Rencontre avec Rosa Bursztein: « Metoo a changé ma vie complètement »
Comédienne, humoriste et auteure d’un podcast intitulé « Les mecs que je veux ken », Rosa Bursztein vient de publier un livre du même titre dans lequel elle se met à nu en pulvérisant les clichés de la féminité. Par Paloma de Boismorel.
Qu’est-ce que Metoo a changé dans votre vie?
Metoo a changé ma vie complètement. J’ai pu comprendre que j’avais subi du harcèlement et ça m’a permis de mieux me défendre, de mieux m’aimer, de mieux respecter. Dans un changement, bien sûr qu’il va y avoir des voix plus extrêmes, il y aura peut-être des pots cassés mais c’est des épiphénomène par rapport à un phénomène majeur qui est extrêmement positif. Sur les réseaux sociaux, se sont créés pleins de comptes sexo qui parlaient d’une sexualité positive, libérée des normes. Je pense que c’est une construction très misogyne d’entourer la femme de mystère. En fait, c’est pour l’empêcher de parler. Moi, je me suis beaucoup empêchée de parler par peur de paraître chiante, de paraître grande gueule. Une comédienne, ça doit être facile, ça doit dire oui, ça doit être souple. Et puis, je suis devenue humoriste, je me suis lancée dans le stand up et j’ai retrouvé ma parole. Ça a été une délivrance extraordinaire.
« Dans ma vie, jusqu’à présent, c’était surtout des hommes qui me tendaient la main, qui m’offraient des opportunités. »
La sororité existe-elle ou est-elle encore à construire?
Ma mère est féministe, donc en fait, je dois avouer que j’ai des facilités à avoir de la tendresse et de l’admiration pour les femmes. J’ai des amies comédiennes mais j’ai remarqué qu’elles étaient effrayée par l’idée de ne plus travailler. C’est difficile de créer de l’entraide et de la solidarité parce qu’il y a une certaine terreur dans le milieu. Sauf que moi, j’ai toujours eu un peu une mentalité de déléguée où je suis là à dire « mais venez, on dit non toutes ensemble » et je suis souvent seule dans le « toutes ensemble ». Récemment, j’ai intégré un podcast qui s’appelle Hotline, c’est un groupe de nanas et on parle ensemble de sexualité. J’ai rencontré des influenceuses sexo et des journalistes. Et tout d’un coup, ce n’était pas des paroles. Elles étaient dans la sororité à 10 000%.
Globalement, dans ma vie, jusqu’à présent, c’était surtout des hommes qui me tendaient la main, qui m’offraient des opportunités. C’était moins, des femmes, et je sens que là, c’est en train de changer. Il faut beaucoup d’efforts et ce n’est pas gagné mais il faut vraiment qu’on apprenne les unes les autres à se soutenir et à s’offrir aussi des opportunités professionnelles. Que ça dépasse le cadre du salon de thé. Je suis plutôt optimiste et j’ai l’impression que ça va ne faire que redoubler pour les générations suivantes.
Est-ce que tu es inspirée par certaines auteures?
Mon père, les premiers livres qu’il m’a donnés, c’était Jack London et je n’ai pas du tout accroché. Et puis ma mère m’a donné Alice Détective et c’est le tout premier livre que j’ai lu. C’est génial d’avoir les aventures d’une héroïne. Il y a des livres qui m’ont complètement marquée aussi, ce sont les livres d’Elena Ferrante, L’amie prodigieuse. J’ai lu tous les tomes, j’ai pleuré toutes les larmes de mon corps à la fin, mais je trouve que c’est totalement révolutionnaire sur ce que ça raconte de l’amitié entre femmes. Et j’ai l’impression que beaucoup de femmes qui l’ont lu ont reconnu un jour une amitié avec une amie qu’elles ont admiré autant. Il y a bien sûr eu la lecture de Virginie Despentes King Kong Théorie, et notamment aussi la simplicité de son ton et le fait que elle ne s’autorise aucun cliché.
« En fait, je n’ai pas vraiment de limite sur le fait de rire de la sexualité ou de moi-même. »
Quel genre de pression, à ton avis, subissent les hommes aujourd’hui?
Je pense bien sûr que les hommes subissent des injonctions à la masculinité. Il faut travailler, gagner plus d’argent que sa compagne et il faut être performant et bander et être d’une santé à toute épreuve. L’homme doit très dominant, la femme très soumise. C’est ça qui est sexy. On a du mal à en sortir. Ce serait vraiment chouette d’accueillir plus de vulnérabilité, plus de partage, de douceur et de sensibilité. C’est compliqué parce que les femmes intègrent aussi que la virilité c’est le bad boy, le mâle alpha. Je pense qu’il y a encore beaucoup de boulot... J’ai une amie qui vient d’accoucher, son copain a demandé un congé paternité et tous ses potes se sont foutu de sa gueule.
Tu parles très librement de plein de sujets. As-tu des tabous? Où se situent tes limites?
En fait, je n’ai pas vraiment de limite sur le fait de rire de la sexualité ou de moi-même. Je pense que je peux aller très loin. Ce qui compte, c’est les autres. Ma limite, c’était de protéger ma famille. Par exemple, il y a un sujet qui est assez off limite, c’est celui de ma sœur, encore plus que celui de mes parents. J’en parle dans le livre mais je ne rentre pas dans les détails de la maladie qu’elle a eue. J’ai beaucoup retravaillé ce chapitre parce qu’il ne fallait pas dire certains mots et je lui ai fait relire.
- LES MECS QUE JE VEUX KEN, ROSA BURSZTEIN, 208 P., ÉD. LES ARÈNES.