Modest fashion: plongée dans le charme discret de la « mode pudique »
En termes de style, le sexy n’est pas ce qui est le plus vendeur en ce moment. Kate (Middleton) marque plus de points que Kim (Kardashian). Dans le jargon modeux, on appelle ça le style modeste.
Vous vous souvenez de la tenue de Victoria Beckham au mariage de Harry et Meghan ? Beaucoup d’observateurs l’ont raillée en rappelant qu’il ne s’agissait pas d’un enterrement. Ces critiques n’étaient visiblement pas au fait des tendances. Victoria avait opté pour le style modeste : un look sobre, voire carrément prude, à mille lieues de la tenue qu’elle avait choisie en 2003 pour accompagner son mari David, promu Chevalier de la couronne britannique. À cette occasion, elle avait opté pour une robe avec un décolleté profond et un ourlet au-dessus du genou. Quinze ans plus tard, Victoria préfère briller dans une robe longueur cheville complètement fermée. La mode modeste à son apogée.
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L’ère de la modestie
Un autre exemple : Rihanna. Elle est apparue aux Shoe Awards dans une robe de soirée noire à l’allure monacale. « J’en ai assez de toutes ces robes dénudées, a-t-elle déclaré à la presse. Je ne veux pas que ma sexualité devienne une sorte de gimmick ». Farrah Storr (38 ans), rédactrice en chef du British Cosmopolitan, un magazine connu pour ses positions affirmées en faveur de la libération sexuelle des femmes, a annoncé dans le Times qu’elle ne porterait plus jamais de décolleté ou de robe trop serrée. Son argument : depuis qu’elle sort couverte, les hommes l’écoutent et ne se contentent plus de regarder ses seins. Helen Gurley Brown (rédactrice en chef du magazine pendant 32 ans) a dû se retourner dans sa tombe... La mode, c’est une évidence, vit son moment de modestie.
Alors, simple tendance ou reflet de notre époque? Pour Vanessa Friedman, journaliste au New York Times, cette approche est une tendance déterminante de notre époque. « Le style d’une époque ne se cristallise généralement que dans les dernières années de la décennie. L’austérité qu’on peut constater dans la mode, les superpositions de vêtements ou encore les proportions surdimensionnées qui couvrent le corps depuis quelques saisons sont la preuve que les années 2010 à 2020 sont celles de la mode modeste. »
EN UNIFORME ET EN MOUVEMENT
Les mouvements sociaux qui expliquent ce changement de position des modeuses ne sont pas difficiles à repérer. Trop de confessions sexuelles dans les médias. De seins nus. D’images du clan Kardashian sans beaucoup de vêtements. Trop de scandales type Weinstein ou Strauss-Kahn. Parce qu’elles se sont senties agressées, harcelées ou attaquées, les femmes ont réagi... en se couvrant. Les observateurs de tendances ont forcément épinglé l’engouement général pour l’esthétique de la fiction à succès The Handmaid’s Tale (La Servante écarlate). Comme le dit Offred, alias June Osborne, le personnage central de la série : « S’ils ne voulaient pas que nous formions une armée, ils n’auraient pas dû nous donner des uniformes. »
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Les servantes de ce blockbuster sont loin des filles de Sex and the City. Pourtant, ces deux séries ont un point commun : leur influence sur l’industrie de la mode. Avec Carrie Bradshaw, la mode jouait la carte ludique et sexy. Les femmes montraient leur corps comme une marque d’assurance et de force. Aujourd’hui, changement de registre : les filles en vue préfèrent s’envelopper et dissimuler ce qui pourrait être jugé sexy. Et aussi étrange que cela puisse paraître, l’affirmation est la même : « Je montre ce que je veux et je vous oblige à voir qui je suis, et non pas à quoi mon corps ressemble. »
Cette affirmation est loin de mettre tout le monde d’accord. Malgré les nombreuses vagues féministes qui se sont succédé au cours des siècles, notre époque nous invite à nous couvrir à nouveau. Ce choix laisse un goût amer à la chroniqueuse britannique Julie Burchill : « Voulons-nous vraiment revenir à l’époque où une cheville nue faisait de vous une mauvaise femme ? »
Une mode basée sur la religion
La tendance modeste n’est pas sans lien avec la religion. Sa puissance économique repose sur le pouvoir d’achat des femmes musulmanes. Des femmes à la fois ultra-stylées et au fait des dernières tendances. On les appelle hijabistas, mipsters ou fashionistas musulmanes. Il s’agit d’un groupe gigantesque, en pleine croissance, qui recherche des vêtements à la mode répondant aux codes vestimentaires islamiques, une tenue qui les couvre du dessous des genoux jusqu’au cou et aux poignets. Cette silhouette, vous pouvez l’obtenir en revêtant une burqa ou une abaya, mais aussi avec un pantalon large, des hauts fluides et des vestes amples.
Les filles en vue préfèrent dissimuler ce qui pourrait être jugé sexy, mais l’affirmation est la même : ‘Je montre ce que je veux et je vous oblige à voir qui je suis’
En 2016, Dolce & Gabbana a présenté une collection complète de hijabs et d’abayas ornés de cristaux, de motifs floraux et de dentelles. Des marques comme Marks & Spencer, Oscar de la Renta et Tommy Hilfiger ont également lancé des collections spécialement conçues pour le ramadan.
LES DESSOUS DE L’AFFAIRE
Si, à la base, il s’agit d’un secteur de niche, il devient peu à peu la norme. Car ce style plaît à de nombreuses catégories de femmes qui, pour une raison ou une autre, ne se sentent pas en phase avec une allure de fashionista classique. C’est le cas de certaines femmes de pouvoir, des politiciennes par exemple, qui veulent afficher un style discret sans risquer d’offenser leur entourage professionnel. Il en va de même des femmes plus âgées qui n’ont plus vraiment envie de montrer leurs bras nus. Mais aussi, pour les filles rondes qui ne veulent pas porter de vêtements trop serrés ou trop dénudés.
Interrogée sur son public cible, Ghizlan Guenez, fondatrice de The Modist (themodist.com), le Net-à-porter du style modest, dit vouloir habiller « toute femme qui veut paraître chic et élégante sans trop dévoiler ». The Modist fait sa propre sélection dans des collections telles que Christian Wijnants, Haider Ackermann, Marc Jacobs et Peter Pilotto. Ils conçoivent également une ligne Layer (basée sur les superpositions) : à la fois luxueuse et fluide.
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Pas étonnant que les grandes icônes de ce style soient les jeunes femmes de la royauté. Les princesses et les duchesses doivent s’habiller correctement pour leur fonction tout en paraissant féminines et élégantes. L’exemple le plus parfait : Kate Middleton, mais aussi Meghan Markle. Cette dernière est passée sans transition de comédienne sexy à dame « bien comme il faut ». Dans ce créneau, Emma Watson a une longueur d’avance. Elle n’a jamais été photographiée avec un décolleté XL ou une jupe ultra-mini. À ce petit jeu-là, les sœurs Olsen sont également très douées. Tant pour leurs propres tenues que pour les vêtements de leur marque The Row, elles jouent la carte de la sobriété maxi. Même en toge monacale, ces filles sont cool. La mode modest n’est pas juste une tendance. C’est un courant qui emporte tous les suffrages et engendre des millions de dollars de chiffre d’affaires.
Lisez cet article en intégralité dans le GAEL d’avril, disponible en librairie.
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