Origine, controverses: comment Barbie est devenue une icône

Elle a été astronaute, présidente et rappeuse. À 64 ans, la poupée culte devient star du grand écran. Le nouveau film de Margot Robbie nous fait voir autrement la vie en rose bubble-gum.

La grande force et la faiblesse de la poupée la plus populaire de tous les temps, c’est qu’elle oscille entre revendications féministes et clichés maladroits. Les petites filles la considèrent comme un jouet fascinant, les grandes comme une épine dans le pied du féminisme. Un monde de rêve où les filles possèdent leur propre maison et peuvent devenir qui elles veulent, mais aussi un univers empreint de silhouettes corporelles irréalistes. Une icône et un problème.

Une poupée pour adultes

Pour concevoir sa Barbie — Barbara Millicent Rogers de son vrai nom —, la créatrice Ruth Handler s’est inspirée de la poupée allemande Lilli, lancée en 1955 par le magazine Bild. Lilli était à l’origine un personnage de bande dessinée présente dans le magazine. Elle était vendue dans les bars et les bureaux de tabac, et était considérée comme un cadeau sexy à destination des adultes. Un gadget que les hommes offraient à leur femme ou accrochaient au rétroviseur de leur voiture. Mais étonnamment, les petites filles, dont Barbara la fille de Ruth, étaient également fascinées par Lilli.

Il faut dire qu’à l’époque, le seul genre de poupée destinée aux fillettes était un modèle de poupon dont il fallait s’occuper. Ruth Handler voyait Barbara et ses amies découper des images de mannequins dans des magazines et reproduire des situations d’adultes : faire du shopping, organiser des dîners, préparer des cocktails et, surtout, changer souvent de tenue.

La créatrice : « Les filles veulent interpréter bien plus qu’un seul rôle. Elles cherchent des moyens d’exprimer leurs fantasmes et leurs rêves d’avenir. Je me suis dit qu’il devait y avoir de la place pour une poupée qui leur permettrait de faire ces choix, d’être ce qu’elles veulent être, de rêver sans limites. »

Des proportions complexantes

« Barbie a permis aux filles de penser à elles, de se projeter dans l’avenir, explique le sociologue Walter Weyns. Mais cette imagination débridée a été fortement poussée dans une certaine direction. Barbie représente une certaine forme de féminité, associée à des tailles très irréalistes. Cette image absurde du corps pouvait s’immiscer dans votre cerveau et créer une relation perturbée avec votre propre corps. Un aspect que les féministes ont toujours critiqué. »

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Ruth et son mari Elliot ont lancé Barbie au salon du jouet le 9 mars 1959. Elle mesurait 29,2 cm, avait une forte poitrine, une taille de guêpe, de longues jambes, des pieds de ballerine étirés, une queue de cheval blonde ou brune et l’allure d’une adolescente de 16 ans. Vêtue d’un maillot de bain noir et blanc, lunettes de soleil à la main, cette première version a fait l’objet d’un tas de commentaires négatifs. « Totalement inapproprié » ou « Ils feront faillite l’année prochaine ». Mais les persifleurs ont vite ravalé leurs commentaires face aux ventes astronomiques de Barbies : 350 000 exemplaires dès la première année. Les États-Unis comptent, aujourd’hui, plus de Barbies que d’êtres humains.

Barbie 3.0

Le slogan officiel de Barbie, « Tu peux être tout ce que tu veux », implique que son rôle doit évoluer avec son temps. Ses choix de carrière, à l’instar de sa garde-robe, doivent être régulièrement remis au goût du jour. Les fillettes veulent de nouveaux exemples, de nouveaux modèles. « Barbie redéfinit constamment ce que signifie être une Barbie, explique un employé de Mattel. Barbie s’engage en faveur de l’inclusion, ce qui implique une vision multidimensionnelle de la beauté et de la mode. »

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Merci Mattel pour ces beaux objectifs sociaux ! Mais n’oublions pas que c’est avant tout une excellente stratégie marketing. Depuis sa création, Barbie est une poule aux œufs d’or et implique l’achat d’autres accessoires.

Depuis ses débuts, Barbie n’a cessé d’évoluer au rythme du monde réel. Plus de 175 nouveaux looks ont été introduits dans la ligne Fashionistas. Couleurs de cheveux, silhouette, nuances de peau... Il existe même une Barbie chauve, une Barbie atteinte de vitiligo, une Barbie portant une prothèse ou un appareil auditif. « Barbie s’est engagée à lutter contre la stigmatisation sociale pour permettre à tous les enfants de se reconnaître en elle, explique-t-on chez Mattel. Cela concerne aussi les handicaps intellectuels ou physiques. Cette année, nous lançons une poupée atteinte du syndrome de Down. Nous en sommes très fiers. »

Une poupée controversée

Toutes les tentatives visant à maintenir Barbie au goût du jour n’ont pas connu le succès. En 1963, Barbie avait un livre de régime qui ne contenait qu’un seul conseil : « Ne mangez pas. » Ce livre était accompagné d’une balance réglée en permanence sur 49 kilos. Lorsque la poupée a dit ses premiers mots, en 1992, elle a déclaré : « Les maths, c’est dur. » Becky, une amie de Barbie en fauteuil roulant, ne pouvait pas entrer dans le palace de la poupée, car la porte et l’ascenseur n’étaient pas assez larges. Autre triste polémique, la collaboration avec Oreo. L’idée semblait innocente au départ : on parlait d’une Barbie à la peau foncée habillée aux couleurs de la marque, portant un sac en forme de biscuit et aimant manger des Oreo. Sauf qu’Oreo est une expression péjorative utilisée pour dénigrer « les Afro-Américains qui se comportent comme des blancs »...

« La diversité est une bonne stratégie, affirme Walter Weyns. Mais Mattel n’est pas un précurseur : une nouvelle Barbie n’est lancée que lorsque l’on sait qu’elle sera acceptée par une grande partie de la population. Aujourd’hui, une poupée transgenre est envisagée, alors qu’il y a cinq ans, elle n’était probablement pas à l’ordre du jour »

Walter Weyns

Pour Mattel, ce choix marketing s’est avéré être un succès. « En 2022, la poupée Barbie à la peau noire et à la chevelure afro ainsi que la Barbie en fauteuil roulant figuraient dans le top 10 des poupées les plus populaires dans le monde, révèle Mattel. D’ailleurs, plus de la moitié des poupées qui figuraient dans ce classement appartenaient au BI- POC (Black, Indigenous and People of Color, NDLR). »

  • Barbie, de Greta Gerwig, avec Margot Robbie et Ryan Gosling, en salles le 19/7.

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