Prix littéraire Gael: l’avis du jury
À la recherche de lectures pour la rentrée? Et si vous vous laissiez inspirer par les jurés de choc du Prix Gael? Cette semaine, ils vous donnent leur avis sur Sacrée Marie d'Astrid Éliard.
Les romans de la sélection d’août du Prix Gael ont récolté une pluie d’étoiles. Cette semaine, le jury nous parle de Sacrée Marie d'Astrid Éliard. L’ajouterez-vous à votre liste de la rentrée?
Nathalie Aubry
Avis: ***
L’auteur aborde de nombreux thèmes: le rapport entre la femme et son mari, entre la mère et ses enfants, le femme et la religion; tout cela de manière symbolique.
Il y a 2 lectures, la première qui heurte la logique car cela tire dans tous les sens de manière incongrue; la deuxième plus symbolique (dialogue avec le chat, les crottes de ce dernier qui marquent son territoire..), mais néanmoins intéressante car ce sont des thèmes qui nous parlent, comme le sacrifice de l’homme, de sa vie (famille) à sa carrière en se plongeant dans son œuvre médicinale.
Tout est allégorie; d’abord la condition générale de la femme, le carcan religieux, la société où les enfants attendent tout de leurs parents et le dialogue inexistant. Quand à la fin elle se pense enceinte, c’est un désir d’un enfant qui la respecterait: elle idéalise l’enfant aimant.
Le roman propose aussi une critique de la religion car la femme se soumet plus volontiers au mari, à la religion; on lui conseille de prendre un amant mais elle refuse, elle a des scrupules alors que son mari ne se gêne pas pour recevoir sa maitresse à la maison.
J’ai trouvé ce livre particulier de prime abord, mais il m’a ensuite poussé à quelques réflexions en tant que femme et mère.
Julie Matagne
Avis: **
Marie semble ailleurs. Attend-elle quelque chose ou a-t-elle l’art de profiter de l’instant présent? En tout cas, elle ne s’en fait pas. Elle veut se chauffer à un bonheur simple, dans un coin de campagne, aux côtés de son génial homéopathe de mari, cajolant des enfants libres et heureux. Mais rien ne se passe comme Marie l'avait imaginé. Maison, mari, enfants, amies lui demeurent étrangers et la jeune femme cherche en vain un peu de chaleur.
Astrid Éliard crée la surprise à chaque page, dépeint un univers qui prend des couleurs un peu angoissantes et franchit mine de rien la frontière de la normalité. Le lecteur est accroché à l'hameçon de la banalité qui se délite, redoutant le drame et espérant que Marie ne se change pas en pierre. Étonnant et original, Sacrée Marie! est sans conteste un roman envoûtant.
Catherine Hénaut
Avis: **
Au début, il y a la maison presque inaccessible au bout de nulle part, puis il y a Marie, trop bonne, trop généreuse, trop enceinte...
Ensuite, il y a l’accouchement à domicile, le placenta jeté aux orties.
Enfin, il y a Victor, nouveau-né pourvu d’une dent, signe annonciateur du premier supplice que Marie subira en allaitant son fils.
Victor refuse la tendresse et l’amour de sa mère et n’accepte que la présence et la reconnaissance de son père.
Une nouvelle grossesse et un deuxième fils un peu à part n’arrangeront pas la situation.
Marie, déçue par la maternité, est sans cesse à la recherche du bonheur.
Avec un mari médecin herboriste qui va exploiter sa femme en l’obligeant à recopier son livre sur les plantes vénéneuses, l’absence de patients, ses amies trop parfaites, mères de famille comblées par leur progéniture, Marie pense trouver la solution dans la religion, mais là encore, tous ses espoirs sont vains.
Manipulée, trahie, trompée, Marie va devoir remonter ses manches et faire preuve d’un courage absolu pour affronter la réalité.
C’est le roman de la révolte, la fin du mythe de la maternité, l’émancipation et la revanche d’une sacrée Marie!
Anne Meyer
Avis: **
Marie, femme au foyer et Cornelius, médecin viennent de s'installer dans un coin perdu à la campagne.
C'est la joie: pour elle, l'attente de son premier enfant – puis d'un second -, de nouvelles amies qui lui prodiguent des conseils d'éducation; pour lui, la recherche de patients et un jardin où faire pousser des plantes médicinales avec lesquelles il pourra concocter des médicaments.
Le quotidien s'écoule sans surprise; la maternité et la vie de couple sont loin de ce qu'avait imaginé Marie.
Son aîné l'ignore, préférant son père, l'autre un peu attardé l'oblige à une surveillance de tous les instants. Son mari l'exploite et la méprise, la trouve un peu sotte et trop enveloppée. Marie se tourne alors vers Dieu, parle au chat qui lui répond et la met en garde...
Mais un jour la coupe déborde et la boulangère, la seule patiente de Cornélius, couverte d'exéma, n'y est pas étrangère.La lectrice découvre alors une toute autre Marie révoltée et très imaginative qui tient une surprenante vengeance!
Certes bien écrit, ce roman pose toutefois une question sur le fond. Certaines pourront l'apprécier parce qu'il valorise le dévouement et l'abnégation de la femme au foyer (enfant, ménage, religion) jusqu'à sa rébellion alors que d'autres ne verront dans le personnage de Marie qu'une femme traditionnelle très éloignée des préoccupations des jeunes femmes actuelles qui exercent une activité professionnelle, sont indépendantes, ont des enfants et partagent les tâches.
Cette Marie est un peu énervante par sa soumission mais assurément un sacré objet de débats!
Delphine Motte
Avis: *
Il y a des livres qui nous happent dès les premières pages. Il y en a d’autres auxquels il faut donner le temps que l’histoire s’installe. Et il y en a où on ne rentre jamais dans l’histoire. Sacré Marie! fait partie pour moi de la dernière catégorie.
Je n’ai jamais été happée par le récit, jamais été curieuse de voir ce que le prochain chapitre me réserve. Le livre raconte la vie de Marie, mère au foyer et épouse complètement effacée de Cornélius, son mari tordu et manipulateur.
Par un coup de téléphone la religion entre dans le récit et s’accapare, de manière rocambolesque ou avec métaphore, selon les avis, la fin de l’histoire. On sent que l’auteur veut montrer le cheminement de Marie vers la prise en main de son destin, mais pour moi cette délivrance arrive trop tard.
Je n’ai pas du tout accroché à ce roman et ne voit pas pourquoi l’auteur se plait à décrire les croûtes d’eczéma de la boulangère ou la poitrine enflammée de Marie lorsqu’elle allaite son enfant.
Alexandre Seron
Avis:**
Toute la vie de Marie est sa famille et ses amies. Son mari apprenti médecin. Pacificateur des âmes et des corps. Victor son aîné. Non obéissant et passionné par son seul père. Sébastien son deuxième. En retard permanent de développement. Et Marie qui veut une fille... Julie, Jacynthe et Vera, ses amies, n'ont d'yeux que pour elles-mêmes.
D'une grande crédulité, Marie passe après, après, toujours après. Retirée un peu. Écrasée souvent. Insultée aussi. Vie par procuration. Vie et exploitation. Esprit en Délire. Âme à la dérive. Vie refuge à prier. Et espérer. Vie quasi en croix. En colère parfois. En consolation souvent. La révolte pourtant sourd. Non: Marie n'est pas une vache stupide! Marie est une sainte. Sacrée Marie!
Sacrée Marie, Astrid Éliard, Éd. Mercure de France
Prix GAEL/Libris en collaboration avec Libris Agora
A.D. et S.Z.