(c) Laetizia Bazzoni, Lara Fabian

Lara Fabian: « Mes parents se sont saignés pour m’offrir un piano »

Son arrivée en Belgique, son déménagement au Canada: Lara Fabian notre Guest du mois revient sur son parcours et sa vie de famille. Par Isabelle Blandiaux. Photos : Laetizia Bazzoni.

Son enfance, son adolescence et sa nouvelle vie en Sicile: notre Guest du mois a répondu à nos questions sur sa vie de famille.

L’enfance de Lara Fabian

Quelle enfant avez-vous été ?

Lara Fabian : J’étais une enfant joyeuse, curieuse, avec le goût de la vie. J’ai été très aimée par mes parents, ma mère en particulier, qui me protégeait. Je garde comme souvenirs de mon enfance sur la terre de ma mère, dans un village au pied de l’Etna, les odeurs de basilic et de tomates, les tablées de quinze personnes qui parlent fort, la vie en t-shirt six mois par an. Le dimanche, les sœurs de ma maman, mes parents et mes grands-parents chantaient, dans un élan de joie. La musique ne m’a jamais été présentée comme le moyen de devenir quelqu’un, mais comme le goût de la fête et du collectif qui s’allie à la nourriture.

Le chant entre naturellement dans votre vie et, tout de suite, vous comprenez que cette vibration est la vôtre…

Lara Fabian : Le chant m’a choisie. Par le biais de ces dimanches, j’ai remarqué que ma voix résonnait un peu plus, qu’elle était identifiable. Je me souviens des larmes de ma grand-maman quand, à 8 ans, j’ai chanté une œuvre de Verdi. Cela m’a sidérée. Il y a une vibration dans le chant qui me fait me sentir bien et je vois que cela crée de la joie ou de l’émotion. À 5 ans, j’ai dit à mon père : « Je suis chanteuse. » C’est à 14 ans que j’ai entériné ce choix en mon âme et conscience en montant sur la scène d’un cabaret à Bruxelles, le Black Bottom. Là, j’ai réalisé, en étant face à un public, que ce que je faisais prenait tout son sens. C’était encore maladroit et grossier, mais je savais que j’étais ça. J’ai vu la résonance entre ce que je ressentais en m’exprimant par le chant et ce que les autres recevaient. Sans le public, c’est stérile, en fait. Si je ne peux pas contribuer, cela ne m’intéresse pas.

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Comment avez-vous vécu votre déménagement en Belgique, à 8 ans ?

Lara Fabian : Je me souviens du choc ressenti en allant à l’école, avec l’image des essuie-glaces sous la pluie. Passer de ce lieu solaire, rempli de nourritures et de chants, à un endroit plus silencieux et organisé, plus froid… Par la suite, je suis entrée en contact avec la bonté et la cordialité belges, avec ce qui fait de nous des bons vivants. J’ai pu nouer les fils, parce que finalement, on se ressemble énormément, les Italiens et les Belges. Mes parents se sont saignés pour m’offrir un piano, un Petrof en acajou que j’ai toujours, d’ailleurs, et ils ont tout fait pour que je puisse suivre tous les cours possibles et imaginables dans les académies de Bruxelles. J’avais des journées très organisées parce qu’après l’école, je suivais des cours de solfège, de piano, de théâtre, d’art dramatique, de chant, de diction, de claquettes…

Vos parents vous ont soutenue dans votre vocation ?

Lara Fabian : Quand j’ai développé cette volonté, cette persévérance, cette constance, d’un point de vue académique et sur scène, dans différents pianos-bars, accompagnée par mon père à la guitare, c’était toujours sous le regard et la protection de mes parents. Ils m’encourageaient, mais me demandaient de finir mes études, de décrocher des diplômes à l’académie, au cas où. Mon père avait rêvé d’une telle carrière pour lui. En me regardant, il était heureux et en même temps, cela lui rappelait ce qu’il n’avait pas pu réaliser. Ma mère me protégeait, elle était d’une finesse, d’une intelligence, d’une élégance incroyables, elle avait la faculté d’une communication vaste, infinie. Elle a grandi dans un petit village du centre de la Sicile, a été élevée selon des principes un peu archaïques, mais elle est devenue ultra-moderne si on prend en compte la façon dont elle m’a éduquée.

C’est votre départ au Canada qui vous a permis de vous déployer ?

Lara Fabian : Il fallait que je coupe le cordon complètement, que je sorte du triptyque formé avec mon père et ma mère, oui, et que je parte vivre au Canada pour pouvoir définir les contours de qui j’étais et m’exprimer librement. Tout en restant très proche de ma famille, mais en sortant de la surprotection parentale. Mon départ a aussi été lié à ma rencontre avec Rick Allison (avec qui elle a écrit ses plus grands tubes, NDLR), qui rêvait d’Amérique, tout comme moi.

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On a débarqué au Canada en 1990, une bulle de francophonie qui nous rassurait. Une seconde naissance pour moi. C’est le berceau de ma carrière : j’y ai fait ma première télé, ma première radio, je m’y suis exprimée sur scène pour la première fois. Ce lieu m’a construite, nourrie. Pendant sept ans, on a ramé, mangé des petits pois, fait trois jobs par jour pour développer ma carrière. Je connais le goût du travail, de la persévérance, de l’échec, de la prise de risque, du saut dans le vide, de la faim, du manque d’argent… Du coup, le premier succès a été surnaturel. Une part de vous ne le croit jamais. Cela m’habite encore aujourd’hui.

Vous vivez en Sicile, à présent. Retour aux sources ?

Lara Fabian : Oui, j’ai fait le choix de la terre de ma mère et de mon mari, Gabriel. C’est le plus beau choix que je pouvais faire : me réenraciner au paradis, à mes yeux, où ma petite enfance s’est imbibée de cette langue, de cet amour maternel. Je suis tombée amoureuse d’un homme qui vient du même village que ma mère, ce qui est assez fou. La vie m’a présentée à un être qui est né et a grandi au même endroit que ma mère. C’est lui qui, en quelque sorte, m’a ramenée au lieu de mon enfance. Après la Covid, je me suis posé la question : s’il fallait que je ne bouge plus jamais, où irais-je ? On a déménagé à ce moment-là. C’est une reconnexion et un point final au nomadisme qui était le mien.

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