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Interview croisée: rencontres avec Charlotte Abramow et Pierre de Maere

Lui, artiste pop, a été propulsé au firmament en 2023 avec son premier album, Regarde-moi. Elle, photographe, révélée par les clips d’Angèle, déconstruit les codes. Le temps d’un joyeux shooting pour GAEL, Charlotte Abramow et Pierre de Maere, les deux Belges qui rayonnent à l’étranger se sont connectés. À haut débit. Par Isabelle Blandiaux. Photo d’ouverture : Jan Vandevyver.

Quand Pierre de Maere, 22 ans, rencontre pour la première fois Charlotte Abramow, 30 ans, ils « mangent un Quick » avant de prendre la pose pour notre photographe. Elle dessine des cœurs de mayonnaise dans une assiette pour accompagner les frites, il la cuisine en fan de la première heure, subjugué par « la fraîcheur, le naturel, la simplicité très belge » de ses images et clips pour Angèle (Balance ton quoi, Je veux tes yeux, La loi de Murphy) et par la beauté bouleversante de son projet Maurice, mettant en scène son père malade.

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Elle lui confie les doutes et remises en question qu’elle a traversés, il raconte qu’il a kiffé sa récente participation au jury du Festival d’Hyères, qui a primé un compatriote, Igor Dieryck. Lui en pull à revers, pantacourt large et bottines, elle en blazer oversize only, juchée sur une boîte pour combler les… 29 centimètres qui les séparent (« J’ai la taille de Pierre assis ! », dit-elle en riant), ils sont naturellement complices. Pierre est joueur sous les projecteurs, Charlotte apprend beaucoup de sa toute première expérience devant l’objectif. « On se sent désarmé, on est soumis au regard du photographe... Je n’avais jamais pris conscience de cela », réalise-t-elle.

À la rencontre de Charlotte Abramow et Pierre de Maere

Quels ont été vos temps forts en 2023 ?

Pierre : « 2023 a été une année de “premières fois” que personne ne pourra jamais m’enlever : un premier disque, qui a des maladresses mais dont le charme me plaît, une première Victoire de la musique comme Révélation, un premier Olympia, une première tournée de festivals… Tout cela m’a permis de m’émanciper du syndrome de l’imposteur. 2023 est l’année où je me suis senti pleinement heureux, à la fois excité et apaisé parce que j’ai trouvé une façon de vivre de ce que j’aime. »

Là, je perds ma naïveté. Mais je prépare un nouveau projet ambitieux (expo et livre) pour 2024, qui parle de notre rapport à ce monde en crise.

Charlotte : « Mon expo “Volle Petrol” a duré jusqu’à la fin 2022 à Bruxelles. Et pour moi, 2023 a été une année d’introspection où j’ai pris le temps de vivre et réfléchir après une longue période où je ne m’étais pas du tout arrêtée. Je me suis posé beaucoup de questions sur la place de l’art dans toutes les crises qu’on traverse. L’état d’esprit évolue énormément avec l’âge. À 16 ans, j’avais hyper confiance en moi, je pensais que tout était possible, y compris changer le monde. Là, je perds ma naïveté. Mais je prépare un nouveau projet ambitieux (expo et livre) pour 2024, qui parle de notre rapport à ce monde en crise. »

Pierre : « Je me rends compte que je me torture moins que Charlotte. Je suis peut-être plus égoïste, ou en tout cas plus insouciant. Je ne suis pas dirigeant, je ne suis pas milliardaire, donc je n’ai pas les moyens de changer les choses tout de suite. Quand je suis sur scène, je suis persuadé de faire du bien parce que je vois les sourires sur les visages. Je peux apporter de la poésie aux gens. Je n’aime pas l’art réaliste. Un concert ou une expo, ce sont des instants de déni qui font du bien. Parce que si l’on a tout le temps conscience de ce qui se passe partout, on ne va pas s’en sortir. »

La poésie est un élément qui relie vos deux univers. Charlotte transforme les bourrelets des femmes en « nuages » et Pierre chante les anges…

Charlotte : « Pour moi, la photo est un processus de digestion. L’art, c’est comme une fenêtre qui permet de regarder le monde de manière détournée, plus belle, ou de mieux le comprendre, ou encore de s’en échapper. La façon dont on perçoit les choses détermine la façon dont on se comporte. L’image a un vrai pouvoir sur les gens. Si cela peut te pousser à acheter un jeans, cela peut aussi te pousser à mieux tolérer ton voisin. »

Le regard est central chez vous deux. Ton album, Pierre, s’intitule Regarde-moi et tu as commencé par être photographe, et toi, Charlotte, tu es photographe… Quand avez-vous pris conscience de votre propre regard ?

Charlotte : « Assez vite. J’ai commencé la photo vers 13 ans. Avant cela, mes parents m’avaient déjà donné un petit jetable pour que je fasse des photos de mes copines en classe verte. Je ne m’imaginais pas devenir photographe, mais la possibilité de garder des souvenirs me fascinait. J’ai toujours été très observatrice et calme. »

Pierre : « J’ai trois passions dans la vie : la musique, la photo et la mode. J’écris, je compose, je fais la prod et je chante parce qu’il faut bien que quelqu’un chante, mais ce que je préfère, c’est vraiment la production. Je me suis très vite mis en scène parce que mes icônes le font, comme Lady Gaga ou Stromae. J’ai très vite eu envie d’être une star. Vers 13-14 ans, je suis devenu très moche, avec beaucoup d’acné. Je me suis mis à photographier les autres, ma sœur d’abord, puis des copines, puis des mannequins d’agences. J’ai fait quelques shootings, dont un qui est resté dans ma tête : celui d’Alex Lawther, qui a joué dans la série The End of the F***ing World. J’étais fou de cet acteur, j’ai contacté son agent, à l’audace, et cela a fonctionné. On n’a pas peur des refus, à cet âge-là. »

Charlotte : « J’ai toujours considéré que la photo était ma seule option. On s’est un peu croisés, si on peut dire, avec Pierre, parce que j’ai aussi fait quinze ans de piano classique. À un moment, j’ai essayé de composer, mais j’avais une voix horrible, alors je me suis dit que je ne serais jamais chanteuse. Je n’avais pas non plus assez confiance en moi pour me mettre en avant. Peut-être qu’un jour, j’y reviendrai… »

  • LEUR ACTU: Pierre de Maere sera en concert le 15/2 à l’OM (Liège), le 16/2 au Manège (Mons) et les 9 et 10/4 au Cirque royal. charlotteabramow.com.
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