Visitez le ‘Musée des relations brisées’ avec l’auteure Gaëlle Josse
Rencontre avec Gaëlle Josse, l’auteure du Dernier gardien d’Ellis island, qui cette fois, nous emmène de Nice à Zagreb. Par Nicky Depasse.
Ouvrir le nouveau roman de Gaëlle Josse, c’est pénétrer de manière délicate dans une bulle. On y entreprend un voyage en compagnie de son personnage principal dans un monde qui éclaire, illumine. Rencontre avec l’auteure.
Rencontre avec Gaëlle Josse
Comment est né ce personnage de danseuse dont le corps nous raconte son histoire ?
Gaëlle Josse : « Un personnage de roman est toujours un mélange de choses personnelles, vécues et d’imaginaire. Agnès porte beaucoup de choses sur elle : il y a des personnes dans sa vie puisqu’elle fait danser des gens valides et des invalides, et puis il y a un absent qui pèse beaucoup plus lourd que les vivants. C’est une femme qui donne beaucoup d’elle-même, avec énergie et générosité, mais qui un jour s’aperçoit que porter tout cela est trop difficile. Elle n’y arrive plus. Elle a besoin de se retrouver elle-même, prendre de la distance par rapport à l’histoire d’amour qu’elle a vécue et cette personne qu’elle a perdue. Elle va entreprendre un voyage en bus, très lent, un peu initiatique pour retrouver son élan vers la vie. »
Pourquoi, justement, ce voyage en bus ?
Gaëlle Josse : « Il m’arrive souvent d’avoir envie d’un voyage qui n’est pas simplement le déplacement d’un endroit à un autre, d’un couloir d’aéroport à un autre, mais d’un voyage qui s’éprouve dans le corps, kilomètre après kilomètre, et dont chaque image s’imprime en moi de manière extrêmement lente. Le bus n’est pas le moyen qui fait le plus rêver, mais c’est celui qui lui convient le mieux. Il ressemble à une grosse baleine dans laquelle nous sommes des petits Jonas embarqués. Je trouve que ces gros ventres roulants ont un côté très matriciel, très utérin car ils portent et protègent à la fois. Et le fait pour elle, de se laisser porter par cette grosse machine roulante est une forme d’abandon par rapport à sa vie quotidienne, qui est justement de porter les autres. »
Elle transporte dans son sac, le livre préféré de cet homme qui l’a abandonnée, avec un but précis, une destination pas banale. Quelle est-elle ?
Gaëlle Josse : « Il s’agit du musée des relations brisées, à Zagreb, en Croatie. C’est un lieu qui existe vraiment et qui m’a beaucoup émue quand je l’ai visité au cours d’un voyage pour la traduction d’un de mes livres. Il a été créé par un couple d’artistes qui se sont séparés après avoir vécu longtemps ensemble, afin que chacun de nous puisse y déposer le souvenir d’une histoire révolue. Je trouve merveilleux de pouvoir se dire qu’il y a quelque part dans le monde, un endroit où reste intact le souvenir d’une histoire qu’on a vécue. »
A la lecture de votre roman, outre le fait qu’on se dit qu’il y a toujours un moyen de se consoler, on se sent enveloppé par la poésie de vos mots.
Gaëlle Josse : « J’avais envie, en effet, de faire une déclaration d’amour à la littérature. C’est la raison pour laquelle j’ai inventé ce livre et la vie de son auteur fictif, en mêlant des pages de ce livre imaginaire à celles de ce voyage. L’histoire d’un père qui écrit des lettres à sa petite fille lourdement handicapée dont la seule joie est d’être à l’extérieur, avec les arbres et les fleurs, dans les jardins. Chaque lettre est un jardin différent, une expérience différente. »
Est-ce que pour vous, la littérature, l’art en général, sont des petits miracles de bonheur ?
Gaëlle Josse : « J’aimerais vous réponde “oui” mais je ne pense pas que ce sont des gommes à effacer nos blessures, des moyens de réparer nos failles. Ce serait à la fois trop facile pour nous et trop leur demander. Mais je veux croire que la musique, les livres, tout ce qui peut nourrir notre vie de beauté, de sens et d’émotions, contribuent à nous aider à franchir les obstacles. »
Quel est le livre qui vous a portée, vous a bercée et qui, encore aujourd’hui, est un essentiel?
Gaëlle Josse : « C’est difficile à dire car j’ai l’impression d’être faite de tous les livres que j’ai lus. Sans doute ma réponse aurait été différente il y a cinq minutes mais là, je dirais qu’il y en a un que j’aime plus que les autres, 24 heures de la vie d’une femme de Stefan Zweig. Un livre qui m’a vraiment bouleversée. Cette femme qui donne tout, accepte de se perdre elle-même, de perdre sa dignité, son rang pour sauver un homme qui joue. Elle va croire y arriver jusqu’au bout mais échouer. »
- DE NOS BLESSURES UN ROYAUME, GAËLLE JOSSE, 172P., Ed. BUCHET CHASTEL, À SHOPPER ICI
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