Rencontre avec la créatrice Eva Velazquez, reine du recyclage

La nouvelle génération de designers est une vraie bouffée d’air frais pour la planète. Nous avons rencontré la créatrice Eva Velazquez dans son atelier bruxellois. Son credo : réparer et recycler.
PAR ELS KEYMEULEN ET KRISTINE STOFFELS. PHOTOS : LIESBET PEREMANS.

SON TRAVAIL

Elle restaure des vêtements de travail et des modèles du début du 20e siècle. Elle crée également de nouvelles pièces inspirées de ses archives à partir de chutes de tissu.

SA DEVISE

« Choisir de s’habiller avec des vêtements de qualité, c’est comme faire le choix de se nourrir sainement. D’un côté la junk food, de l’autre de beaux produits. »

CULTURE VINTAGE

« J’ai la chance d’avoir beaucoup voyagé avec mon mari dans des endroits comme Londres, New York, Paris et mon Espagne natale. Lors de ces périples, j’ai souvent visité les marchés aux puces. À Londres, par exemple, la culture vintage et le marché des antiquités y sont plus développés qu’ici. Là-bas, la tendance n’est pas récente. J’ai toujours accordé une grande importance aux vêtements, mais je trouvais de moins en moins de pièces qui me plaisaient dans les nouvelles collections. En parcourant les brocantes, j’ai découvert des trésors qui m’ont séduite par leur histoire. J’ai progressivement commencé à me construire une garde-robe vintage. En cinq ans, j’avais rassemblé toute une collection de pièces anciennes. À l’époque, je travaillais comme directrice retail Europe pour Bellerose. C’était vraiment fantastique, mais je voulais faire quelque chose de mes pièces vintage et lancer mon propre projet. »

 

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LA CONCURRENCE JAPONAISE

« Je chouchoute mes vêtements comme un antiquaire chouchoute ses meubles. J’en garde une partie dans mes archives, le reste entre dans la collection. La plupart du temps, lorsqu’il s’agit de pièces anciennes, il faut les réparer. C’est du travail. D’abord, je les lave. Souvent, ces vêtements ont traîné dans un placard ou dans un coffre stocké au grenier pendant des années. Ensuite, je les fais restaurer par mon équipe de couturières. Elles travaillent toutes chez elles. Il m’arrive de devoir adapter la coupe : aujourd’hui, le corps des femmes n’est plus le même qu’il y a un siècle. Parfois, j’achète des pièces irréparables juste pour le plaisir, mais si je peux donner une seconde vie à un vêtement, je le ferai toujours. À l’exception d’un seul : la biaude, une chemise que les agriculteurs français portaient le dimanche. La finition et la broderie sont fantastiques, mais elles sont extrêmement populaires au Japon, ce qui les a rendues très chères et très rares. Alors si je trouve une biaude à un prix raisonnable, je la garderai pour moi. »

DES CHOIX ÉCLAIRÉS

« Je pense qu’il est important que le client soit informé de la qualité des vêtements. S’habiller, c’est comme manger : vous pouvez vous gaver de junk food ou vous pouvez opter pour des produits de qualité. Je pense qu’à l’heure actuelle, le consommateur paie souvent trop cher pour des vêtements mal confectionnés. Avant, je ne me rendais pas compte à quel point le monde de la mode était nocif pour notre planète. Mon amour pour la mode ancienne m’a appris à me poser les bonnes questions. Prendre conscience des dérives du secteur textile est un processus lent. Mais je constate que les gens — même ceux qui ont les moyens — achètent différemment aujourd’hui qu’il y a quinze ans. Ils pèsent davantage le pour et le contre. Il y a quelques années encore, il n’était pas rare qu’un client achète un même pull en plusieurs couleurs.

 

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Pour ma part, je vends très peu en ligne car je veux que mes clients fassent un choix éclairé. Sur un e-shop, les achats sont le plus souvent impulsifs. Et comme vous le savez, un coup de cœur ne dure souvent pas très longtemps. Je vends à de bons clients via WhatsApp. Ce contact personnel me fait très plaisir. À l’avenir, j’aimerais voyager avec mes vêtements et organiser des pop-ups avec d’autres marques. C’est ainsi que fonctionnaient les couturiers autrefois : ils se déplaçaient de village en village pour présenter leurs collections. Je veux faire ça, moi aussi. Je travaille depuis une quinzaine d’années, maintenant. Ce que je réalise reste une goutte d’eau dans le grand océan de la mode. Mais je suis heureuse de faire partie d’un ensemble où chacun, à son niveau, contribue à faire bouger les choses. »

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