Selah Sue: « Les anti-dépresseurs bloquaient ma créativité »
À 32 ans, Selah Sue, l’auteure-compositrice-interprète belge publie un 3e album sublime qui swingue et vibre de toutes ses notes, infusé de hip-hop old school, de jazz, de soul, de pop dansante. Il est pourtant basé sur un travail thérapeutique qu’elle effectue depuis cinq ans. Par Isabelle Blandiaux.
Lorsque Selah Sue est révélée au grand public, à 21 ans, en 2010, avec le single Raggamuffin, on a l’impression de se trouver face à un ovni en orbite autour de la planète soul. Comment Sanne Putseys, née à Louvain, fille d’un comptable et d’une infirmière, peut-elle, avec sa voix éraillée, à ce point nous retourner les tripes tout en nous faisant bouger ? Douze ans plus tard, Selah Sue nous bluffe toujours autant, avec son 3e album. Aujourd’hui mère de deux petits garçons, pour qui elle a voulu être présente les premières années, l’artiste a également réussi à arrêter les antidépresseurs qu’elle prenait depuis l’âge de 18 ans suite à la grave dépression dont elle a souffert à l’adolescence.
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Les antidépresseurs, ça t’a sauvé la vie ?
« Oui, vraiment. À 18 ans, ou bien j’arrêtais de vivre ou bien j’avais une meilleure vie. Mais cela ne pouvait pas continuer comme ça. C’est vrai que les antidépresseurs engourdissent tout ton être, mais à certains moments, ils peuvent être plus que bienvenus pour permettre de sentir les émotions moins fort. La seule chose catastrophique, c’est que j’en ai pris pendant quatorze ans. J’ai essayé sans succès d’arrêter à quatre reprises. C’est la première fois que je sens que je peux vivre sans. J’ai trouvé une alternative : une dose très légère d’un traitement psychédélique, légal au Canada et bientôt aux Pays-Bas, mais pas encore chez nous. Je l’expérimente en ce moment et je me sens bien. Mais je ne sais pas si c’est grâce à ce médicament ou si c’est parce que je suis plus âgée, ou parce que je suis mère. »
Plus que jamais sur cet album, les thématiques profondes des chansons s’entrechoquent avec une musique dansante, qui reconnecte au corps...
« J’aime le contraste entre les sujets deep et la musique qui donne envie de danser, les productions amples. Les paroles doivent vraiment signifier quelque chose de profond à mon sens. Le meilleur exemple de ce contraste est le single Pills, qui exprime ma sous-personnalité apathique. L’atmosphère du morceau peut laisser penser que les pilules dont je parle sont des ecstasy, mais il s’agit d’antidépresseurs. C’est après avoir écrit ce morceau que j’ai décidé de les arrêter. Parce que j’ai senti qu’ils m’empêchaient de plonger profondément en moi, ils bloquaient ma créativité. »
« Je sais que le plus important, ce sont mes deux garçons à la maison. Si quelque chose n’allait pas pour eux, je quitterais la musique instantanément. Parce que je veux être là pour eux. »
La mère en toi s’exprime aussi via le titre Full of Life. Cela change la vie, d’avoir des enfants. Est-ce que cela change l’artiste aussi ?
« Je ne suis pas sûre. En 2020, la mère en moi a écrit l’EP Bedroom (5 titres, dont le tube You, NDLR). Grâce à cela, je n’ai consacré qu’une seule chanson à la maternité sur l’album. Je ne suis pas qu’une maman, je suis aussi une amoureuse, une indépendante... C’est important de pouvoir respirer. Être mère me donne encore plus confiance pour défendre ce que je veux vraiment. Je sais que le plus important, ce sont mes deux garçons à la maison. Si quelque chose n’allait pas pour eux, je quitterais la musique instantanément. Parce que je veux être là pour eux. »
Travailler avec ton compagnon, c’était important pour toi ?
« Oui. Pour mon album précédent (Reason, 2015, NDLR), j’ai travaillé avec des producteurs stars de Los Angeles. Mais ils n’étaient pas vraiment là pour moi, c’était leur ego qui passait d’abord. Là, nous sommes à la maison, avec mon compagnon en qui j’ai toute confiance. Quand je me sens en insécurité, il m’aide. C’est un musicien exceptionnel et il a une oreille incroyable. C’est tellement mieux de bosser avec des gens qu’on aime vraiment ! »
Vous partez en tournée avec les enfants ?
Il faut trouver l’équilibre. Une anecdote récente : je monte sur scène avec des vêtements géniaux, les gens m’acclament, quand je sors, un de mes fils me dit : « Maman, je dois faire caca. » Le retour à la réalité est immédiat ! (Rires.) Une très bonne nounou nous accompagne et mes enfants apprécient beaucoup d’être dans le tour bus. Pour moi, c’est un peu stressant. Et puis j’ai été intensément mère pendant cinq ans, donc je veux aussi faire un break. Let me be a star again! (Rires.) En été, je vais les emmener parce que cela va durer plus longtemps. Mais le reste du temps, on s’organise pour qu’ils gardent leurs habitudes avec leurs amis, la famille et l’école pour mon aîné. Je pense que c’est mieux pour eux. Mais je ne veux pas être loin d’eux plus de trois jours d’affilée. »
- Album Persona (Virgin). En concert à l’Ancienne Belgique le 27/4.
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