Adélaïde Charlier: « Avec Greta, je suis passée de la conscientisation au vrai déclic »

À 20 ans, la porte-parole francophone de Youth for Climate Belgique a serré la pince de grands dirigeants, s’est rendue en voilier au Brésil, où elle a rencontré le chef Raoni, a durci le ton face à des leaders qui refusaient de prendre en compte les constats scientifiques et s’est pris d’innombrables fous rires avec Greta Thunberg, devenue une vraie amie. PAR FLORENCE HAINAUT. PHOTOS : LAETIZIA BAZZONI.

Adélaïde Charlier en vrai

Au moment de la parution de ce GAEL, Adélaïde Charlier est sans doute en train de passer l’un de ses derniers examens. De nombreuses personnes trouvent qu’elle ferait bien de se concentrer sur l’école au lieu de manifester dans les rues, mais ses études universitaires se portent bien, merci ! La plus jeune et peut-être la plus impressionnante de nos GAEL Guests a en effet brillamment réussi sa première année d’université. Son combat pour le climat, c’est un combat pour la vie, dit-elle. La sienne, celle de sa génération et des suivantes. Une évidence qui s’est construite tout au long de son adolescence. Elle est engagée parce qu’elle estime ne pas avoir le choix.

« Adélaïde Charlier est animée par un feu qui ne laisse pas indemnes celles et ceux qui ont la chance de la croiser. »

Du petit matin à tard le soir, tous les jours, cette jeune femme est sur le pont. Dans ses rares moments de répit, dans le train ou dans les transports en commun, elle en profite pour répondre à ses e-mails. Ne cherchez plus, la vraie énergie renouvelable, c’est elle. Elle a un peu hésité avant de répondre positivement à notre invitation. Et puis s’est dit qu’avoir accès aux médias, c’était un privilège qu’elle ne pouvait pas refuser. Que peut-être, parmi vous, certaines allaient être sensibilisées aux messages qu’elle veut faire passer. Alors elle a fait de la place dans son agenda de ministre et nous a accordé du temps entre deux sessions d’études. Adélaïde arrive, le nez rosi par le froid, grand sourire. Nous vouvoie d’abord poliment, puis passe au tutoiement au fur et à mesure qu’on rigole pendant l’entretien.

On aura parfois eu du mal à la faire parler d’elle, à savoir qui elle est. Avant de comprendre qu’il ne fallait pas chercher, tout est là. Ses combats, c’est sa vie. Ce qui la meut, l’émeut, lui donne envie de se lever le matin, la rebooste en cas de coup de mou, c’est l’urgence climatique face à laquelle elle a pris la décision de ne plus être inactive. Adélaïde Charlier est animée par un feu qui ne laisse pas indemnes celles et ceux qui ont la chance de la croiser.

Il y a quelques années, tu rêvais de vivre à New York, de travailler pour Google, de rouler en 4X4 et de manger au McDo tout le temps. Mais que s’est-il passé ?

Le décalage est énorme, mais c’est vrai ! Je n’ai pas eu un seul déclic, c’est venu en plusieurs étapes. Déjà, à la base, mes parents étaient sensibilisés à l’écologie, même si je n’ai pas le souvenir d’avoir entendu de leur bouche le mot « urgence ». Et j’insiste, parce que j’ai tellement lu que j’étais manipulée : jamais ils ne m’ont poussée à m’engager.

Et puis il y a eu ce déménagement au Vietnam, où ton père a été muté.

J’avais 11 ans et j’étais scolarisée dans un établissement des Nations unies. Au programme, il y avait les sujets sur lesquels l’agence travaille, dont la question climatique. Et puis le Vietnam, c’est un pays qui, il y a dix ans, était déjà visiblement touché par les conséquences du dérèglement climatique. Ce qui semblait encore très théorique à certains était là-bas très concret. On observait déjà la montée des eaux du Mékong, des typhons de plus en plus intenses et fréquents, les premières migrations climatiques.

« Quand j’ai commencé à militer, je n’étais pas cohérente, et encore aujourd’hui, j’ai parfois du mal à l’être. »

Ce que tu as vu là-bas, ça a été le déclic ?

Même pas ! Évidemment, je réalisais qu’il y avait un truc qui n’allait pas. Mais j’étais enfant et je me disais que forcément, le problème était géré par les adultes. Peu après être rentrée en Belgique, j’ai découvert Greta Thunberg et là, j’ai réalisé que non, le problème n’était pas adéquatement pris en charge par les personnes dont c’est le métier, et que peu importe l’âge qu’on a, on peut les pousser à le faire. Avec elle, je suis passée de la conscientisation au vrai déclic.

Et tu as tout changé...

Je n’ai pas fait ça du jour au lendemain, je n’ai pas arrêté les burgers direct. Quand j’ai commencé à militer, je n’étais pas cohérente, et encore aujourd’hui, j’ai parfois du mal à l’être. Mais je voulais dire au politique qu’il avait une responsabilité à prendre. Moi, en tant que jeune, je ne suis pas parfaite, mais je n’ai pas la même responsabilité que les politiques. J’ai la responsabilité d’agir en tant que personne, et j’ai le devoir de pointer le doigt vers les dirigeants en leur disant qu’ils doivent se bouger.

Et aujourd’hui, la vie dont tu rêves, quelques années après, elle ressemble à quoi ?

Je ne sais pas exactement, mais je sais qu’elle est plus respectueuse de tous les êtres vivants, non seulement des droits humains, mais aussi des animaux qui nous entourent, des plantes. Ça serait une vie que je construis avec d’autres, en avançant ensemble.

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