le nom de Juifs marranes, qui ont été persécutés au Portugal pendant l’Inquisition et se sont donné des noms d’arbres, c’étaient des noms de code entre eux pour se reconnaître. Mais quand j’ai commencé à travailler, je me suis rendu compte que le cerveau francophone n’avait pas l’habitude de cette suite de voyelles, « Nogueira », alors je l’ai écrit Noguerra. Car depuis l’enfance, mes héros sont plus Gandhi que Che Guevara, Martin Luther King que Malcolm X. J’ai une révolte douce. Je pense que c’est l’amour et la douceur qui peuvent faire que l’on gagne, même si je comprends qu’on prenne les armes. Helena Noguerra, c’est « Helena sans guerre ».
Vous avez failli repasser le bac pour faire des études de psychologie, je ne me trompe pas ?
À 40 ans, je suis retournée à l’école pour avoir ce passeport pour aller en fac de psycho. Depuis que je suis enfant, j’avais cette idée de m’occuper d’enfants. Je voulais devenir une Françoise Dolto bis, ça me passionnait de voir comment on peut, par l’éclairage et le travail de certains mécanismes, modifier certains traumatismes et fondements de la personnalité. C’est pourquoi les amitiés m’intéressent aussi sur la longueur, car on se rend compte qu’il y a toujours un dénominateur commun entre amis, des traumas qui se ressemblent, une mère ou une famille dysfonctionnelle. Apprendre l’autre, c’est aussi s’apprendre soi.
Quel genre de petite-fille étiez-vous ?
J’étais une petite fille assez solitaire. Je lisais, j’écrivais des romans de pirates et des chansons d’amour. J’aimais rester chez moi. Dès 12 ans, j’aimais aller aux concerts avec une amie, Fabienne, qui elle aussi aimait le rock. Avec une autre fille, Alicia, c’était ma seule amie. J’aimais bien les autres, mais j’étais plus détachée. J’ai aujourd’hui plus d’ami(e)s, mais je reste assez solitaire. Calamity Jane forever.
Que reste-t-il du Portugal ?
Il reste les racines. Là, je suis venue en bus depuis Lisbonne dans le village de Montemor, et j’ai dit à mon père : « C’est fou, parce que quand je traverse le Portugal, c’est comme si tous mes aïeux et tout mon ADN se réveillaient. » Je sais que je suis de là ; ça va même au-delà de la Belgique. Je me sens belge et je le revendique, mais ici mes cellules se réveillent. Ça crée un calme un peu mystique. Je pense qu’on porte nos aïeux en nous, la réincarnation, c’est le symbole de ça. Quand je vois mon fils, je me dis que je suis immortelle.
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