Doria Tillier: « Les gens qui pensent par eux-mêmes, je trouve ça sexy »

Capable de séduire un frigidaire dans Yves, l’ex-Miss Météo de Canal + sera de La Belle Époque, de son compagnon Nicolas Bedos, à l’automne. Portrait d’une actrice et humoriste déjantée, au charme et à l’esprit explosifs. D’APRÈS UNE INTERVIEW DE JULIETTE GOUDOT.

Doria Tillier, bombe d’humour

En total look jean et bottes en daim, longue et mince, on rencontre Doria Tillier à Paris entre des attachées de presse en fume-cigarette et ses comparses masculins d’Yves (les nonchalants William Lebghil et Philippe Katerine), comédie absurde où Doria vend un frigo intelligent surnommé Yves et fait craquer tout le monde (même le frigo) avec son sourire creusé de fossettes, même si elle avoue « ne s’être jamais vraiment vécue comme femme ». En débarquant en 2012 sur le plateau du Grand Journal de Canal + comme Miss Météo, elle catapultait les archétypes de la féminité, tournant en dérision le glamour des actrices dans ses imitations de Monica Bellucci et Marion Cotillard et remettant à sa place Nicolas Bedos en parlant de sexe crûment — sa réplique « Je savais pas qu’on suçait les potes » est restée dans les annales de la télé. À 33 ans, sa carrière s’est musclée, avec un premier rôle dans Monsieur & Madame Adelman, comédie satirico-sentimentale de Nicolas Bedos (qu’elle a coécrite et pour laquelle elle décrochait une nomination aux Césars), et une série de sketchs-pastiches d’un show télé américain où elle campe Peepee Malone, une journaliste névrosée à l’ère de #MeToo (regardez celui où elle prend Vincent Macaigne pour un prédateur sexuel). Mais sous le sourire enfantin, le visage rougit facilement et les yeux s’embuent très vite. « Je suis super émotive, je pourrais pleurer maintenant », prévient Doria. C’est parti.

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Comment définiriez-vous votre milieu d’origine et en quoi étiez-vous prédestinée ou pas au métier d’actrice ?

C’est difficile de définir son milieu d’origine parce qu’on a toujours l’impression que le sien est un milieu « normal », donc je dirais normal. Mon papa est mathématicien, ma mère était restauratrice de tableaux. J’ai eu des parents très ouverts d’esprit avec qui je parlais très librement. Prédestinée, je ne sais pas trop ce que ça veut dire, mais très jeune j’étais attirée par tout ce qui est l’ordre de l’entertainment, du spectacle. Quand j’allais au cirque, je voulais être dans le cirque. À 6 ans, je suis allée au théâtre voir une amie de mes parents qui jouait dans une pièce, je retournais la voir souvent, j’étais fascinée par les coulisses, je voulais vraiment faire partie du spectacle, de la roulotte. Pareil pour les spectacles d’école. Et puis j’aime bien rire, faire rire, et aussi émouvoir.

Quels sont vos modèles d’acteurs ou d’actrices ?

Gamine, j’adorais regarder Valérie Lemercier à la télé dans Palace. Ce sont les acteurs dits de comédie qui m’ont donné envie de faire ce métier et qui m’inspirent le plus. Côté anglo-saxon, j’adore Jim Carrey et Robin Williams, qui ont aussi leur palette de films émouvants, de Will Hunting au Cercle des poètes disparus. Robin Williams venait du stand- up et faisait beaucoup d’imitations, des choses très outrancières. J’adore aussi l’humoriste Kristen Wiig, qui vient du Saturday Night Live. Si j’étais aux États-Unis, je passerais le casting du SNL.

Miss Météo à Canal + de 2012 à 2014 : quelle école ça a été pour vous ?

C’était assez merveilleux, car ça a vraiment comblé toutes mes attentes et c’est vraiment ce que je voulais faire. Entre un premier rôle dans un film ou Miss Météo, j’aurais choisi Miss Météo, et j’ai eu la chance d’être choisie. C’était merveilleux, car pour quelqu’un comme moi, qui aime aussi écrire, tu as une deadline tous les soirs. Je suis très perfectionniste, donc si je ne dois pas délivrer, je ne fais pas. Le direct t’oblige à y aller et à voir que la perfection n’existe pas, et c’est tant mieux. Je me suis beaucoup amusée avec tous ces personnages, c’était l’école du « faut y aller », l’école du direct. Il faut se jeter à l’eau.

« J’adore constater que ce qu’on croyait ne toucher que soi en fait touche les autres aussi. On se sent moins seul. »

Vous n’avez jamais eu peur du ridicule ?

Bien sûr que si, et il m’est arrivé d’être ridicule. Mais l’idée est d’assumer ce qu’on trouve drôle. Je me disais : si moi je trouve ça drôle, alors ça fera peut-être rire les gens, et souvent c’était le cas. C’est très agréable de se sentir compris dans ces moments-là. Pendant le Festival de Cannes, j’ai fait des sketchs où je joue une journaliste américaine (The Peepee Malone Show by Doria Tillier) qui interviewe des acteurs français en anglais et j’ai pris beaucoup de plaisir. J’avais peur que cet humour américain ne marche pas, mais beaucoup de gens ont aimé. J’adore constater que ce qu’on croyait ne toucher que soi en fait touche les autres aussi. On se sent moins seul.

Quelle serait votre définition de la séduction ?

Ce qui me séduit, ce sont les gens qui ont une pensée propre et libre et qui l’assument. Les gens qui osent dire ce qu’ils pensent sans avoir peur de heurter ou d’être mal-aimés. Je ne parle pas de la provocation, être provoc pour la provoc, ça ne m’intéresse pas, mais j’aime les gens qui pensent par eux-mêmes. Je trouve ça très sexy.

D’où vient chez vous le désir de travailler et de vous inscrire dans des films ?

Je ne l’ai pas analysé à ce point. Spontanément, je dirais l’envie de participer à des choses que je trouve belles. Belles au sens large, des œuvres intéressantes, touchantes, drôles. Je n’ai jamais eu envie de prouver des choses à mes parents. Je n’ai pas de revanche à prendre, par exemple. Je n’ai pas ce moteur-là, c’est ce qui me manque peut-être un peu comme artiste, d’ailleurs, car ça n’est pas dévorant chez moi. Si le métier s’arrête, je ne vais pas en crever.

Il se passe quoi à l’intérieur de vous, à ce moment-là ?

On me dit que je suis trash, mais je n’ai pas ce sentiment, je ne cherche pas à provoquer. Je pense d’ailleurs qu’on peut tout dire. C’est la bien-pensance et le suivisme qui me choquent, pas les mots. Je déteste l’humour prêt-à-porter ou les franchises d’humour, ça me déprime. Le principe de l’humour est de surprendre. Donc, quand j’entends un truc comme « Amis de la poésie, bonsoir », j’ai envie, effectivement, de dire bonsoir. Inversement, j’adore Ricky Gervais, il se contente de dire des vérités sur la mort, le suicide ou la sexualité qui semblent taboues. Ce qui est drôle, c’est de le dire face à des gens qui peuvent trouver ça choquant et de les convertir. Essayez.

Retrouvez cette interview en intégralité dans le GAEL d’août, disponible en librairie!

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