Quand Laurence Bibot et sa fille Angèle se plongent dans la télé vintage et sexiste

Laura Swysen

Séquence souvenirs pour Laurence Bibot et sa fille Angèle qui reviennent sur ce que la télé a fait de pire en matière de sexisme.

Nous adorons Laurence Bibot et sa fille, la chanteuse Angèle. Pour leur talent, bien sûr, mais aussi pour l’image de la femme qu’elles renvoient. Alors qu’il paraîtrait (si si, “de source sure”) que les femmes ne sont pas drôles, qu’elles ont besoin d’un homme pour les pousser dans le dos, qu’elles ne peuvent exister médiatiquement que dans la séduction (...), celles-ci prouvent tout le contraire.

Laurence est fan de télé vintage, de cette télé involontairement drôle qui renvoie une image godiche des femmes: elle s’en sert d’ailleurs dans des play-backs qu’elle publie sur les réseaux sociaux. Nous avons donc fait visionner à la mère et à la fille des séquences qui parlent des femmes de jadis, extraits cultes ou inconnus piochés dans les trésors de la Sonuma (archives en ligne de la RTBF). Le moment n’est pas innocent: en pleine déferlante #balance- tonporc et #metoo, Laurence Bibot et Angèle ont eu l’occasion de muscler leurs points de vue. Bon visionnage!

Old TV

LA MÉNAGÈRE, 1969

Angèle: « Hein? C’est incroyable, c’est magnifique! Et la présentatrice qui ne le contredit même pas! C’était en 1969, donc a priori on était en pleine période hippie, mais manifestement, la libération sexuelle n’était pas encore arrivée à la télé. »

Laurence: « Je n’ai pas vécu chez moi, dans mon couple, de division “genrée” des tâches ménagères. D’ailleurs, c’est Marka qui prenait en charge les trucs qui m’emmerdaient. Mais j’ai conscience que ce n’est pas comme ça dans tous les ménages, que les femmes sont la plupart du temps les maîtresses de maison. J’ai lu récemment une statistique sur le suicide: les femmes y seraient moins sujettes que les hommes. Peut-être parce que, après une rupture amoureuse, les femmes sont moins déphasées, qu’elles savent se débrouiller seules. »

Angèle: « Moi, je dois reconnaître que la charge mentale, ça ne me concerne pas. Je ne vis pas avec mon copain. Chacun s’occupe de ses trucs. Mais parmi mes amis, j’en vois effectivement, très jeunes pourtant, où c’est la fille du couple qui gère tout, qui organise tout, au point que ça en devient limite casse-couilles. »

On plaisante, 2004

Laurence: « C’est marrant, j’en parlais justement récemment avec Frédéric Jannin (autre sociétaire de feue La Télé infernale, NDLR) et on se disait qu’aujourd’hui, on ne rirait plus de ça, que la grivoiserie, ça ne passerait plus. »

Angèle: « Ce qui était vu simplement comme une grosse blague lourde hier choquerait aujourd’hui. On est de plus en plus éduquées à ne pas trouver ça normal, à dénoncer, à s’indigner contre les comportements déplacés. Maintenant, il ne faut peut-être pas exagérer non plus. Le risque, c’est de voir du harcèlement et des agressions là où il n’y en a pas et d’accuser des hommes à tort. »

Laurence: « C’est clair qu’il va probablement y avoir des dommages collatéraux dans ce grand mouvement d’indignation... Mais peut-être est-ce un juste retour des choses? »

Micro-trottoir, 1971

Laurence: « Dans mon couple, je n’ai jamais eu à demander la permission pour quoi que ce soit. Mais si j’avais eu une scène de cul à tourner, j’aurais peut-être été dans une posture délicate. Quand je jouais Miss Bricola, ça plaisait moyennement à Marka. Lui était conscient de ce que les autres mecs voyaient: la dimension érotique du personnage. Ce sont les garçons des Snuls qui ont inventé Miss Bricola. Moi, je croyais que cette fille, c’était juste un clown. C’est quand on a commencé à faire des sorties avec les Snuls que j’ai compris tout ça, quand je me suis fait coller par de gros lourds, quand on me criait: “À poil!” »

Angèle: « Nous, les filles, on ne se rend pas compte de notre potentiel érotique et quelque part, c’est tant mieux. On aurait probablement toutes envie de se jeter par la fenêtre si on percevait exactement les intentions des hommes. Mon frère m’a souvent mise en garde, pour me protéger, parce que lui, il sait ce que les garçons ont dans la tête. »

L’hôtesse de l’air, 1960

Laurence: « Globalement, dans toutes ces vidéos vintage, les hommes sont vraiment insultants en interview. Je me souviens de Selim Sasson, excellent journaliste au demeurant, qui traitait les femmes avec condescendance. Il posait des questions pièges aux Miss, par exemple. Il essayait de prouver qu’elles étaient bêtes. Et la plupart du temps, les journalistes, qui étaient surtout des hommes, posaient aux femmes des questions qui les réduisaient à leur dimension sexuelle, à leur part féminine. On ne leur demandait jamais leur avis sur l’industrie automobile ou la conquête spatiale. Les choses bougent, mais lentement. »

Angèle: « Moi, je n’en suis qu’au début de mes apparitions médiatiques. Mais c’est vrai qu’on me pose déjà souvent des questions bêtes, ou alors paresseuses, dont les journalistes pourraient trouver les réponses sur Internet. Beaucoup aussi ont décrété que j’étais une influenceuse féministe. Ok, pourquoi pas, mais vous me l’apprenez. Je suis bien féministe dans l’esprit, mais pas militante, et je n’ai pas encore développé une pensée construite à ce sujet. Mais j’assiste à des choses qui m’éveillent. J’ai deux managers. Un homme et une femme. Et ma manageuse, avec qui je travaille depuis le début, je sens que les journalistes la traitent d’une manière particulière simplement parce que c’est une femme. Ils se permettent plus de choses avec elle, ils ne l’écoutent pas toujours. Matthew Irons, du groupe Puggy, m’a dit un jour: “En tant que jeune femme, dans ce milieu, les gens vont toujours se demander qui est l’homme qui se cache derrière toi.” Ça s’est confirmé. Mais ça m’a donné envie de prouver encore plus de choses. »

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