Jeux vidéos, shootings coquins, faillite: le parcours fou de David Jeanmotte
Le « relookeur préféré des Belges » et chroniqueur de la RTBF est exactement ce qu’il a l’air d’air d’être quand on ne le connaît que via la télévision : bruyant, drôle, coloré, sans filtre, pailleté, bavard, bienveillant et d’une gentillesse à toute épreuve. David Jeanmotte est aussi d’une déconcertante honnêteté. Retour sur son parcours complètement décousu. Par Florence Hainaut. Photos: Laetizia Bazzoni.
David Jeanmotte en vrai
On prévient toujours, en début d’interview : « S’il y a des sujets que tu ne veux pas aborder, aucun souci, tu n’es jamais obligé de répondre à une question. » Ça le décontenance. Éviter des sujets ? Pour quoi faire ? Loin d’être impudique, il est juste ouvert à toute forme de discussion. Même quand ça l’émeut au point de pleurer. Depuis le temps qu’il provoque l’incompréhension et la curiosité de ses contemporains, il a appris à n’avoir peur et surtout honte de rien. Ses réussites flamboyantes et ses échecs cuisants, tout ça a fait ce qu’il est aujourd’hui. Vous allez dire que c’est un peu bateau comme formule et qu’elle pourrait être appliquée à n’importe qui... Sauf que les hauts et les bas de David Jeanmotte sont un peu plus romanesques que la moyenne. Né à Petit Hornu, dans une cité sociale, enfant ingérable puis artiste admiré, il devient millionnaire avant de tout perdre et de tout recommencer dans le domaine du relooking. Petit, il se fait la main sur ses grands-mères, qui lui demandent conseil pour leurs robes et leurs coiffures. « C’était l’époque des Feux de l’amour, sur RTL. Je peux vous dire que j’en ai vidé, des bombes de laque ! » Fasciné par Madonna, Joan Collins, Brigitte Nielsen et Stéphanie de Monaco, il récupère les Paris Match que son père achète et dessine sur ses idoles pour les rendre encore plus belles. Il dessine, sculpte, photographie, coud, transforme. Il dit avoir toujours eu un côté artiste et le besoin de créer. « Tu me mets dans une forêt, je te jure que je fais un truc. N’importe quoi : une sculpture, une performance, une usine à boudins, mais je crée quelque chose. » Aujourd’hui, il a fait de lui-même une œuvre d’art. Ses apparitions dans Le Grand Cactus, sur la RTBF, sont autant de tableaux où se mêlent dentelles, éventails, coiffures alambiquées et bijoux improbables.
Avant de travailler à la RTBF, tu as fait quantité de choses assez hétéroclites. On peut revenir sur ton parcours ?
Ouh la ! Tu as le temps ?
Je vais quand même résumer un peu le début : après tes humanités artistiques, tu passes le concours d’une école de graphisme à Valenciennes, en France. Et tu le réussis. Et pas qu’un peu, puisque tu passes directement en troisième année tellement ton examen était brillant.
C’était dingue. Moi à qui on avait tellement dit que je n’étais capable de rien. Je n’y croyais pas, c’était une vraie revanche sur la vie. Après, ça n’a pas été évident. L’école était chère, mes parents ont dû faire beaucoup de sacrifices. Je n’avais pour ainsi dire qu’une seule tenue, un jogging en peau de pêche mauve avec une bande bleu ciel acheté chez C&A. Je faisais les trajets Dour-Valenciennes tous les jours, jusqu’à ce que la secrétaire de l’école ait pitié et me loge chez elle. J’ai toujours croisé des gens incroyables sur ma route.
Après, direction Paris, où tu travailles pendant plusieurs années dans une entreprise de jeux vidéo.
C’était génial ! Cathy, ma compagne, me rejoignait le week-end. On faisait la fête comme pas possible, on était un couple flamboyant.
Je me suis laissé dire que tu as aussi travaillé dans le porno.
Porno, c’est un grand mot ! J’ai maquillé et coiffé les filles pour des shootings photos pour un magazine coquin qui s’appelle L’Interdit. Quand j’étais à Paris et que je bossais pour cette boîte de jeux vidéo, sur le même plateau que mon bureau, il y avait la rédaction de ce magazine. Ils ont fait appel à moi et je me suis dit : « Pourquoi pas ? » Je me souviens de la première fille, mon premier shooting, Jade, une ancienne secrétaire de direction. Je ne connaissais pas du tout ce milieu. J’ai encore tous les magazines à la maison et je trouve ces photos super belles. Je faisais tout : leurs ongles, le corps, les cheveux et j’allais acheter des sous-vêtements La Perla ; elles étaient sublimes. Je voulais qu’elles soient belles. Et mon nom de scène, c’était Savonnette !
« J’étais triste et aigri, en colère, et cette colère est retombée sur les personnes qui m’aimaient. Je m’en veux beaucoup. »
Savonnette ? Pourquoi ?
Leurs compagnons étaient jaloux parce que je passais beaucoup de temps avec elles pour les préparer. Savonnette, c’était pour qu’ils n’aient pas peur, parce que quand tu entends ce nom, tu sais direct que t’es pas face à un mâle alpha.
Tu reviens en Belgique et à 26 ans, tu montes ta société de jeux vidéo. Et ça cartonne.
Je bossais jour et nuit. J’ai embauché jusqu’à 75 employés. J’étais riche à millions (de francs belges, attention !). Et puis tout s’est écroulé le 11 septembre 2001 avec l’attentat contre les tours jumelles. Mes clients, c’étaient des grosses boîtes américaines. Elles étaient désolées mais elles risquaient des sanctions si elles continuaient à travailler avec des pays ayant refusé de participer à la guerre en Irak. J’ai fait faillite.
Et tu l’as très mal vécu.
J’ai été déchiqueté. Je réussissais, je brillais, puis soudainement, tout s’est écroulé. Encore aujourd’hui, quand j’entends un ventilateur d’ordinateur, j’ai des nausées. J’ai tout perdu et je n’ai pas compris. Après ça, j’ai été agressif, horrible, puant. J’étais triste et aigri, en colère, et cette colère est retombée sur les personnes qui m’aimaient. Je m’en veux beaucoup.
L’INTERVIEW INTÉGRALE DE DAVID JEANMOTTE VOUS ATTEND DANS LE GAEL D’AOÛT, DISPONIBLE EN LIBRAIRIE.
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