François Damiens: « Ce qui m’ennuie dans les relations, c’est le blabla superficiel »
Pour défendre Mon Ket, ce film étonnant qu’il a lui-même réalisé, François Damiens doit s’exposer sans ce masque qui lui permet de tout oser. Si on a senti à quel point l’exercice lui était difficile, nous, on était touchées de le voir se livrer un peu plus loin qu’on ne l’espérait.
Sans maquillage d’affreux, sans accent à couper au couteau (comme dans Mon Ket, son premier film en tant que réalisateur) sans autre rôle que le sien, François Damiens est un grand pudique qui répond à vos questions avec un souci d’honnêteté, tout en soulignant son souhait de préserver sa précieuse intimité. Cette période de promotion, où toute la presse francophone se l’arrache, lui donne l’occasion de rendre la pareille aux amis producteurs qui ont misé sur son film, mais c’est aussi une période de torture pour un homme épris de liberté, qui déteste être surexposé et se sentir coincé dans un agenda. Nous, on marche sur des œufs car on lui a promis de mériter sa confiance. Approche à pas de loup d’une large carrure, farouche, galant, qui s’assied sur un coin de table basse pour vous laisser le canapé, qui dit «tu» au lieu de «je» comme pour mieux se planquer et qui trouve utile de préciser qu’il vous écoute tandis qu’il vous sert de l’eau.
Tu as grandi dans quel genre de famille?
Une famille unie, où nos parents ne s’érigeaient pas en modèles, où on pouvait dire ce qu’on pensait. Ce n’était pas le cliché du père tout-puissant et de la mère fée du logis. Ma grande sœur, mon petit frère et moi avons pu développer nos personnalités. Ça nous a permis d’être très différents et en même temps ça nous a rapprochés. Nos parents nous ont responsabilisés. C’est ce que j’essaie d’inculquer à mes enfants: plus vous serez responsables dans la vie, plus vous serez libres. Moi, c’est pour avoir cette liberté que je me bats en permanence, pour n’avoir aucun compte à rendre à personne. J’ai du mal à m’imaginer à la place de potes de mon âge qui, s’ils quittent le boulot en douce à 13h le vendredi, ont peur de se faire pincer.
Je reviens à ta famille. Tu y as quel rôle?
L’électron libre. Je n’ai jamais aimé jouer, je n’ai jamais lu une BD ni regardé un dessin animé. J’observais les grands. Je m’asseyais à table, je regardais ma mère cuisiner, je stockais de l’info. Après ça, vers 10-12 ans, tu commences à essayer de t’en servir pour faire rire, et tu te vautres, évidemment... Tu crois que tu en tiens une bonne, mais on te répond: «Oh, tu sais que ce n’est pas gentil ce que tu viens de dire!» Je me rappelle avoir dit à une copine de ma mère qu’elle avait de la moustache, pour faire rire. Les yeux noirs de ma mère! J’ai insisté: «Non, mais c’est vrai que Nicole a de la moustache.» Malaise. Une autre fois, au supermarché, j’avais glissé des chewing- gums dans le sac de ma mère. Quand elle a fini de payer, je les ai sortis en disant: «C’est quoi ça?» Là j’ai pris cher, alors que c’était pour faire une blague, quoi.
« J’aime bien bousculer et y aller fort, quitte à ce qu’on se dise: «Il est débile, ce mec.»
On se dit parfois que tu vas t’en prendre une!
J’aime aller partout, ne pas avoir de filtre, comme quand j’incarne un personnage. Heureusement, si tu montres de l’humanité, ça passe. Moi, ce qui m’ennuie dans les relations, c’est le blabla superficiel. À un dîner, les discussions deviennent intéressantes au moment du dessert, mais là il est temps de partir. Moi, l’itinéraire du mec pour aller travailler le matin, qu’il prenne le train, l’avion ou fasse du stop, franchement je m’en fiche. J’ai envie de gagner du temps, de demander: «Toi, tu es heureux? Tu te projettes comment dans dix ans? Quelle est ta plus grosse préoccupation du moment?» On ne dit pas ça à l’apéro, mais moi j’aime bien bousculer et y aller fort, quitte à ce qu’on se dise: «Il est débile, ce mec.»
Tu viens d’une famille où on rit?
Oui, on aime bien tout tourner en dérision. Je ne garde jamais mon sérieux très longtemps. Je crois que je suis trop sensible pour entendre trop de choses dures...
Qu’as-tu hérité de ton papa?
Le travail. Je n’arrive pas à appliquer ce qu’il fait, mais il s’est levé toute sa vie à 7 h du matin. Et le côté protecteur, comme un grand chef scout. Il était rassurant pour tout le monde.
Et de ta maman, qu’as-tu as reçu?
Un côté léger, «rien n’est impossible». Plus une chose semble impossible, plus j’ai envie de la faire. En même temps, on prend des grandes décisions et une demi-heure après, heu... voilà. Ma mère commençait un régime tous les matins à 8h et à 11h il était déjà fini. Moi, je vais confisquer son téléphone à un enfant et une heure après: «Bon allez, prends-le, mais vas-y mollo.»
Si le petit François rencontrait le François de 45 ans, il lui dirait quoi?
«T’as plus de cheveux?» Non, sans blague, il dirait probablement: «Comment as-tu fait pour être aussi libre?»
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