Alexandra Lamy: « J’espère qu’aujourd’hui, on ne va pas s’empêcher de rire de tout »
À l’affiche de la comédie familiale Le Test aux côtés de Philippe Katerine, Alexandra Lamy nous parle de féminité, de génie comique, d’Annie Girardot et de ses engagements auprès des femmes. Une rencontre radieuse. D’après une interview de Juliette Goudot. Photo (c) Julien Lienard/Contour by Getty Images
Elle nous reçoit décontractée en pull et lunettes extra-larges dans sa cuisine à Paris, qu’on découvre virtuellement par Zoom, outil obligé de nos rencontres en ce début d’année. Si le public a fait sa connaissance sous les traits de Chouchou, elle dévoile d’autres facettes de sa personnalité rayonnante sur grand écran chez François Ozon, Sandrine Bonnaire ou Franck Dubosc, bientôt derrière la caméra pour sa première fiction (Touchées sur TF1).
Depuis Un gars, une fille, sur le mode de la comédie pure, vos rôles reflètent l’évolution des rapports de couple, de la parentalité : comment cultivez-vous votre goût du comique ?
Souvent grâce au drame. Mais la comédie est la meilleure école, car c’est ce qu’il y a de plus difficile à faire. Il n’y a rien de pire qu’une comédie pas drôle ; avec un drame, on peut toujours s’en sortir. C’est pour ça que beaucoup de gens n’osent pas se frotter à la comédie, car elle ne pardonne rien. Il faut que tout soit bon, le scénario, les dialogues, les acteurs, les réalisateurs, les monteurs, tout doit marcher ensemble. Des réalisateurs de drame, même aguerris, adoreraient faire des comédies, mais ils en ont très peur ! J’ai découvert la comédie grâce à Un gars, une fille. Je viens du théâtre et j’étais plutôt la comédienne de drame, bizarrement, et d’ailleurs, c’était très dur de savoir ce qui faisait rire.
Qu’y a-t-il d’inné dans votre talent comique ?
Peut-être mon débit de parole, qui est très rapide, ça joue beaucoup. Quand Deneuve faisait des comédies avec Rappeneau, il disait qu’il l’avait choisie pour son débit rapide. Annie Girardot, pareil. Inversement, Jean-Pierre Darroussin et Vincent Lacoste ont un débit très lent, ça crée du comique aussi. La comédie, c’est rythmique.
Dans Le Test, vous jouez une mère de famille qui trouve un test de grossesse positif dans sa salle de bain et qui du coup parle de sexualité avec ses ados. Pensez-vous que l’on puisse rire de tout ?
La comédie s’apprend aussi dans le drame et peut faire passer des choses dramatiques. Il suffit de regarder Ernst Lubitsch. Faire To be or not to be en 1941 et oser se foutre de la gueule de Hitler, il fallait le faire. Chaplin qui fait Le Dictateur, pareil. La comédie bien faite est parfois même plus forte que le drame. Inversement, il peut nous arriver de rire pendant un drame, d’avoir un éclat de rire pendant des obsèques. Le rire, c’est une émotion, une façon de sortir quelque chose. J’espère qu’aujourd’hui, on ne va pas s’empêcher de rire de tout. Même si ça dépend avec qui. Ce qui compte, c’est de ne pas rire contre, mais de rire avec.
Il y a une scène assez belle où votre personnage se rend compte qu’elle est un peu passée à côté de sa vie de femme en se consacrant à son rôle de mère. Elle regarde ses enfants danser et se sent très seule, ça vous inspire quoi ?
C’est une des scènes que je préfère dans le film. En la regardant, je me suis surprise à dire : « Qu’est-ce que j’ai réussi mes enfants ! » On a tourné ce film en province en plein confinement, avec des couvre-feux. Alors le peu de fois où on a pu aller au restaurant avec Philippe (Katerine, NDLR) et les enfants, on a réussi à lier un rapport familial. C’était extraordinaire, on avait l’impression d’être une famille ! Quand Chloé a fait son spectacle de gymnastique, on était à fond. C’est émouvant de voir quand vos enfants arrivent à vivre sans vous et que vous vous rendez compte que vous allez les perdre, même si en vrai, on ne les perd jamais. J’ai une fille de 24 ans (la comédienne Chloé Jouannet, NDLR) et elle était encore là hier soir. Mais il faut savoir les laisser partir, faire leur vie. Le problème, c’est que les femmes sont poussées à penser pour deux dès la naissance de leur enfant, les hommes oublient, nous non. C’est presque inné chez nous. Du coup, parfois, on s’oublie, on oublie notre couple. Mais je ne donne pas de leçon. Je dis ça parce que j’ai 50 ans et un peu de recul, même si parfois on est les premières à dire certaines choses et à faire l’inverse !
« La sexualité ne doit pas être un sujet tabou entre parents et enfants, sinon ça peut faire des désastres, des vrais. »
Étiez-vous proche de vos parents, adolescente ?
J’ai une anecdote amusante à ce sujet. Je m’entends extrêmement bien avec ma mère, je suis très proche d’elle, mais aussi très proche de mon père. Ma première fois avec un garçon, je l’ai racontée à mon père à 7h du matin au petit-déj. Il faisait griller du pain, je suis arrivée et je lui ai dit que ça ne s’était pas très bien passé. Sur le coup, il était un peu gêné et il m’a dit d’aller raconter ça à ma mère, mais il est ensuite venu nous rejoindre dans la salle de bain et il m’a dit : « OK ma fille, ça ne s’est pas très bien passé, mais il n’y a pas que la pénétration, il y a les préliminaires. » Et d’un coup, on a eu une conversation formidable. C’était génial d’avoir un homme qui vous dit que c’est important qu’un homme fasse plaisir à une femme. Mon père savait bien que certains hommes ne font pas attention, qu’on ne parle pas assez de la jouissance féminine, c’est tellement tabou. C’était génial que ça soit mon père finalement qui explique à ses filles que les hommes doivent aussi écouter les femmes et leur faire plaisir, que ça n’est pas que dans un seul sens. J’ai trouvé ça formidable de pouvoir lui parler.
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