Pierre de Maere: « Pendant longtemps, je n’aimais pas du tout mon corps »
Le temps d’un joyeux shooting pour GAEL, Charlotte Abramow et Pierre de Maere, les deux Belges qui rayonnent à l’étranger se sont connectés. À haut débit. Interview croisée par Isabelle Blandiaux. Photo d’ouverture : Jan Vandevyver.
Quand Pierre de Maere, 22 ans, rencontre pour la première fois Charlotte Abramow, 30 ans, ils « mangent un Quick » avant de prendre la pose pour notre photographe. Elle dessine des cœurs de mayonnaise dans une assiette pour accompagner les frites, il la cuisine en fan de la première heure, subjugué par « la fraîcheur, le naturel, la simplicité très belge » de ses images et clips pour Angèle (Balance ton quoi, Je veux tes yeux, La loi de Murphy) et par la beauté bouleversante de son projet Maurice, mettant en scène son père malade.
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Elle lui confie les doutes et remises en question qu’elle a traversés, il raconte qu’il a kiffé sa récente participation au jury du Festival d’Hyères, qui a primé un compatriote, Igor Dieryck. Lui en pull à revers, pantacourt large et bottines, elle en blazer oversize only, juchée sur une boîte pour combler les… 29 centimètres qui les séparent (« J’ai la taille de Pierre assis ! », dit-elle en riant), ils sont naturellement complices. Pierre est joueur sous les projecteurs, Charlotte apprend beaucoup de sa toute première expérience devant l’objectif. « On se sent désarmé, on est soumis au regard du photographe... Je n’avais jamais pris conscience de cela », réalise-t-elle.
À la rencontre de Charlotte Abramow et Pierre de Maere
Vous avez tous les deux une forme d’humour, de surréalisme façon Magritte, un goût prononcé pour la couleur…
Pierre : « J’aimerais que les gens se rendent davantage compte du fait que je ne me prends pas du tout au sérieux. Il y a beaucoup d’humour dans ce que je fais, mais ce n’est pas toujours perçu.»
Charlotte : « Tu es trop beau, alors les gens sont impressionnés. Tu devrais te mettre les doigts dans le nez, comme Angèle l’a fait. »
Cela m’intéresse d’apporter de la légèreté en faisant des grimaces. Sauf que moi, je ne me trouve pas spécialement beau, donc cela m’empêche de faire des grimaces en étant à l’aise.
Pierre : « Cela m’intéresse d’apporter de la légèreté en faisant des grimaces. Sauf que moi, je ne me trouve pas spécialement beau, donc cela m’empêche de faire des grimaces en étant à l’aise. En shoot, tout le monde me complimente très gentiment, alors que je ne me suis jamais trouvé “mannequin”. C’est dommage parce que dans mon esprit, il y a beaucoup de fantaisie. Je ne sauve pas des gens dans les hôpitaux. Moi, dans mon métier, j’apporte de la joie, donc je ne suis pas du tout snob. En mode, j’aime aussi jouer avec le mauvais goût, le kitsch. Je me retrouve complètement dans le côté décomplexé à la belge. Sur les visuels de mon album, les couleurs répondent au romantisme des textes, le violet au rouge. Ce sont les teintes de Valentino, de l’Italie. »
Charlotte : « Le kitsch est devenu cool. Moi, la couleur me rend heureuse. Elle a un effet particulier sur mon cerveau. Elle détermine une humeur, au-delà des questions de mode et de looks. C’est marrant, parce que le regard sur les Belges a changé radicalement à Paris, grâce à des gens comme Stromae, Poelvoorde, Angèle, Damso. On est passé de “débiles” à “hype”. »
Vous vivez l’un et l’autre à Paris. Cela change votre relation à la Belgique ?
Charlotte : « Oui, complètement. J’aime dire que la Belgique, on l’aime quand on la quitte. Quand j’y vivais, cela me déprimait. Quand je me suis installée à Paris il y a dix ans, à chaque retour en Belgique, j’ai commencé à m’émerveiller de ce qui m’énervait avant : un côté absurde, à côté de la plaque mais qui est toujours un peu drôle ou touchant. J’aime le surréalisme belge, la poésie que le Belge arrive à faire, non pas avec le médiocre, mais avec le banal. On trouve cela chez Magritte et Brel. »
Pierre : « Je suis installé à Paris depuis moins longtemps. C’est évident que la vie est plus simple et saine en Belgique. Quand je rentre chez moi, à la campagne, en Wallonie, je peux vraiment mettre la manière en mode off : je peux aller au supermarché en slip avec des chaussettes affreuses, ce que je n’oserais pas à Paris. Mais j’aime bien le côté parisien un peu guindé qui m’amuse beaucoup, comme dans le livre Bel-Ami de Guy de Maupassant. Paris est une terre de rêves et d’opportunités, pas spécialement une terre de vérité. »
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Quel est l’impact de la mode sur votre travail ?
Charlotte : « C’est ce qui m’a fait découvrir la photo au début. Mais les gens que j’ai aimés, ce sont des gens qui dépassaient la mode, comme Paolo Roversi, qui t’emmène dans de l’imaginaire. J’aime la mode dans son côté créatif, graphique. Mais les tendances, je n’en ai jamais rien eu à faire. Et la surconsommation me donne le vertige.»
Pierre : « J’ai un corps longiligne, très haut et très fin. Pendant longtemps, je ne l’aimais pas du tout. Puis quand j’ai essayé des costumes légèrement cintrés à la taille et épaulés, qui me font une silhouette graphique et intéressante, j’ai commencé à bien l’aimer. Pour moi, le premier but d’un designer doit être d’aider les autres à être bien dans leur peau. »
- LEUR ACTU: Pierre de Maere sera en concert le 15/2 à l’OM (Liège), le 16/2 au Manège (Mons) et les 9 et 10/4 au Cirque royal. charlotteabramow.com.
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