Lara Fabian par Laetizia Bazzoni © Lara Fabian par Laetizia Bazzoni

Lara Fabian: “Je connais le goût du travail, de l’échec, du manque d’argent et de la faim”

Lara Fabian notre GAEL Guest du mois revient sur son parcours, sa vie de famille et son nouveau quotidien, en Sicile. Interview: Isabelle Blandiaux. Photo : Laetizia Bazzoni.

30 ans sur scène, 55 ans sur Terre, 25 millions de disques vendus. Mais Lara Fabian regarde peu en arrière : elle a appris à vivre l’instant présent. Désormais réenracinée dans les terres de son enfance, c’est vers l’Etna que ses yeux se tournent quotidiennement. Puis, plus loin, vers l’avenir d’une nouvelle génération d’artistes portés par sa bienveillance.

Notre interview avec Lara Fabian

Vos parents vous ont soutenue dans votre vocation ?

Lara Fabian : « Quand j’ai développé cette volonté, cette persévérance, cette constance, d’un point de vue académique et sur scène, dans différents pianos-bars, accompagnée par mon père à la guitare, c’était toujours sous le regard et la protection de mes parents. Ils m’encourageaient, mais me demandaient de finir mes études, de décrocher des diplômes à l’académie, au cas où. Mon père avait rêvé d’une telle carrière pour lui. En me regardant, il était heureux et en même temps, cela lui rappelait ce qu’il n’avait pas pu réaliser. Ma mère me protégeait, elle était d’une finesse, d’une intelligence, d’une élégance incroyables, elle avait la faculté d’une communication vaste, infinie. Elle a grandi dans un petit village du centre de la Sicile, a été élevée selon des principes un peu archaïques, mais elle est devenue ultra-moderne si on prend en compte la façon dont elle m’a éduquée. »

C’est votre départ au Canada qui vous a permis de vous déployer ?

Lara Fabian : « Il fallait que je coupe le cordon complètement, que je sorte du triptyque formé avec mon père et ma mère, oui, et que je parte vivre au Canada pour pouvoir définir les contours de qui j’étais et m’exprimer librement. Tout en restant très proche de ma famille, mais en sortant de la surprotection parentale. Mon départ a aussi été lié à ma rencontre avec Rick Allison (avec qui elle a écrit ses plus grands tubes, NDLR), qui rêvait d’Amérique, tout comme moi.

Pendant sept ans, on a ramé, mangé des petits pois, fait trois jobs par jour pour développer ma carrière. Je connais le goût du travail, de la persévérance, de l’échec, de la prise de risque, du saut dans le vide, de la faim, du manque d’argent…

On a débarqué au Canada en 1990, une bulle de francophonie qui nous rassurait. Une seconde naissance pour moi. C’est le berceau de ma carrière : j’y ai fait ma première télé, ma première radio, je m’y suis exprimée sur scène pour la première fois. Ce lieu m’a construite, nourrie. Pendant sept ans, on a ramé, mangé des petits pois, fait trois jobs par jour pour développer ma carrière. Je connais le goût du travail, de la persévérance, de l’échec, de la prise de risque, du saut dans le vide, de la faim, du manque d’argent… Du coup, le premier succès a été surnaturel. Une part de vous ne le croit jamais. Cela m’habite encore aujourd’hui. »

2025 est riche en anniversaires ronds : 30 ans de carrière et 55 ans sur Terre. Lara Fabian, aimez-vous les bilans ?

Lara Fabian : « Je ne suis pas quelqu’un qui regarde en arrière. J’efface les databases du passé de manière assez récurrente. J’ai appris à vivre ici et maintenant, à faire le choix de l’instant que je traverse, pour ne pas me laisser impacter par la nostalgie ou l’angoisse. Je me suis fait beaucoup de mal par le passé, avec les projections perpétuelles. »

C’est le résultat du travail que vous avez fait sur vous pendant quinze ans, notamment grâce à l’aïkido du son ?

