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Ces Belges qui travaillent dans les coulisses des Fashion Weeks

De Dries Van Noten à Raf Simons, le monde entier nous envie nos créateurs. Mais nos compatriotes brillent aussi dans les coulisses des défilés.  Par Catherine Kosters, avec la collaboration de Kathleen Wuyard.

« Durant la semaine de la mode, on entend toujours quelqu’un parler flamand dans les coulisses. La mafia belge est partout », sourit une maquilleuse anversoise qui appartient elle-même au gang en question. Lequel est plutôt un groupe de créateurs talentueux qui ont atteint le sommet du monde de la mode et sans lesquels un défilé ne serait qu’un tas de vêtements. En coulisses, ils assurent le maquillage, le stylisme, la production et la photographie qui font le succès de chaque show. Mais contrairement aux stylistes et aux mannequins, ils ne sont pas souvent sous les feux de la rampe, bien qu’ils soient pourtant des stars dans leur domaine. Ce mois-ci, GAEL vous propose un gros plan sur trois talents belges. Après Oriane Verstraeten, photographe mode, on se glisse dans les coulisses beauté des défilés.

Les Belges à Paris

Inge Grognard (66 ans) est une pro du make-up. Connue pour sa vision subversive de la beauté, cette maquilleuse d’origine limbourgeoise basée à Anvers parvient toujours à innover après près de quarante ans de carrière. Après tout, ce n’est pas pour rien que The Business of Fashion l’a classée parmi les 500 personnalités les plus influentes du monde de la mode. Rien que ça.

Responsable du maquillage pour Balenciaga, elle travaille également pour des maisons de couture telles que Dries Van Noten et Y/Project. « En fonction de l’esprit de la collection, j’élabore un concept beauté que je présente au créateur. Le jour du défilé, mes assistants font une démonstration pour le reste de l’équipe. Je joue moi-même le rôle de directrice artistique et je vérifie tous les looks. Vous ne me verrez pas appliquer un rouge à lèvres ou un eyeliner, à moins que ce soit à main levée, sur le vif. Cette spontanéité, c’est comme une signature, ça ne s’explique pas. »

Et en tant que légende de la mode, Inge Grognard est de plus en plus sous les feux de la rampe. Par exemple, elle a défilé lors du show printemps/été 2024 de Balenciaga. « Je connais Demna (Gvasalia, NDLR) depuis longtemps alors j’ai évidemment dit oui, mais j’ai eu peur sur le podium. C’est que j’ai le vertige, et avec les lunettes de soleil, je n’y voyais rien. Disons que je préfère rester dans les coulisses. »

Six & the City

Et pourtant, Inge Grognard a fait ses premiers pas dans la mode avec un illustre ami d’enfance, Martin Margiela. « J’ai rencontré Martin à 14 ans par l’intermédiaire de sa cousine Josiane. Lorsqu’il est entré à l’Académie, je l’ai suivi à Anvers, où j’ai commencé une formation d’esthéticienne. Nous passions notre temps libre au cinéma et dans les friperies, où nous achetions des pantalons de ski pour cinq francs. Les années qui ont suivi, Walter (Van Beirendonck, NDLR) et le reste de la bande nous ont rejoints. » On connaît la suite. Dès les débuts, Inge maquille les projets scolaires de Margiela et les Six suivent avec leurs premiers shootings et défilés : « Mon premier show à Paris a été celui de Martin en 1989. Puis ont suivi Dries Van Noten, Dirk Van Saene, Dirk Bikkembergs... » Entre Inge et Margiela, la collaboration a duré pas moins de vingt ans, jusqu’aux adieux à la mode de ce dernier.

À l’époque, les Fashion Weeks étaient très différentes. « On pouvait se glisser dans la salle avec une invitation photocopiée. Les influenceurs n’existaient pas encore, bien sûr, mais il y avait déjà le street style et chaque créateur avait son public attitré.

À l’époque, les Fashion Weeks étaient très différentes. « On pouvait se glisser dans la salle avec une invitation photocopiée. Les influenceurs n’existaient pas encore, bien sûr, mais il y avait déjà le street style et chaque créateur avait son public attitré. Lorsque les Japonais défilaient, tout le monde était habillé en noir, et pour Gaultier, il y avait des drag queens excentriques qui battaient le pavé. » Lentement mais sûrement, Inge Grognard a développé son propre style de maquillage : « Je voulais avant tout faire quelque chose que personne d’autre ne faisait. Pas pour le plaisir de choquer, mais en travaillant à l’instinct. » Son assistante Florence Teerlinck (35 ans) la décrit comme une icône : « Ce qu’Inge fait, personne d’autre ne le fait. À l’époque du maquillage intégral, elle ne mettait qu’un trait ici et là. Ses looks sont une déclaration d’intention. »

Relève assurée

C’est lors d’un tournage à Londres que la jeune femme a rencontré son mentor. « J’étais encore jeune et naïve à l’époque, sourit Florence Teerlinck. Lorsque j’ai reçu une option pour un défilé pendant la Fashion Week londonienne, j’ai joyeusement demandé l’adresse. Je ne savais pas qu’il fallait d’abord être confirmé », s’esclaffe celle qui est devenue la première assistante d’Inge Grognard ainsi que la principale maquilleuse de créateurs belges émergents tels que Marie Adam-Leenaerdt et Meryll Rogge. « Participer aux Fashion Weeks était mon rêve et c’est encore le cas. Vous travaillez dans l’élan du moment comme une machine bien huilée et vous entrez en contact avec les plus grands noms du secteur. Soudain, Kate Moss est assise à côté de vous et fume dans les coulisses. Elle est la seule à pouvoir le faire (rires). Parfois, vous jouez aussi les psychologues en rassurant les mannequins avant le défilé. Même Bella Hadid est parfois nerveuse avant un show Balenciaga. »

Et parce qu’elles estiment qu’il est important d’assurer la relève, les deux complices ont fondé The Academy en 2020, un bootcamp beauté de trois jours en différents modules. « Les jeunes maquilleurs qui rêvent d’une carrière internationale me demandent de plus en plus souvent des conseils. Pour survivre à une Fashion Week, il faut être technique et rapide, mais aussi savoir comment se déroule un défilé et connaître l’étiquette. Il faut travailler de manière autonome et oser s’affirmer. The Academy est un moyen idéal pour former et tester les jeunes talents. Ceux qui font leurs preuves peuvent nous rejoindre à Paris. Ainsi, les talents belges se voient offrir des opportunités et je peux transmettre mes connaissances acquises auprès d’Inge et d’autres pros », explique Florence Teerlinck.

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