Edouard Vermeulen: « Aujourd’hui encore, j’ai très peur de décevoir »
Le couturier de la reine et directeur de Natan est sincère et bienveillant. Mais qu’en est-il lorsque vous cherchez à percer le mystère de cet homme pudique qui tente, par une pirouette forcément cordiale, de détourner une question personnelle? PHOTOS: LIESBET PEREMANS.
Edouard Vermeulen en vrai
Notre GAEL Guest nous donne rendez-vous un matin de juillet à son QG de l’avenue Louise. C’est l’été, mais il reste fidèle à son style. Il ne porte pas de cravate ni de costume, mais une chemise chic et un pantalon au tombé parfait. Le style Vermeulen. Il est évidemment à l’heure et parfaitement disposé à nous accorder tout le temps qu’il faudra pour lever un bout du voile sur une personnalité attachante et beaucoup moins rigide que sa rigueur et sa longévité dans la mode pourraient laisser penser.
Vous êtes connu pour votre élégance et votre courtoisie. Le fruit de votre éducation ?
Je suis, c’est vrai, le fruit d’une éducation bourgeoise traditionnelle. Mes parents m’ont toujours appris à ne pas me mettre en avant, à être à l’écoute des autres et à faire preuve d’humilité. Ces valeurs et ce mode de fonctionnement sont restés les miens jusqu’à aujourd’hui. J’ai appliqué ce schéma à la lettre, au point qu’il exerce, souvent, un contrôle total sur ma vie.
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On peut d’ailleurs se demander comment, malgré ce sens de la rigueur et du contrôle extrême, vous avez pu vous épanouir dans un métier créatif...
J’ai toujours été créatif. Au contact de ma mère et de ma grand-mère, qui accordaient un soin infini à l’aménagement de leur maison et de leur jardin, j’ai développé un sens des jolies choses. Et puis, la création, c’était une manière d’exister. Moi qui n’avais pas plus envie que ça d’entamer des études académiques, j’ai obtenu de mes parents l’autorisation de me former à l’architecture d’intérieur. Je me suis mis en tête de leur prouver que j’avais fait le bon choix. Jusque-là, comme tous les enfants de ma génération, je n’avais fait qu’obéir, mais, à ce moment précis, j’ai eu la chance de prouver qui j’étais. Je ne pouvais pas la laisser passer. Aujourd’hui encore, plus de 40 ans plus tard, j’ai très peur de décevoir. Depuis toujours, la phrase « On se doit de » est ancrée en moi. Je ne suis pas à proprement parler quelqu’un de maniaque, mais je ne pourrais par exemple jamais laisser ma chambre en désordre si je sais que la personne en charge du ménage va y entrer juste après...
Quand vous recevez vos amis, vous vous mettez la même pression ?
Tout ce que j’entreprends dans la vie ou presque est « en l’honneur de ». Je soigne chaque détail, pour ma satisfaction personnelle d’abord, puis pour celle des autres. Avant un dîner, lorsque mes amis me demandent si « ce sera habillé », je précise tout de même : « Ne venez pas en baskets. » À mon sens, la beauté est synonyme de sérénité.
« J’ai souvent l’impression de m’être lancé dans une vie mondaine malgré moi. Et, quoi que je fasse, ce sentiment de solitude plane au-dessus de ma tête. Je suis un « solitaire dans le monde » »
Vous avez passé plusieurs années au pensionnat. C’était une période difficile ?
Cette expérience m’a profondément marqué. J’y ai souffert d’une grande solitude. Une solitude que j’avais d’ailleurs déjà ressentie plus jeune, lorsque j’étais un petit enfant. À l’époque, j’avais très peur du regard des autres. Aujourd’hui, les gens me voient comme quelqu’un de mondain et de social. Or, je suis timide, une conséquence de ces années de solitude. J’ai souvent l’impression de m’être lancé dans une vie mondaine malgré moi. Et, quoi que je fasse, ce sentiment de solitude plane au-dessus de ma tête. Je suis un « solitaire dans le monde ».
Vous vivez pour votre travail. Cela a-t-il accentué votre sentiment de solitude ?
Les gens qui racontent qu’ils travaillent tout le temps m’agacent un peu. Je ne pense pas avoir travaillé plus qu’un autre. Mon grand-père disait que choisir un métier qu’on aime rend les contraintes qui y sont liées moins visibles. Pour moi, c’est, disons, un refuge. Je ne suis pas un homme obsédé par l’argent. Si j’ai fait carrière, ce n’était pas dans le but de m’enrichir. J’ai probablement vu ce travail comme un moyen de combler ma solitude.
Il vous arrive de regretter certains choix de vie ?
L’autre jour, au cours d’une promenade, j’ai commencé à me demander si tel ou tel choix que j’avais fait était le bon. Puis je me suis arrêté net en me rappelant l’inutilité du regret. Il y a dix ans, j’ai découvert la puissance de la pensée positive. Ça m’a aidé à ne pas regretter, à pouvoir me dire que ce que j’ai accompli est bien et que je ne suis pas obligé de tout défaire pour recommencer en mieux.
SON ACTU
Le 7 septembre, Natan défilera pour la première fois aux Pays-Bas dans le cadre de la Fashion Week d’Amsterdam. Au même moment, l’artiste Pablo Piatti s’appropriera pour la seconde fois la vitrine de la boutique Natan de la rue de Namur à Bruxelles. Son croquis — l’interprétation d’une robe Natan — cohabitera avec la collection automne-hiver de la maison. Cette même vitrine sera ensuite occupée par un arbre gigantesque imaginé par La Licorne verte dans le cadre de l’événement Uptown Design du 12 au 28/9.
www.natan.be.