Cathy Immelen: « C’est sans doute la seule fois que je ferai une telle interview »
À 38 ans, Madame Cinéma de la RTBF a vu à peu près tous les films de ces quinze dernières années. En télé, en radio et dans la vraie vie, cette infatigable bosseuse nous les présente invariablement avec l’élégance de la légèreté. Et être légère, pour notre GAEL Guest Cathy Immelen, c’est choisir le bonheur, à chaque instant. Interview: Anne-Sophie Kersten. Photos: Laetizia Bazzoni.
Après s’être confiée sur son enfance et s’être glissée dans la peau d’une fleuriste le temps d’une journée, notre Guest Cathy Immelen se confie sur sa carrière, son amour de cinéma et ses projets côté, pro et privé.
Cathy Immelen, de « Screen » à « Tellement ciné »
À Tellement ciné, tu es le chef de l’équipe. Tu fais ça comment, être chef ?
Mal... J’ai l’impression que je m’excuse d’être chef tout le temps. Et j’ai du mal à dire les choses. D’autant que c’est une équipe sensible, hyper artiste. Une toute petite remarque peut prendre beaucoup d’ampleur. C’est très compliqué pour moi. Par ailleurs, ça va très vite dans mon cerveau, et je ne me rends pas toujours compte que je dois expliquer le chemin que je prends. Parfois, on ne me suit pas parce que je manque de clarté... Heu (Cathy a un petit hoquet presque imperceptible)... Excuse-moi, mais j’ai ça à chaque fois que je parle de moi longtemps: ma gorge se bloque.
Tu veux qu’on fasse une pause ? C’est pas rien, une telle interview.
Il faut dire qu’on ne me pose pas souvent le type de questions que tu poses. Peut-être que je me livre trop? Je ne sais pas. Je me dis que c’est sans doute la seule fois que je ferai une telle interview.
Comment le cinéma est-il entré dans ta vie ?
D’abord avec les mêmes 15 cassettes VHS qui ont tourné en boucle chez moi. Sissi, dont je connais par cœur chaque plan et chaque note de musique. Autant en emporte le vent. Les bronzés font du ski. J’adore rire ! Quand j’étais petite, Muriel Robin était mon idole. Et Les Uns et les Autres de Lelouch, un film choral pourtant pas du tout enfantin, avec cette scène finale sur le Boléro de Ravel qui m’a beaucoup marquée. J’étais aussi très intéressée par la Seconde Guerre mondiale, les films historiques sur le sort des Juifs et les camps de concentration, j’essayais de comprendre.
« J’aime analyser un film comme j’aime analyser un livre ou un comportement. »
Ta première fois au ciné ?
Microcosmos avec l’école. On n’allait pas au cinéma en famille. Avant mes 18 ans, je suis juste allée voir Farinelli avec une amie. Je n’ai jamais osé le dire à ma mère car c’était l’histoire d’un castrat, or tout ce qui est lié à la sexualité était extrêmement tabou. J’ai prétendu que j’étais allée voir un film avec Vanessa Paradis.
Tu n’es pas née passionnée de cinéma ?
Ma connaissance du cinéma est plus liée à l’amour de l’analyse. J’aime analyser un film comme j’aime analyser un livre ou un comportement. Ce sont mes études (NDLR: un graduat en communication puis un master en journalisme) qui m’y ont ouvert l’esprit. Ensuite, j’ai loué beaucoup de films. J’ai eu mon premier grand choc quand j’ai eu la télé dans ma chambre, avec Arte et le ciné non linéaire.
Comment es-tu entrée à la RTBF ?
Dès mon graduat, j’ai travaillé comme assistante sur les émissions « terroir » de Guy Le- maire. Vers 19 ans, j’ai vu l’annonce pour l’émission Screen. Sur les 400 candidats, il n’y en a plus eu que 40, puis 2: un garçon d’une beauté stupéfiante, hyper calé en cinéma, et moi. Moi j’étais là, limite avec mes deux couettes. On m’avait dit : « Ce sera lui, mais on est obligés de vous faire passer le test face caméra tous les deux. » Du coup, j’y suis allée à la cool. Et lui, avec toute cette pression, a totalement perdu ses moyens. C’est moi qu’ils ont prise.
« Je n’étais pas destinée à faire un chouette métier, pouvoir voyager... J’ai de la fierté d’y être arrivée. »
Où te vois-tu dans dix ans ?
On peut rêver? Jouer la comédie est mon rêve ultime: apprendre un texte, aller sur un tournage, dans un décor, être coiffée, maquillée... Tu jouerais quel personnage? Avec une belle robe, en tout cas. Une princesse anglaise torturée. Du Shakespeare! Oh, ça a l’air cucul, dit comme ça, mon dieu, Cathy ! Je rêve de tas de choses, comme faire des études de nez à Grasse ou tenir une auberge-restaurant en Thaïlande. J’ai beaucoup de mal à me projeter. Là, on fait l’exercice avec mon compagnon, car notre quotidien est compliqué: il vit une semaine sur deux avec moi à Bruxelles et l’autre semaine avec ses enfants à Namur. Il a envie qu’on vive dans une seule maison. Et moi, je n’ai jamais fait de plan, ni professionnels ni privés. Je veux juste vivre maintenant.
Une de tes qualités ?
Je suis courageuse, j’ai beaucoup de mental. Souvent, les gens me pensent sensible et fragile. Mais je suis une fille du long terme, je préfère que les gens me découvrent petit à petit.
Si la Cathy de 8 ans devait arriver ici, que lui dirais-tu?
Courage! Pour le moment, tu n’es pas la reine du bal, mais ça va aller. Les choses te reviendront.
Quand?
À 34 ans, j’ai vécu une rupture amoureuse très douloureuse, celle de ma première relation, qui avait duré treize ans. Ça m’a pris beaucoup de temps de juste dormir, manger et arrêter de pleurer. Je suis passée par la remise en question, le psy, la découverte du yoga. J’ai vécu seule pour la première fois de ma vie. Au début, je ne m’en sentais pas capable, mais j’ai appris. Un jour, j’ai commencé à apprécier la solitude et à comprendre qui j’étais. Je suis sortie de cette période transformée, avec une nouvelle force. La petite Cathy, je lui annonce que là, elle va éprouver un sentiment de revanche, car ce n’était pas gagné. Chez Bourdieu, on dirait « une rescapée du destin ». Je n’étais pas destinée à faire un chouette métier, pouvoir voyager... J’ai de la fierté d’y être arrivée.
Retrouvez cet article en intégralité dans le GAEL de mai, disponible en librairie.
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