Julien Doré : “le jour où l’enfance s’évapore totalement d’un être, c’est foutu”
Vrai généreux, champion de l’autodérision, papa tiraillé entre émerveillement et responsabilité, fournisseur de vannes sur Insta, Julien Doré est tout sauf un Imposteur. En reprenant les mots des autres sur son dernier album, il invite le public à se ressourcer dans son doux monde surréaliste. Par Isabelle Blandiaux.
On a rencontré Julien Doré à Paris, à sa maison de disques, où il fait juste un saut depuis son repaire familial en pleine nature, dans les Cévennes. Avec ses 24 reprises ultra-personnelles de vieux tubes mélancoliques parfois étonnants, qui collent au cœur des auditeurs sur Imposteur (déjà disque de platine), avec son univers de plus en plus barré, où il passe sans transition du déguisement de crocodile ou de père Noël dans ses clips à la chemise colorée avec short et Birkenstocks du flic new age créé à sa mesure dans la série télé Panda (la saison 2 vient d’être diffusée sur TF1 et RTL), Julien Doré cherche à réconforter par le rire, la couleur, la douceur.
Rencontre avec Julien Doré
Entre deux infos atroces sur le fil de son réseau, c’est devenu normal de « croiser » Julien Doré en crocodile. Ton univers facétieux s’étend et il fait du bien. C’est volontaire ?
Julien Doré : « J’ai l’impression que la notion de divertissement, d’humour, de désacralisation des artistes, toujours réfléchie, elle est politique en soi. Faire du bien par la musique ! Les témoignages de celles et ceux qui sourient, oublient, passent un moment avec moi artistiquement et ont à nouveau envie de continuer leur quête du bonheur le lendemain sont essentiels. Dans tout ce que je fais, j’ai envie de faire ressurgir la part d’enfance. Parce que le jour où elle s’évapore totalement d’un être, c’est foutu. Quand on garde des bribes de cette enfance, où tout est possible, je pense qu’on aborde le monde d’une façon plus généreuse. »
Ton album est empreint d’une douce mélancolie, par le choix de titres qui nous ont bercés par le passé (Paroles, paroles, Pull marine, Couleur menthe à l’eau…)…
Julien Doré : « La mélancolie est très présente dans l’enfance, en tout cas je me souviens de la mienne. Un rapport au temps qui nous paraît infini. La nostalgie, aujourd’hui, est utilisée en politique pour faire croire aux gens que ce qui fonctionnait avant va refonctionner et régler les problèmes. Une porte ouverte sur l’infâme. La nostalgie en musique, elle a ce pouvoir d’éveiller un souvenir au travers des chansons qui évoquent souvent un moment-clé de nos vies. En cela, elles sont précieuses. Elles ressurgissent comme une madeleine de Proust, nous ramènent une odeur, une présence. C’est fou, ce pouvoir. En réveillant mes propres souvenirs d’une émission de télé à laquelle je participe en 2007 — en n’imaginant pas une seule seconde que cela dure plus que quelques jours —, je me suis réveillé dix-sept ans après avec cette envie de chanter à nouveau des artistes qui m’ont fait du bien. »
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Cette envie de boucler une boucle, elle est venue d’où ?
Julien Doré : « De mon précédent album, Aimée (2021). Un mot de la langue française, mais aussi le prénom de ma grand-mère et de ma mère. J’ai écrit des chansons comme La Fièvre, Nous, Kiki, où je m’adresse à l’enfant que j’imagine avoir un jour, et à ce moment-là, je ne suis pas papa et je ne sais pas que je vais le devenir. Mais j’ai ce besoin, face à mon piano, d’écrire à un enfant sur la transmission. Quand la tournée commence, je deviens papa, je perds ma maman et ma grand-mère. Et sur les dernières dates, je prends conscience du fait que ce qui m’animerait si je devais composer à nouveau, ce seraient des chansons sur mon fils, ma mère, ma grand-mère. Or c’était exactement ce que je venais de faire.
J’avais donc besoin d’un sas, d’un cocon, de rires, sans me poser trop de questions. De faire un point sur mon parcours d’homme.
J’avais donc besoin d’un sas, d’un cocon, de rires, sans me poser trop de questions. De faire un point sur mon parcours d’homme. Je crois que les chansons que je reprends me font du bien pour ouvrir une nouvelle page d’écriture après la tournée. Peut-être pour reparler d’amour. Je sens aussi que cela fait du bien quand je poste mes sourires via des vidéos. J’ai envie que mes concerts apportent cela également. »
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Quel rôle joue l’humour dans ta vie ?
Julien Doré : « Déjà petit, avant même que je touche une guitare, j’avais envie de créer une émotion chez les autres, de les faire éclater de rire. Quand ça arrive aujourd’hui, à mon fils ou quelqu’un de mon âge, c’est une récompense énorme. Comme une pulsion du vivant. Une explosion de vie. C’est d’autant plus chouette lorsque je sens qu’en me moquant de moi-même, je me moque aussi du statut d’artiste qui prend parfois un peu trop de place au milieu des chansons.
J’ai croisé des artistes comme Christophe ou Arno qui m’ont expliqué que ce qui comptait, ce n’était pas eux, mais ce qui était partagé. Et à partir du moment où ces chansons étaient partagées, elles ne leur appartenaient plus. Sur scène, se moquer de soi et faire rire des milliers de personnes, c’est magnifique. J’aime cette désacralisation. Je pense que ce serait mentir sur moi que de retirer l’humour et l’autodérision. J’ai besoin qu’on sente dans ce que je fais que j’aime rire de la vie. »
Retrouvez cette rencontre en intégralité dans le nouveau GAEL!
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