Bouli Lanners: « J’ai l’impression d’avoir enfin trouvé mes marques »
À l’affiche de l’émouvant Troisièmes Noces et à la veille de son prochain long-métrage en tant que réalisateur, l’acteur nous a reçus chez lui, à Liège. Il nous a ouvert sa terre, son histoire et son cœur d’or. On a tout pris.
Par Juliette Goudot. Photos: Filip van Roe.
On le cueille à un moment d’apaisement à la veille de son anniversaire. «Bouli», né Philippe Lanners en 1965 et ayant grandi à la frontière allemande, a terminé l’écriture de son prochain film. Une histoire d’amour qu’il espère tourner l’année prochaine en Écosse, après un cycle de long-métrages ardennais qui ont peu à peu dessiné les contours d’une belgitude à la fois flamboyante et punk, d’Eldorado aux Géants en passant par Les Premiers les Derniers (cinq Magritte en 2017).
Demain, c’est ton anniversaire. Aimes-tu qu’on te fête?
Oui, même si je n’en fais pas un principe. Je ne veux pas de fête surprise, ça serait une clause de divorce. Mes anniversaires ont toujours été underground. Pour mes 50 ans, j’ai envoyé un SMS le matin à tous mes potes, on s’est retrouvés sur un banc dans un quartier populaire de Liège et on a acheté chez le Paki des cannettes même pas fraîches. On a passé une super après-midi. Demain, c’est la fête du quartier, je vais traîner à la brocante.
Enfant, tu aimais les anniversaires?
Oui, j’aimais bien mon anniversaire car je sentais un peu d’égards envers ma personne, mais c’était toujours simple, une tarte et un petit cadeau. Adolescent, c’était différent, c’était l’excuse pour faire la fête.
Ce goût de la fête, tu l’as toujours eu?
Toujours. La première fois que j’ai été soûl, c’était au mariage d’un cousin. On avait le droit de boire les fonds de verre, j’étais soûl et mon père aussi. On a vomi tous les deux en même temps, on s’est fait engueuler tous les deux en même temps et j’ai eu l’impression de devenir un homme. Ça a été un moment d’intime communion avec mon père, il n’y en avait pas tellement, des moments comme ça.
« Je porte aussi en moi la peur très pesante de perdre un être cher. »
Tu as eu très tôt cette attirance pour l’art et la beauté, c’est venu d’où?
Je ne venais pas du tout d’un milieu porté là-dessus. Mon père était douanier et ma mère faisait des ménages. Gamin, j’aimais dessiner, mais pas plus qu’un autre. En première année chez les pères, on a eu un cours d’esthétique. Parmi eux, il y avait le père Thierry, un prof d’histoire de l’art dont tout le monde se foutait, sauf moi. Grâce à lui, j’ai découvert la peinture et les biographies de peintres dans sa bibliothèque. Je voulais vivre leur vie, une vie sans horaire, une vie de bohème. Or, je vivais à l’opposé de ça, avec la messe tous les matins. Aujourd’hui, le monde a basculé, mais dans les années 70, on était tous encore de culture catholique. Dans mon village, il y avait cinq messes le dimanche. Tout le village se rencontrait, c’était blindax.
Dans Troisièmes Noces, tu joues un homo veuf: c’est un rôle comme un autre?
Je ne suis pas un homme fait que de testostérone, même si c’était un exercice de style. Ce qui me plaisait, c’est que c’est un homme qui porte une tristesse, un deuil. Ça aurait été plus dur de jouer un homo amoureux. Je porte aussi en moi la peur très pesante de perdre un être cher.
Le mariage, ça a quel sens pour toi?
C’est un sacrement, un contrat sur la vie, un acte fort dans un couple. C’est un acte civil comme un acte d’amour. Mais comme je suis terrifié par l’idée de perdre mon alliance, je me la suis fait tatouer et j’ai obligé Elise à se la tatouer aussi.
L’âge, ça te plaît ou ça te fait peur?
Je me sens beaucoup mieux que quand j’étais jeune, j’ai l’impression d’avoir enfin trouvé mes marques. Ce qui me hante, c’est la maladie, la perte des capacités ou des êtres aimés. J’ai été opéré du cœur il y a quatre ans et je sais que c’est un sursis.
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