Laura Laune: « Mon autisme me fait voir les choses sans filtre »
Son enfance, sa scolarité, ses débuts sur scène: l’humoriste belge Laura Laune, ntore GAEL Guest du mois de janvier, se livre à notre journaliste. Par Maïder Dechamps. Photos : Laetizia Bazzoni.
Tu es née, en Belgique, à Saint-Ghislain. On riait beaucoup chez les Laune, quand tu étais petite ? Tu étais déjà la marrante de service ?
Oui, on riait. Mais pas du tout grâce à moi ! J’étais très réservée, dans mon coin. Mon père racontait des blagues à Noël. Mes parents ont beaucoup d’humour. Ma sœur aussi, c’est elle qu’on entendait dans les réunions de famille. Elle parle fort, elle est assez carrée, elle est avocate. On est très proches même si on est différentes. C’est elle qui prenait de la place, je l’admirais beaucoup. Moi, pendant les réunions de famille, j’allais jouer seule dans ma chambre. Quand on me disait : « Tu ne veux pas descendre pour jouer avec tes cousines ? », je ne comprenais pas trop.
Et à l’école, comment ça se passait ?
C’était vraiment la galère. Le côté social, être avec d’autres tout le temps, c’était très compliqué pour moi. Quand il fallait y aller, je m’accrochais à mes parents, je ne voulais plus les lâcher, je pleurais... Je pouvais faire des crises d’angoisse. Mes parents voyaient que quelque chose n’allait pas, mais ils ne comprenaient pas quoi.
Ce sont eux qui t’ont inscrite à un cours de théâtre pour surmonter cette timidité...
Oui. Et dès que j’ai découvert le théâtre, vers 7 ou 8 ans, je me suis dit : « C’est ça que je veux faire ! » Pendant des années, les gens ont ri : « Toi, sur une scène alors que tu es mal à l’aise dès qu’il y a deux personnes autour de toi ? » Personne n’y croyait. Alors j’ai arrêté d’en parler, mais je me disais : « Vous verrez ! »
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Tu étais attirée par ce qui était le plus difficile pour toi ?
Comme tout me faisait peur dans la vie, j’ai refusé que mes décisions soient guidées par la peur. Donc, ce qui me faisait peur, j’ai toujours eu tendance à y aller. J’ai vite compris que dans ma situation, il allait falloir se surpasser tout le temps. C’était soit ça, soit être enfermée à ne rien oser faire. Et encore aujourd’hui, c’est souvent une épreuve pour moi de sortir de chez moi et d’affronter le monde extérieur.
Tes parents sentaient que « quelque chose n’allait pas » face à tes réactions d’enfant... Qu’est-ce qui n’allait pas ?
Il y a quatre ans, on m’a diagnostiqué un syndrome d’Asperger, un trouble du spectre autistique. Mon immense timidité, mon malaise quand je suis dans un groupe (qui me fait parfois passer pour hautaine ou froide) s’expliquent en grande partie par ce syndrome. Les relations sociales sont assez compliquées pour moi. À deux, ça va. Mais dès que je suis dans un groupe... (Elle grimace.)
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.
Par contre, sur une scène devant 2 000 personnes, pas de problème ?
La scène, c’est différent. Pour moi, c’est une sorte de revanche sociale, parce que j’ai toujours été la fille à part, qui n’avait pas beaucoup d’amis. Avec mon physique, on m’a souvent cataloguée comme la blonde pas très intéressante, un peu naïve, innocente, qui n’a rien à dire... La scène, c’est déclarer : « Vous voyez, j’ai quand même des choses à dire ! (Rires.) Et pour les dire, je vais justement utiliser le personnage que vous m’attribuez, avec tous les clichés. » J’aime déconstruire ce côté « Tu es une femme, donc tu dois faire attention à ton langage, aux conventions ». C’est un peu un retournement du stigmate. Et si ça peut participer à ce mouvement d’émancipation très présent aujourd’hui, ce n’est que du bonus.
Dans ton métier, ça a changé quoi, de te savoir Asperger ?
J’ai réalisé que si j’avais ce type d’humour, c’est aussi parce que j’ai cette vision particulière du monde. Mon autisme me fait voir les choses sans filtre. Une caractéristique du spectre autistique, c’est de parler sans tabou, d’avoir du mal à comprendre les conventions sociales... C’est une chose que je retrouve dans mon personnage de scène. Elle peut dire les pires horreurs.
Retrouvez cette rencontre en intégralité dans le GAEL de janvier disponible en librairie!
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici