Bain de forêt: on a testé un week-end d’initiation à la sylvothérapie
La cabane de vos rêves se niche dans l’immense forêt d’Esvres-sur-Indre, en Touraine. C’est là que notre journaliste a pu s’initier aux bienfaits de la sylvothérapie. Par Evy Van Elsacker. Images : Karl Bruninx.
« Comment vous sentez-vous auprès de cet arbre ? » me demande Céline Connan, sylvothérapeuthe, qui m’accueille à la réception des Loire Valley Lodges. Surprise par sa question, je lève les yeux vers le chêne géant qui me surplombe. Les jeux d’ombre et de lumière dans le feuillage semblent là pour me souhaiter la bienvenue, et ses larges branches pour m’embrasser. « Protégée et en sécurité », réponds-je. « Bonne nouvelle, sourit Céline. Ce que vous ressentez ne dit rien de l’arbre, mais dit tout de vous et de votre état d’esprit ! »
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Hauts arbres, tension basse
Moi qui me sens toujours en paix en forêt (de feuillus, je précise), je me réjouis particulièrement de séjourner dans ce domaine de la forêt de la Duporterie à Esvres. La France compte encore plusieurs de ces immenses forêts qui ont malheureusement disparu de notre plat pays. Le fait que mes parents m’aient tant répété que les arbres étaient essentiels à notre survie joue certainement un rôle dans la zénitude que j’éprouve ici. Ce bien-être est apparemment partagé. « Les citadins en particulier tirent un grand profit d’une promenade en forêt (la verdure, c’est pas la forêt… ça ne suffit pas !), explique Céline. Cela fait baisser la tension artérielle et le taux de cortisol, l’hormone du stress. »
Après mon salut au grand chêne, je visite les espaces communs installés dans la clairière de la forêt : une ancienne ferme aménagée de façon contemporaine et entourée de fleurs, un bistrot avec grillades, un restaurant gastronomique et une terrasse ornée de rosiers ainsi qu’une piscine. Ici et là, des œuvres d’art. Je me réjouis déjà de venir ici pour socialiser ! Mais d’abord, une voiturette électrique m’emmène au cœur de la forêt via un chemin de terre jusqu’à ma cabane forestière. Et quelle cabane ! La version quatre étoiles d’un rêve d’enfant, sur pilotis, à quatre mètres de haut.
Hôtel sur canopée
Je fonds en découvrant la terrasse, où un tronc d’arbre traverse le plancher. On est dans les arbres au sens propre, ici. Sur cette même terrasse, je profiterai de la vue et des sons de la forêt depuis un jacuzzi. À l’intérieur, les surprises continuent. Le lit king size est entouré d’immenses fenêtres sur trois côtés, qui donnent l’impression de dormir dehors. La salle de bain est digne d’un hôtel de charme, avec douche à effet pluie et carreaux de mosaïque, eau chaude et WC à réservoir d’eau transparent. Chaque lodge a son propre thème, et j’ai choisi ce « T(h) rees » décoré de matériaux bruts aux tons naturels et de belles peintures d’arbres. Sur le lit, un poème m’attend, une ode à la verdure vivifiante qui réussit à m’émouvoir. Je me prépare une tasse de thé et savoure le bruissement des feuilles et le gazouillis des oiseaux, jusqu’à ce que Céline vienne m’inviter à explorer les alentours.
Les câlins autorisés
« Vous reconnaissez ces arbres en contrebas ? Ce sont des charmes. Ils ressemblent à des hêtres, mais leurs feuilles ont le bord dentelé, dit-elle. Et ceux-là sont des aulnes. » Les enseignements de Céline ressemblent plus à une présentation de compagnons qu’à un cours de biologie. « La meilleure façon de profiter pleinement de la forêt est de fermer les yeux. Osez-vous avancer sur ce sentier forestier les yeux fermés ? Fiez-vous à votre ouïe et à votre toucher, à votre intuition aussi. »
Pas après pas, j’essaie de progresser droit devant moi. Le bruissement des feuilles, le sol granuleux sous les pieds et le chant des oiseaux me parviennent d’autant plus nettement. De temps en temps, la main de Céline sur ma hanche me ramène au centre du chemin. Comme il est agréable de lâcher le contrôle pour une fois et de m’en remettre à autrui ! « Je remarque que vous n’avez pas peur. Certaines personnes ont du mal avec ça », dit-elle. Je peux rouvrir les yeux et nous longeons des géants verts et un étang d’où émerge un dinosaure, tout en suivant les indications de panneaux discrets intitulés « Cinq Chênes ».
Je m’attendais à des arbres majestueux, mais il s’agit en fait de cinq arbres morts. La scène me désole. « Il est bon de réfléchir à la raison pour laquelle on veut s’éloigner d’ici rapidement, propose dit Céline. En soi, les arbres morts font partie du cycle de vie d’une forêt ». « Peut-être que je réagis de façon si sensible parce qu’il y a deux ans, j’ai perdu mon père, lui dis-je. Et aussi parce que ces arbres ne semblent pas être morts naturellement. Ils sont comme engloutis et il n’y a pas d’oiseaux dans leurs branches. Ça m’évoque la façon dont les humains maltraitent la nature, à leur propre détriment. Cela me met en colère et ça m’inquiète ».
La thérapeute reconnaît que si le niveau de l’eau a tellement augmenté ici, c’est à cause de travaux dans les environs. Heureusement, la forêt environnante, saine, me fait vite passer à d’autres émotions. Je m’écarte du chemin et caresse l’écorce des arbres que je trouve beaux. Céline m’explique comment les espèces d’arbres cohabitent en symbiose en couches d’ombre et de lumière, et comment, sous le sol aussi, toutes sortes de biosystèmes collaborent. J’ai envie d’entourer de mes bras un tronc épais. C’est une sensation agréable. Je me sens totalement détendue et apaisée. « Dans une forêt, tout comme dans une chute d’eau, il y a des ions négatifs. Ils ont un effet positif sur la santé et sont antibactériens », explique Céline.
Immersion dans la nature
Après la promenade, nous prenons l’apéritif sur la terrasse du restaurant et je demande à la sylvothérapeute comment elle s’est lancée dans cette profession particulière. Tout s’est déclenché lors d’un bain de forêt qu’elle a elle-même reçu. « Les arbres m’ont sauvé d’un grave burn-out. Je n’étais plus capable de rien. Je m’étais battue bien trop longtemps, même quand les circonstances étaient devenues très difficiles, et j’ai fini par couler. Au fil des promenades dans ces bois, j’en suis sortie pas à pas et je me suis retrouvée. J’ai pu discerner ce que je voulais vraiment et découvrir qu’un travail purement commercial dans une pièce sans lumière du jour me tuait. Je voulais un travail où je pouvais aider les gens. Aujourd’hui, j’encadre des enfants et je pratique la sylvothérapie en activité complémentaire. Lors de mes formations, j’ai rencontré Anne-Caroline Frev, qui a créé ces Lodges. »
La propriétaire nous rejoint. « Après de longues recherches, nous avons pu acheter ces 300 hectares de forêt à Esvres-sur-Indre, qui appartenaient à une ferme, explique Anne-Caroline. Moi qui avais toujours travaillé dans le monde de l’art, je m’y suis sentie bien, et j’ai découvert que vivre dans la nature améliorait considérablement la qualité de vie. Mon mari ne veut plus jamais retourner en ville. Nous avons transformé la ferme en salon d’hôtes avec deux restaurants, une terrasse, une piscine extérieure et, dans la forêt, nous avons construit des lodges dans les arbres à la pointe de la technologie. L’objectif de votre séjour est l’immersion dans la nature. Les chemins ne sont pas éclairés et il n’est pas question de faire du bruit, mais l’intérieur offre tout le luxe possible. »
Trouver sa propre voie
Après un délicieux repas préparé sur le gril, il fait nuit. Je suis un peu inquiète à l’idée de marcher dans l’obscurité, car nous avons vu beaucoup de traces de sangliers et j’ai oublié ma lampe de poche. J’avoue ma crainte à la serveuse. « Je vous conduis volontiers si vous le souhaitez, mais c’est en fait une très belle expérience que d’aller à pied dans la forêt sombre. » Heureusement, le couple à côté de moi est prêt à m’accompagner. Sa lampe de poche et sa compagnie me font voir les larges branches comme protectrices, des bras ouverts. Seuls nos pas rompent le silence. Après avoir cheminé ensemble sans rencontre importune, nous nous souhaitons joyeusement bonne nuit. Ma peur s’est volatilisée.
Au lit, je me plonge dans le livre d’un autre adepte de la forêt, Vincent Karche, preuve vivante du pouvoir de la sylvothérapie. Ce chanteur d’opéra à succès a perdu la voix à cause d’un excès de stress. Ce n’est qu’au cours d’un voyage dans les immenses forêts du Canada qu’il s’est retrouvé... ainsi que sa voix. Lors de l’inauguration des Lodges du Val de Loire, il a chanté un air au milieu des arbres. Il accompagne lui aussi des groupes de balades en forêt et raconte comme personne l’importance de la nature pour rééquilibrer la course folle du quotidien. Inspirant.
Massage en altitude
Le lendemain matin, le petit chaperon rouge est passé. Mon petit-déjeuner m’attend dans un panier en osier. Je le hisse à l’aide d’une poulie et savoure, au chant des oiseaux, le saumon, le fromage de chèvre, les croissants, le miel… Dire que je trône à la cime des arbres… Tiens, un écureuil ! Puis vient un autre moment fort : le massage sur la terrasse. J’opte pour le classique. Le masseur Bastien s’avère être une Rolls. Lui aussi a vécu un changement de vie, me livre-t-il pendant ses fantastiques manipulations. Après des études de droit, il a voyagé dans le monde entier et a été initié aux forces bienfaitrices de la nature chez les chamanes d’Amérique du Sud. C’est là qu’il a découvert sa nouvelle vocation : masser et canaliser l’énergie des gens. « J’ai eu pleinement confiance dans ce changement de carrière. » Au mot chamane, une pointe de scepticisme s’allume dans ma tête. Mais je dois reconnaître que ce massage divin est le meilleur que j’aie jamais reçu. D’une main douce, il déleste mon corps de toute tension.
Un de ses conseil me restera en tête longtemps après la séance : « Notre corps et nos émotions ne font qu’un. Il est très important d’alterner le travail avec la détente et de passer du temps au vert. Si nous ne prenons pas le temps de nous relier régulièrement à la nature, les tensions s’accumulent dans notre sac à dos, qui devient de plus en plus lourd. » Me revoilà seule. Il commence à pleuvoir doucement, mais la forêt continue de me fasciner. À chaque seconde, les couleurs varient, les sons changent. Je fais mes bagages et le cœur serré, je vois arriver la voiturette pour la sortie. En chemin, un cerf fait irruption en travers de la route. Comme un salut d’honneur. Je me promets de revenir ici à l’automne, lorsque lui et ses compagnons brameront.
Vivre l’expérience sylvothérapie
Loire Valley Lodges propose 18 lodges de luxe pour s’immerger dans la forêt de la Duporterie à Esvres. Vous pouvez y séjourner ou réserver des expériences telles qu’un bain de forêt ou un massage.
- Nuitée avec petit-déjeuner à partir de 340 € pour 2 personnes. Bain de forêt guidé : 70 €. Massage : 110 €. Loirevalleylodges.com.