Ma green entreprise: les urnes funéraires poétiques Nauwau

Pour vous aider à #conso-mieux, GAEL dresse chaque mois le portrait d’entrepreneurs belges qui se bougent et innovent dans le respect des hommes et de la nature. Ce mois-ci: Rayah Wauters de l’atelier Nauwau. Par Annelore De Donder. Photo et vidéo: Charlotte Van Noten.

Dans la plus petite pièce de la maison de la famille Arnauts-Wauters, je repère Tree Story, un livre passionnant de la scientifique Valerie Trouet qui traite du changement climatique. Pas un hasard bien sûr: l’architecte d’intérieur et designer de mobilier Rayah Wauters fabrique des objets et des urnes à partir du bois que son mari, l’arboriculteur Niels Arnauts, récupère lors de l’abattage. Autant dire que dans cette famille, on sait comment les arbres apportent leur éclairage sur l’homme, son histoire et son avenir. Avec ses urnes funéraires en bois, Rayah boucle le cercle de la vie.

Vous êtes fabricante de meubles, mais vos créations — des pièces murales aux objets d’assise — ne sont pas nécessairement reconnaissables dans cette fonction.

«Je ne conçois pas vraiment des meubles au sens strict du terme. Mes créations sont abstraites et ne répondent à aucun désir de fonctionnalité précis. Lorsque je crée, je suis guidée par la forme de l’arbre, l’essence du bois, et surtout les champignons ou les déformations qui se sont progressivement développés sur la surface. Le morceau de bois vieilli détermine le design, l’utilité en tant que telle est en fait secondaire

Votre approche n’est pas sans rappeler la philosophie japonaise wabi-sabi: embrasser l’imperfection parfaite.

«Le principe de Nauwau, c’est effectivement de sublimer les défauts. Dans la plupart des commerces de bois, les planches sont vendues très droites. Elles proviennent d’arbres qui ont été cultivés de manière à fournir un bois sans défaut. Je travaille pour ma part avec des arbres issus d’un jardin ou d’un grand parc. Généralement, ils n’ont pas été entretenus et ont pu grandir librement. Ces soi-disant défauts de la nature deviennent les lignes directrices de mes créations.»

Et vous êtes à la source...

«Mon mari est mon fournisseur. Avec sa société DeBeer & DeVos Boomzorg, sa première mission a consisté en l’abattage d’un chêne américain à Bruxelles. À l’époque, j’ai eu la chance de pouvoir en récupérer une partie, ça a été le point de départ de mon travail actuel. Depuis 2013, c’est lui qui me procure ce dont j’ai besoin pour fabriquer les pièces de Nauwau. En 9 ans d’existence, nous avons collecté plus de 60 arbres belges. L’élagage et l’abattage sont des solutions de dernier recours. Seuls les arbres qui ne sont plus utiles à la faune et la flore sont abattus. Le hêtre, par exemple, ne supporte pas très bien la sécheresse et meurt malheureusement en masse. Ils ne sont pas transformés en bois de chauffage; je leur donne une seconde vie en tant que principale matière première de mes pièces.»

J’aime l’idée de pouvoir aider les personnes en deuil dans leur processus d’adaptation. Perdre un proche, c’est forcément difficile. si je peux leur offrir un moment de paix au travers de mes créations, c’est fantastique.

Et comme ce sont des matières premières très locales, on peut considérer que votre approche est durable.

«Tout le bois qui entre dans la composition de mes pièces provient du Limbourg ou du Brabant flamand. Le mieux est évidemment que mes clients me fournissent leur propre bois. Une fois, mon mari a dû abattre un arbre qui était tombé suite à une tempête. J’en ai fait un banc qui se trouve maintenant dans le jardin. Dans ce même esprit, nous développons également une plateforme en ligne, Timbr (timbr.app, NDLR), permettant à toute personne disposant d’un surplus de bois commercialement inintéressant — jardiniers, propriétaires forestiers... — d’être mis en relation avec des artisans, des designers, des menuisiers, mais aussi des bricoleurs.»

Comment est née l’idée de fabriquer des urnes funéraires en bois ?

«J’y réfléchissais depuis longtemps… Après la naissance de notre première fille, j’ai eu un moment de flou. Je me sentais un peu perdue. À cette époque, je ne savais pas ce que je voulais faire de ma vie, et de mon travail. Lors d’un séminaire d’entreprise auquel j’ai alors assisté, un homme m’a dit que je pourrais peut-être faire des urnes. Je sais que ça paraît fou, mais c’est de là que le projet est parti. Aujourd’hui, je ne me verrais pas revenir en arrière. Ce créneau me ressemble tellement.»

Vous organisez aussi des ateliers où l’on peut fabriquer sa propre urne. Expliquez-nous.

«J’ai déjà donné des cours d’initiation à des personnes qui voulaient apprendre à tourner un bol en bois. Ces workshops me permettent d’ouvrir mon atelier. En tant qu’artiste, la solitude est un sentiment très présent. D’un autre côté, la vie dans un atelier comme le mien est très relaxante. Quand vous êtes occupé, vous oubliez tout le reste. J’aime l’idée de pouvoir aider les personnes en deuil dans leur processus d’adaptation. Perdre un proche, c’est forcément difficile. Surtout quand le décès est récent. Alors, si je peux leur offrir un moment de paix au travers de mes créations, c’est fantastique.»

Vos urnes rondes se fixent au mur. À première vue, leur fonctionnalité n’est pas évidente puisque le sac en lin qui contient les cendres est logé dans une cavité à l’arrière.

«C’est évidemment volontaire. Cela permet à chacun de déterminer la fonctionnalité qu’il veut donner à l’objet. Au départ, j’ai essayé de travailler avec du texte. Sur l’urne de ma mère, le mot “maman” est gravé en très petit sur la face devant. Mais tout le monde ne ressent pas le besoin de parler encore et encore d’une chose aussi intime. Compte tenu de son caractère abstrait, l’urne peut simplement être accrochée dans votre maison sans aucune allusion à la mort. Il y a aussi des gens qui souhaitent acheter une urne à l’avance. Dans ce cas, elle peut avoir une valeur décorative sans forcément contenir de cendre

L’emballage de l’urne a également été pensé dans une approche écologique.

«Dès le lancement du projet, il était clair pour moi que je voulais créer quelque chose de précieux, quelque chose qu’on garde longtemps. Je n’ai pas créé un écrin en carton, mais bien une boîte de rangement sur mesure que vous pouvez utiliser par la suite pour stocker des souvenirs. Le couvercle de cette boîte contient une illustration amovible adaptée au contexte. Ma dernière commande concernait la perte d’un enfant. Nous y avons intégré un livret avec un poème et une “maison du souvenir” dans laquelle les frères, les sœurs, ... peuvent glisser un message. L’ensemble de la boîte fait partie d’un rituel, avec des éléments tangibles et cérémoniels.»

Vous avez d’autres projets pour le futur?

«Évidemment, j’aimerais grandir. Mais d’un autre côté, je suis maman de trois enfants qui demandent du temps et de l’attention. C’est logique. La nature de mon activité m’a appris à ne pas regarder trop loin et à apprécier pleinement le moment présent. Quand vous fabriquez des urnes, vous êtes confrontée à la finitude de l’existence. Cela ne peut que me rendre humble et reconnaissante de la vie qui m’est donnée. Je chéris chaque moment où nous retrouvons tous les cinq à tables.»

  • Urne «An object to remember», àpd 680 €, sur nauwau.be.

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