Meet our guest: Sophie Fontanel, icône mode & plume affranchie
Journaliste mode et auteure d’une vingtaine de livres, cette Parisienne est devenue l’une des personnalités les plus suivies d’Instagram, où elle distille sa bonne humeur, son élégance décontractée et ses trouvailles vintage à plus de 350 000 followers. Quand prendre un peu plus d’âge signifie prendre un peu plus de plaisir… Par Paloma de Boismorel. Photos : Charlie De Keersmaecker.
Je pourrais vous décrire la couleur jaune de son couvre-lit, les mosaïques de son hall d’immeuble et la tête de son frère. C’est étrange de rencontrer quelqu’un que l’on connaît par cœur. Même le bazar dans sa chambre d’hôtel bruxelloise me paraît familier. Je reconnais en boule dans une valise le genre de pantalon blanc trop large qu’elle porte avec un air bravache et puis la sacoche en cuir posée sur un fauteuil dont elle s’est entichée quelques semaines plus tôt.
Rencontre avec Sophie Fontanel
« Bonjour », crie-t-elle depuis l’escalier où elle termine son shooting. Son timbre rauque et chantant est le même que dans les vidéos. Elle se rhabille en sautillant comme une enfant, enfile un pull, puis l’enlève, la séance photo lui a donné chaud. « Sympa vos baskets, elles viennent d’où ? » Heureusement que mes pieds font diversion, car la robe sur laquelle j’ai hésité mille fois avant de venir a attrapé toute l’électricité du quartier et colle chaque centimètre de ma peau sans aucun souci de drapé. Elle me tend des rouleaux Haribo avant de s’affaler sur le canapé, les genoux écartés et les pieds posés sur la table basse. Malgré ses mèches argentées et ses 61 ans revendiqués, mon interlocutrice ressemble furieusement à une ado en mode bavardage.
En t-shirt à manches courtes, la tête calée sur le moelleux d’un coussin, elle mastique ses bonbons au réglisse et m’explique qu’elle a senti récemment comme un coup de vieux, « un truc un peu comme du coton », et qu’au lieu de s’en inquiéter, elle l’a vu comme une autorisation à se foutre la paix
Dans son dernier roman, intitulé Admirable, elle imagine la résistance d’une femme ridée devant une humanité qui aurait évacué tous les signes de l’âge grâce à l’action d’une pilule. Impertinente comme elle, son héroïne se refuse à considérer la vieillesse comme une maladie. En t-shirt à manches courtes, la tête calée sur le moelleux d’un coussin, elle mastique ses bonbons au réglisse et m’explique qu’elle a senti récemment comme un coup de vieux, « un truc un peu comme du coton », et qu’au lieu de s’en inquiéter, elle l’a vu comme une autorisation à se foutre la paix. Dans une société obsédée par la jeunesse, notre Gael Guest est l’une des premières personnalités publiques en France à avoir assumé ses cheveux blancs. Une décision libératoire dont elle a raconté les développements dans Une apparition, paru en 2017. Quelques années auparavant, elle lançait un pavé dans la mare avec L’Envie, un roman autobiographique où elle normalisait l’absence de vie sexuelle en parlant librement de son expérience.
Sophie Fontanel est devenue une égérie
Plus récemment, dans Capitale de la douceur, l’auteure révélait le viol qu’elle a subi jeune femme et la façon dont elle a tenté d’en guérir en bannissant toute forme de violence de son existence. En quelques décennies, Sophie Fontanel est devenue une égérie, un modèle pour celles qui veulent se libérer des diktats de l’époque sans renoncer au raffinement. Mais la mode, dans tout ça ? Elle écoute mes questions avec un mélange de concentration et de décontraction. Oui, la mode est frivole, mais elle aime sa légèreté et son autodérision. Et puis, c’est le seul secteur qui a osé faire défiler en premier des femmes de tous les âges et lancé la tendance du « dégenré ». Si elle regrette le snobisme et le manque de spontanéité qui entourent désormais les fashion shows, elle souligne l’émergence de voix drôles et joyeuses, comme celles de Léna Mafhouf et de Loïc Prigent — « On sert à ce que les gens ne détestent pas la mode ».
Ce qu’elle voit sur les podiums l’inspire énormément et la journaliste n’a pas attendu la vague Vinted pour acheter ses tenues en seconde main. Elle raffole des friperies, mais nous jure que son dressing est petit — « Vous seriez étonnée ». Elle se redresse, plisse les yeux et sourit. Sa fantaisie cache une indéniable sagesse. On se demande quelle place les habits peuvent avoir réellement dans sa vie. « C’est une écriture de soi », répond-elle avant de préciser qu’elle voit l’élégance comme « une manière de faire passer sa dignité à travers le vêtement ». Des idées qu’elle défend sur Instagram avec des posts jubilatoires où elle décortique ses coups de cœur esthétiques du moment. En tant qu’écrivain, elle y a gagné la possibilité d’un véritable échange avec ses lecteurs et s’accommode avec philosophie des effets secondaires de cette visibilité. Il faut dire que son pacifisme et son tempérament doux la mettent relativement à l’abri. Pour le reste, elle accepte les critiques — « J’ai sans doute eu besoin de reconnaissance. Mais au lieu de m’en plaindre à présent, je préfère être reconnaissante. »
Son autobio en 3 dates
Octobre 1995
« Prix du premier roman pour Sacré Paul. Je ne pensais tellement pas l’avoir que je n’étais pas à Paris quand on me l’a décerné. Ils ont fait le déjeuner sans moi… »
Août 2011
« Sortie de L’Envie (Robert Laffont), qui sera traduit dans une vingtaine de langues. Assorti en anglais de la mention suivante sur la couverture : “International Best Seller”. »
Mai 2015
« Je me poste sur Instagram avec des racines blanches visibles sur ma chevelure. Et j’écris : “Jusqu’ici, tout va bien.” Annonçant mon désir de ne plus me teindre. »