Benoît Poelvoorde: « Il est peut-être temps que je fasse autre chose »
Dans une langue fleurie qui n’appartient qu’à lui, il revient sur ce qui continue de l’animer, avec tendresse et lucidité. Rencontre privilégiée avec un acteur qui « ne compose pas » pour la sortie de « Sur la branche », émouvante comédie, en salles le 28 juillet. Par Juliette Goudot.
Il nous attend à la terrasse d’un hôtel bruxellois qu’il a choisi « près de l’autoroute » pour « repartir plus vite » à Namur, son fief qu’il n’aime pas quitter trop longtemps. L’acteur ne cache pas qu’il n’a plus très envie de faire du cinéma et prévient qu’il aimerait donner une interview « définitive » pour en avoir fini avec ça. « J’ai fait le tour de ce que je suis et je pense que les gens aussi. Je ne suis pas sûr que parler de moi donne envie aux gens d’aller voir un film, mais je peux me tromper », précise-t-il quand on s’installe devant deux cafés, parce qu’il « ne touche plus à l’alcool ».
À 58 ans, Benoît Poelvoorde a beaucoup donné depuis le succès du cultissime C’est arrivé près de chez vous réalisé avec ses potes Rémy Belvaux et André Bonzel
À 58 ans, Benoît Poelvoorde a beaucoup donné depuis le succès du cultissime C’est arrivé près de chez vous réalisé avec ses potes Rémy Belvaux et André Bonzel, alors étudiants. 70 films et 30 ans de mariage plus tard, il affiche des fragilités assumées et des morceaux de vie parisienne ponctués de retours namurois jamais très loin de Jacqueline, sa mère, son pilier. On n’aura pas la prétention de penser que l’interview définitive se déroule ici et maintenant avec nous, mais à l’écouter parler des rencontres de sa vie et de son dernier film Sur la branche, où il campe un avocat radié du barreau face à Daphné Patakia et Agnès Jaoui, on ne voudrait pas que le feu s’éteigne en lui.
C’est difficile, les interviews ?
Non, mais je pense tellement avoir fait le tour de moi qu’à la fin, je ne me remets plus en question et je tourne en rond. Je me dis qu’il est peut-être temps que je fasse autre chose.
Des confitures ?
Non, je ne sais absolument pas cuisiner.
Je n’arrive pas à composer un personnage. Je vis la situation, sans avoir de « truc » d’acteur.
Dans Sur la branche de Marie Garel-Weiss, vous jouez Paul, un avocat qui traverse un largage existentiel après avoir été radié du barreau. Ça vous aurait plu d’être avocat ?
C’est quelqu’un qui a mis la justice au-dessus de tout et qui est passé de l’autre côté du miroir. Ça ne m’aurait pas plu d’être avocat, mais j’ai souvent été invité au barreau à faire des trucs d’éloquence pour des écoles de droit, car ce métier marche aussi sur la tchatche. On a une image de l’avocat assez spectaculaire avec des films de plaidoirie, ou avec des séries américaines où le droit ne correspond pas au nôtre. Mais dans la réalité, quand tu rencontres un avocat, il est déjà trop tard. Je sais que dans le fond, ça n’a rien de romanesque.
Le film aborde la question de la santé mentale à travers le personnage de Daphné Patakia (Mimi). Récemment, beaucoup d’artistes, comme Stromae, ont osé aborder ce sujet longtemps tabou. Ça vous inspire quoi ?
Dans le film, il y a une scène qui a été coupée où Mimi disait qu’elle était un peu givrée et je lui répondais qu’aujourd’hui, on met un mot spécifique sur le moindre trouble. Je trouve ça bien que la presse parle de santé mentale, mais je me méfie des fourre-tout et des diagnostics médiatiques. Pour moi, la moitié des gens dépassent les bornes. Je n’ai jamais vu Stromae en concert et je ne sais pas ce qu’il a dit exactement. Il donne beaucoup et s’il ne peut plus continuer, alors c’est tout. Si on se regarde bien en face, on est tous un peu borderline.
Depuis Les Émotifs anonymes jusqu’à Normale, où vous êtes bouleversant en père malade, vous libérez de belles doses fragilité dans vos rôles. En quoi la fragilité est un moteur de votre jeu d’acteur ?‘
C’est une bonne question, que je devrais d’ailleurs me poser. Je devrais me demander pourquoi je vais me fourrer dans des films où on me fait aller dans ces zones, pourquoi j’accepte des scénarios qui laissent la place à ça. Car je suis quelqu’un qui ne compose pas, je suis très premier degré. Prenons l’exemple d’Inexorable (de Fabrice du Welz) : quand je lis le scénario, je lis un thriller et je ne vois pas les moments où je vais être poussé à bout dans l’affect et dans les moments de dépression. Pourtant, c’est écrit entre les lignes. Et sur le plateau, je me retrouve torse nu à boire comme un trou, dans des états de transe. Ça n’était pas écrit, mais j’aurais dû m’en douter. Dans Normale non plus, il n’était pas écrit que je pleure devant ma fille ni que je suis ému à ce point, et c’est pourquoi la question est pertinente. Car je n’arrive pas à composer un personnage. Je vis la situation, sans avoir de « truc » d’acteur.
Découvrez notre rencontre avec Benoît Poelvoorde en intégralité dans le GAEL d’août, disponible en librairie.
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