(c) Katleen Willaert/Lucid

Le Japon autrement: cap sur Naoshima et les îles d’art

Parmi le millier d’îles de la mer intérieure de Seto se trouvent trois étonnants joyaux artistiques. À Naoshima, Teshima et Inujima, la culture épouse la nature pour un voyage spirituel inédit. Texte et photos : Katleen Willaert/Lucid

Nous voilà sur une île à plus de neuf mille kilomètres de chez nous, bouche bée devant d’impressionnants nénuphars de Monet. Et tandis que nos yeux admirent ce chef-d’œuvre de six mètres de long, nos pieds foulent une mosaïque de galets en marbre dans un espace souterrain baigné de lumière du jour. Nous nous sentons imprégnés d’une sorte de force spirituelle, comme lorsqu’on pénètre dans un temple : l’expérience artistique vient de passer au niveau supérieur.

La nature comme une évidence

Nous sommes loin d’être seuls. Depuis l’ouverture du Benesse House Museum à Naoshima en 1992, le nombre de visiteurs n’a cessé de croître, pour atteindre plusieurs centaines de milliers par an. À l’origine de cet audacieux projet d’îles dédiées à l’art, on retrouve le businessman et milliardaire japonais Soichiro Fukutake, ancien président de Benesse Holdings. Soucieux d’aider les communautés locales, qui subissaient les conséquences de la chute de l’industrie de la fonte du cuivre, il a utilisé l’art et l’architecture pour redynamiser la région. Son idée a fait du chemin et d’autres projets similaires ont vu le jour.

(c) Katleen Willaert/Lucid

Tous les grands noms de l’histoire de l’art moderne s’y trouvent, comme James Turrell, Hiroshi Sugimoto, Richard Long, David Hockney, Thomas Ruff, Bruce Nauman, Michelangelo Pistoletto, Karel Appel... Bien entendu, de nombreux artistes japonais y occupent une place de choix. Grâce au travail du célèbre architecte Tadao Ando, l’art et l’environnement se fondent en une expérience unique, et ce, en divers endroits de Naoshima, dont le musée Benesse House (littéralement « Maison du bien-être »). Pour les shintoïstes, respecter l’environnement naturel d’un lieu est une évidence, Naoshima et les autres îles d’art en sont le parfait exemple.

En rang vers la Lune

Notre premier hébergement se situe près du port de Honmura, sur l’île de Naoshima, accessible par un petit ferry depuis la ville portuaire d’Uno. Bien que nous ne soyons qu’une poignée de passagers à attendre sur le quai, on nous invite gentiment à former une file. La ville portuaire de Honmura est le point de départ de l’Art House Project. Des artistes et architectes se voient confier des bâtiments traditionnels vides afin de les transformer. Une belle manière de mêler histoire et art moderne. Les frontières entre les musées, les maisons et les temples s’estompent, ce qui rend l’exploration des rues étroites du village extrêmement agréable.

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Pour découvrir Backside of the Moon (1999), projet de l’artiste James Turrell, dans le bâtiment Minamidera, conçu par Tadao Ando, il faut suivre des règles strictes. Nous devons éteindre téléphones, montres connectées et tout autre objet lumineux avant d’être conduits dans une structure en cèdre brûlé (inspirée de l’architecture traditionnelle locale) dans l’obscurité la plus totale et en silence. Petit à petit, au bout d’une quinzaine de minutes, nos yeux se sont habitués à l’obscurité et nous discernons l’espace et les formes. Une fois encore, l’expérience nous laisse sans voix.

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Comme il n’y a pas beaucoup d’endroits où manger dans cette partie de l’île, nous réservons une table au Cafe Salon Nakaoku, juste à l’extérieur du village, dans un bâtiment japonais authentique à flanc de colline. L’ambiance est familiale et décontractée, la cuisine, bien que traditionnelle, surprenante. Nous dégustons du barracuda et du poulpe, des ingrédients locaux qui constituent la base de la cuisine de l’île.

Une expérience globale

Nous découvrons la plus grande collection d’œuvres d’art dans la partie sud de l’île, au Benesse Art Site, qui comprend plusieurs espaces artistiques. C’est l’endroit le plus visité de Naoshima et il offre une vue imprenable sur la mer. Également conçu par Tadao Ando, le Chicu Art Museum (« Musée d’art dans la terre ») a été construit dans une colline. Le musée est donc, en majeure partie, sous-terrain. Le bâtiment lui-même est une véritable œuvre d’art et conduit les visiteurs à travers des structures en béton, des cours ombragées et autres installations jouant avec les contrastes de lumière jusqu’aux travaux de Monet, Walter De Maria et James Turrell. Les espaces ont été pensés pour les œuvres, l’architecture et l’art n’ont jamais été aussi étroitement liés. L’utilisation exclusive de la lumière naturelle renforce l’expérience globale et le caractère presque spirituel du lieu.

