Meet our Guest: Lous and the Yakuza, la guerrière adoucie
Une enfance bousculée par la guerre, ballottée entre le Congo, le Rwanda et la Belgique. Une adolescence dorée puis rebelle, qui l’a amenée à vivre dans la rue. À 26 ans, l’auteure-compositrice-interprète aux talents multiples avance vers l’apaisement. Et rayonne sous les spotlights. Par Isabelle Blandiaux. Photo (c) Charlotte Wales.
Lous and the Yakuza en vrai
Une grande maison lumineuse dans laquelle Marie-Pierra Kakoma, comme il est écrit sur sa carte d’identité, nous cuisine un lunch rapide : des légumes, des œufs, un peu de viande, du pain. Ça sent bon et ses microchiens nous font la fête. Cela ressemble à une banale et chaleureuse scène du quotidien, mais le symbole est fort. Lous (and The Yakuza, le collectif avec lequel elle travaille) a vécu dans la rue à 19 ans, comme les orphelins qu’elle voyait errer au Rwanda après le génocide, alors aujourd’hui, sa demeure du sud de Bruxelles a les portes grandes ouvertes. Pour les visiteurs, mais aussi et surtout les amis dans la dèche.
Alchimiste dans l’âme, Lous (l’anagramme de « Soul ») transforme ses traumas du passé en or
Papa congolais, un éminent médecin et professeur, maman rwandaise et pédiatre, auxquels elle voue une grande admiration, trois frère et sœurs, Marie-Pierra a connu une enfance mouvementée, marquée par les séparations dues à la guerre en RDC. Mais aujourd’hui, les liens familiaux sont forts. « On habite tous sur des continents différents, mais on arrive à se réunir au complet dix fois par an, sourit-elle. Et je vais en Afrique au moins tous les cinq mois, pour voir mes parents. » Alchimiste dans l’âme, Lous (l’anagramme de « Soul ») transforme ses traumas du passé en or. Depuis ses premiers singles sortis à partir de la fin 2019 (Dilemne, Tout est gore, Solo) et son premier album, Gore, publié en 2020, son chant et sa musique lui ont permis de faire entendre sa voix, ont dénoué bien des tensions, évacué bien des frustrations. L’été dernier, celle qui a écumé toutes les scènes des bars et des petites salles pendant des années a joué dans des stades, en ouverture de Coldplay et de Gorillaz et en première partie européenne d’Alicia Keys.
« C’est le rêve, mais cela m’a également appris le courage, parce que je suis quelqu’un d’assez timide, en fait »
« C’est le rêve, mais cela m’a également appris le courage, parce que je suis quelqu’un d’assez timide, en fait », précise-t-elle. Forte d’un contrat de management signé aux USA avec le label de Jay-Z, Roc Nation, Lous revient avec un deuxième album, Iota, lumineux comme elle. Elle peint également et a récemment exposé à New York et à Paris ses tableaux bruts et colorés qui décorent toute sa maison. Elle laisse encore sa créativité s’exprimer en tant qu’architecte d’intérieur : elle a dessiné l’espace de coworking Silversquare, près de la gare du Nord à Bruxelles, doté d’une... forêt de champignons. Spontanée, vive, drôle, surprenante, hyper communicative, Lous se raconte aussi sans langue de bois.
Autobiographie en 3 dates
20 février 2001: « Le jour de mon arrivée en Belgique avec ma grande sœur et mon grand frère. J’ai 4 ans et demi. On rejoint notre mère qui s’est réfugiée en Belgique avec ma petite sœur alors bébé, suite à la guerre au Congo. Je me souviens de son magnifique manteau rouge dans un paysage tout blanc. C’est aussi la première fois que je vois de la neige. Un beau souvenir. »
13 décembre 2015: « C’est le jour où j’ai reçu l’avis d’expulsion de mon appartement. Un moment très hardcore de ma vie. J’habitais avec une fille, et sa mère ne voulait plus qu’on soit en coloc ; or, elle était la garante, donc on a été expulsées. Cette fille est rentrée chez elle à Uccle. Mes parents à moi étaient à l’étranger, je n’ai rien dit à personne et je suis allée vivre dans la rue. »
10 mai 2017: « Le jour où j’ai commencé à faire de la musique en français. Parce qu’avant, je ne chantais et je n’écrivais qu’en anglais. C’était une nuit dans un appartement à Molenbeek et j’ai écrit le début du titre Mon ami, qui a fait que j’ai été signée par la suite. »
Découvrez notre rencontre avec Lous and the Yakuza en intégralité dans le GAEL de novembre, disponible dès maintenant.
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