Lara Fabian : « Oui, l’Onsei-Do est un espace méditatif, un son qui reconnecte à l’esprit libéré de ses pensées, de la faculté d’analyser les choses, certes très précieuse, mais ennemie de la paix. Chaque vertèbre de notre colonne correspond à un son japonais. Cela m’a sauvé la vie et permis de guérir de douleurs physiques. Cela m’a permis d’apaiser tous les maux que racontait mon corps via des petits bobos ici et là. »

La transmission semble très importante à vos yeux…

Lara Fabian : « C’est fondamental. Cette porte s’est ouverte en 2017 au Québec. Ma vie a changé quand je m’y suis assise pour la première fois sur l’un des fauteuils rouges de La Voix, puis de The Voice en France. J’ai pris conscience du fait que ce que j’avais accumulé comme outils dans mon coffre depuis trente ans pouvait faire sens et contribuer à faire avancer les autres. J’ai compris que je pouvais être un éclaireur, un passeur. C’est peut-être l’une des plus belles choses qui me soient arrivées au cours de ma carrière. »

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Qu’est-ce que vous voulez transmettre à votre fille, Lou ?

Lara Fabian : « Le fait d’écouter sa petite voix intérieure, de ne jamais la trahir, elle possède toutes nos vérités. D’être tendre avec son miroir, d’être capable de voir cette beauté qu’on a tous et toutes ; même si on a les yeux trop proches ou trop éloignés, il y a quelque chose qui brille. D’avoir le respect de la vie, de comprendre à quel point elle est précieuse. Je lui disais l’autre jour : « Tu sais, je crois qu’il me reste peut-être vingt-cinq Noël. » Elle m’a répondu que c’était horrible de dire ça. Je lui ai dit : « Ce qui serait horrible, c’est de ne pas en avoir conscience et de les gâcher les uns après les autres. » J’ai envie de lui faire comprendre la beauté de la vie, l’importance de la goûter, l’urgence d’être ici et maintenant. Ne pas s’angoisser pour après. C’est là que se trouve le sens de l’apaisement.

J’ai envie de lui faire comprendre la beauté de la vie, l’importance de la goûter, l’urgence d’être ici et maintenant. Ne pas s’angoisser pour après. C’est là que se trouve le sens de l’apaisement.

Aborder chaque étape de notre vie qui nous propose un challenge ou un impact, une douleur comme une opportunité. Je souhaite incarner pour elle chaque jour ce que je pense être un beau chemin. En faisant du mieux que je peux. »

Vous envisagez d’avoir une école de chant ?

Lara Fabian : « Je vais avoir un espace de transmission qui ne sera pas forcément qu’une école, mais un lieu qui proposera un voyage, une expérience avec moi, sous la forme d’un séminaire quatre à cinq fois par an. Des ateliers différents à chaque fois, mais qui permettront d’accumuler certaines connaissances pédagogiques, académiques, mais aussi holistiques. Qu’est-ce qu’on fait de la clé du chant ? De quelle manière peut-elle nous aider à nous révéler à nous-même ?

Le chant envisagé seulement comme une expression, qui est une fin en soi, ce serait le limiter un peu, c’est beaucoup plus intéressant que cela. On n’a pas besoin d’avoir la carrière d’Adèle pour chanter. On peut avoir une très belle voix qui exprime quelque chose de nous qu’on n’a pas osé dire, transmettre. Au travers du chant, on peut déployer des talents qu’on n’imaginait pas avoir, repousser des limites. Il y aura des modules pour des non-professionnels et pour des professionnels. »

Vous vivez en Sicile, à présent. Retour aux sources ?

Lara Fabian : « Oui, j’ai fait le choix de la terre de ma mère et de mon mari, Gabriel. C’est le plus beau choix que je pouvais faire : me réenraciner au paradis, à mes yeux, où ma petite enfance s’est imbibée de cette langue, de cet amour maternel. Je suis tombée amoureuse d’un homme qui vient du même village que ma mère, ce qui est assez fou. La vie m’a présentée à un être qui est né et a grandi au même endroit que ma mère. C’est lui qui, en quelque sorte, m’a ramenée au lieu de mon enfance. Après la Covid, je me suis posé la question : s’il fallait que je ne bouge plus jamais, où irais-je ? On a déménagé à ce moment-là. C’est une reconnexion et un point final au nomadisme qui était le mien. »

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