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Le Benesse House Museum se rapproche davantage d’un musée traditionnel, à une exception près : vous avez la possibilité de dormir parmi les œuvres d’art et de les admirer en dehors des heures de visite, comme l’emblématique citrouille de Yayoi Kusama — l’œuvre chouchoute des accros aux selfies — ou encore les photographies marines de Hiroshi Sugimoto, qui dispose aussi de sa propre galerie au sud de l’île : Time Corridors. De retour à Honmura, nous nous offrons une pause dans le charmant petit café Konichiwa, où nous dégustons un délicieux cheesecake.

Un autre temps

(c) Katleen Willaert/Lucid

Teshima (« île riche ») est de loin notre préférée. Son climat doux en fait un lieu agréable à vivre et seuls les gens qui ont un autre rapport au temps s’installent ici. Nous embrassons cet esprit lent et bienheureux qui règne sur l’île. Ici, tout le monde suit le rythme de la mer et des saisons. L’île est un peu encombrée (seulement 14,5 km2 pour environ 900 habitants), mais il y a tout de même suffisamment d’espaces où se perdre. Dans les années 70, une grande quantité de déchets industriels toxiques ont été déversés sur l’île, conséquence de l’ère industrielle et du penchant japonais pour la consommation de masse. Les habitants ont protesté et, après une longue bataille juridique, finalement obtenu gain de cause. L’île est débarrassée de ces indésirables depuis 2017 et a trouvé un nouveau souffle.

Les vibrations du cœur

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Nous louons des vélos électriques et, sous un soleil radieux, partons à travers les plantations d’agrumes, les oliviers, les rizières et les forêts de Teshima. Il n’y a pas meilleure manière de découvrir les œuvres d’art, disséminées sur l’île depuis 2010. Notre premier arrêt est le Teshima Art Museum, une collaboration entre le sculpteur japonais Rei Naito et l’architecte Ryue Nishizawa. Un spectacle étonnant : on dirait qu’une énorme goutte blanche perle sur la colline, entre les rizières et la mer. Son sommet est percé de deux grandes ouvertures circulaires, laissant apercevoir l’environnement extérieur et l’intégrant ainsi à l’œuvre d’art. Quelques gouttes d’eau de source jaillissent du sol en béton, à travers de minuscules trous. Elles se rassemblent et s’écoulent vers d’autres alvéoles, tel un gracieux ruisseau. Tout est en perpétuel mouvement. Nous n’avons pas le droit de prendre des photos et ce n’est pas plus mal, car tout le monde est complètement absorbé par le spectacle, certains visiteurs décident même de s’allonger pour l’admirer de plus près.

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Entre deux visites artistiques, nous profitons aussi des plaisirs de la mer, entre baignades et beachcombig. Pour le déjeuner, nous nous retrouvons au Commune, un café très convivial où Aki sert une cuisine majoritairement composée de produits fermentés maison. Elle nous dévoile fièrement son petit abri où elle laisse sécher ses kakis et nous parle de ses deux passions : la fermentation et ses chats.

Hommage à Mishima

La plus grande partie de la petite île voisine d’Inujima est encore investie par les vestiges de l’industrie de la fonte du cuivre, comme une imposante cheminée d’une ancienne usine qui surplombe le paysage. L’architecte Hiroshi Sambuichi a créé en ses ruines une galerie d’art entièrement consacrée au romancier japonais Yukio Mishima. Un choix qui ne relève pas du hasard : cet activiste politique était un fervent critique de l’industrialisation japonaise !

Sur cette île, le passé du pays et son futur s’entremêlent pour nous offrir une expérience époustouflante : dévaler des collines cheveux au vent, cueillir de juteux agrumes sur le bord de la route, contempler le soleil se reflétant sur l’eau et surtout, s’émerveiller devant chaque œuvre d’art. Tout est contraste et à la fois en parfaite harmonie. Demain, nous embarquerons dans un train à grande vitesse Shinkansen, direction la ville très animée de Kyoto. Nous sommes impatients de continuer à explorer les nombreux contrastes du Japon.

Les îles-musées en pratique

(c) Katleen Willaert/Lucid

S’y rendre

  • Des trains express (Shinkansen) connectent les grandes villes à la cité portuaire d’Uno. Cinq minutes de marche séparent la gare et le port des ferries, d’où on peut rejoindre Naoshima et Teshima. On peut également faire la navette entre ces deux îles. Explorez Inujima en bateau au départ des deux autres îles ou depuis Hoden. Billets à partir de 300 ¥ / 1,80 €. naoshima.net. teshima-navi.jp. japan.travel.

Quand partir ?

  • Au printemps (avril et mai) et en automne (octobre et novembre), les températures sont agréables et les précipitations faibles. De juin à août, le climat est humide et chaud.

Les activités

  • La plupart des musées et des sites nécessitent une réservation. Réfléchissez donc à votre itinéraire. Sur Naoshima, de nombreux musées sont fermés le lundi, sur Teshima le mardi et il est préférable de ne pas visiter Inujima les mardis, mercredis et jeudis. benesse-artsite.jp.

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