Sœurs et associées: rencontre avec les fondatrices de Filles à Papa

Les jumelles Olsen, le clan Kardashian... Les fratries les plus célèbres qui gravitent dans la fashion sphère nous montrent l’exemple d’une belle complicité tout autant que de chamailleries incessantes. Et chez nous alors, travailler avec sa sœur, ça donne quoi? PAR MARIE HONNAY ET LENE KEMPS. PHOTOS: FILIP VAN ROE.

Carol & Sarah, FONDATRICES DU LABEL FILLES A PAPA

En 2009, Carol (la brune) et Sarah Piron lancent Filles a Papa, une marque pointue, délibérément décalée, voire un tantinet décadente, qui se fait très rapidement une place à l’international. Sarah est diplômée d’Esmod à Lille et Carol a étudié les arts graphiques à Bruxelles, mais c’est ensemble que les Liégeoises dessinent les contours d’une griffe portée par Marion Cotillard, Rita Ora et Beyoncé.

Sarah (33 ans) «Adolescentes, on s’intéressait déjà à la mode. On s’échangeait nos vêtements, mais on n’avait pas encore l’idée de lancer notre marque un jour. C’est venu après...»

Carol (34 ans) «Je n’ai pas choisi d’intégrer une école de mode, mais j’évoluais dans un milieu artistique. À Liège, j’étais plongée dans l’univers de la subculture. Je fréquentais des graphistes, des musiciens... Ce n’est qu’à la fin de nos cursus respectifs qu’on a commencé à penser à un projet commun.»

‘Lorsqu’on s’est lancées, nous n’avions aucune idée du fonctionnement exact d’un tel business.’

Sarah «Ça peut paraître étrange, mais le fait d’être séparées pendant quelques années — j’étudiais en France et Carol à Bruxelles — nous a donné envie de nous rapprocher par la suite. Juste après nos études, on a pris une année sabbatique à New York. Le temps de plancher sur notre projet et d’en définir les bases.» Carol «Nos parents n’ont pas du tout un profil artistique, mais la fibre entrepreneuriale, ça oui. D’où notre envie de créer notre business.»

 

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COMPLICITÉ DÉCALÉE

Carol «Nous n’avons jamais été fascinées par la mode version premier degré. L’élégance “tapis rouge” n’est pas notre source d’inspiration. Le fait d’avoir grandi à Liège, d’y être resté, d’avoir côtoyé des artistes, mais aussi un univers plus industriel (au travers du secteur d’activité de notre père) a contribué à nous forger un style très différent, en marge de la scène mode belge.»

Sarah «Notre mère a un look raffiné qui a aussi laissé des traces. Notre rapport à la mode, plus intuitif qu’académique, c’est à elle qu’on le doit. Pour le reste, j’avoue que lorsqu’on s’est lancées, nous n’avions aucune idée du fonctionnement exact d’un tel business. On a tout appris en travaillant. Être deux nous a beaucoup aidées. On a pu, d’emblée, capitaliser sur notre complémentarité.»

‘Que nous soyons distribuées à Liège ou aux États-Unis rend nos parents tout aussi fiers’

Carol «Je me suis concentrée sur le volet communication et la création d’une image de marque, mais les collections sont clairement le fruit de nos deux sensibilités.»

Sarah «J’ai un côté plus féminin, un goût pour les looks esprit californien. Ma sœur est davantage expérimentale dans son approche, plus tomboy aussi. Le mix des deux a donné Filles a Papa.»

Sarah «Pour nous, rien n’est jamais acquis. Construire la marque et la faire grandir n’a rien d’une évidence. Atteindre le succès qu’on connaît, être présentes à l’international et continuer à évoluer demande un travail constant.»

ICI, AILLEURS

Sarah «Carol et moi adorons voyager. On est ravies d’avoir conservé cet ancrage liégeois qui nous permet de cultiver notre liberté de ton, mais on pour- rait très bien s’imaginer vivre la moitié du temps loin de la Belgique. Mais pas tout de suite.»

Carol «Pour moi, la mode est un prétexte créatif pour s’éclater. Ce n’est pas ma raison de vivre. Tout est envisageable, mais sans pression. Comme ouvrir un jour une boutique propre. Pour crédibiliser encore davantage notre projet et affirmer son identité.»

 

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Sarah «À Liège, je me sens protégée de l’hystérie du secteur de la mode. J’aime cette notion de distance. Est-ce que nos parents sont fiers de nous? Je crois que oui, même si je ne pense pas qu’ils soient conscients de la dimension internationale de la marque. Le fait que nous soyons distribuées dans une belle boutique à Liège les rend aussi fiers que lorsqu’on décroche un nouveau point de vente aux États-Unis ou en Corée.»

Carol «Ils nous ont toujours soutenues, mais en nous laissant construire notre projet comme on l’entendait. Malgré notre succès, Filles a Papa reste une start-up. Nous n’avons pas d’investisseurs. Jusqu’à présent, nous restons seules à bord, ma sœur et moi.»

  • EN BELGIQUE, LA MARQUE EST DISTRIBUÉE CHEZ ICON (BRUXELLES) ET IRINA KHA (LIÈGE) ET SUR FILLESAPAPA.COM.

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