Ecologie, rêves et famille: les confidences de Matthieu Chedid
Sa Lettre infinie gonflée d’amour sous le bras, -M- revient seul face à son public, pour une tournée anniversaire en forme de performance où il se fait homme-orchestre et se démultiplie comme dans ses chansons depuis deux décennies. D’après un texte d’Isabelle Blandiaux.
Dans l’inti-M-ité de Matthieu Chedid
Superhéros à la démesure de son imaginaire fantasmagorique, musicien surdoué, performer hors pair, volatile qui parle et écrit la langue des oiseaux, alchimiste entre ombre et lumière, enfant dans un corps d’adulte, membre d’un clan familial artistique relié par la transmission, magicien passé maître dans l’art du subtil, Matthieu Chedid, 47 ans, se grime pour mieux se révéler depuis la création de son personnage majuscule -M- il y a vingt ans. Dans le 6e disque studio de son alter ego, Lettre infinie, il signe 13 lettres intimes et sans filtre où l’amour est omniprésent, entre ballades et rythmes funky/disco. Depuis peu à nouveau père, il savoure les synchronicités qui jalonnent son chemin.
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« L’album Qui de nous deux ? (2003) — qui suivait Je dis aime (1999) — était rose
pour la naissance de ma fille. Celui-ci est bleu ciel et marque la naissance de mon fils, Tao. Il y a une espèce de providence intime dans ma vie d’homme », nous dit-il d’une voix infiniment douce, dans sa veste mauve à la Prince. « Je le vis comme une émotion débordante. On va dire que je me suis mis la charge maximale : c’est un peu surhumain de faire une tournée seul sur scène, juste après la naissance de son enfant. Comme j’ai la chance d’être positif et solaire en ce moment encore, cela se transforme en magie. Cela pourrait aussi être trop, et je tomberais... Il y a une folie là-dedans, qui fait partie de la créativité, et qui est plutôt une folie d’amour. Mais c’est vrai que sincèrement, des fois, je me dis que cela va un peu loin. C’est hors limites, hors cadre. »
Votre choix d’être seul sur scène, après avoir enchaîné deux projets collectifs — avec votre père, Louis Chedid, et votre fratrie puis avec les musiciens maliens de Lamomali —, il vient d’un besoin de vous recentrer ?
Surtout un besoin de retour à soi, à mon être intérieur et infini. Une envie de ne pas me disperser. En même temps, j’ai des joujoux sur scène, je ne suis pas en guitare-voix pendant deux heures. Je ne suis pas prêt pour ça et j’ai habitué les gens, surtout dans les grandes salles, à voyager et à danser. J’ai trouvé des astuces pour varier les plaisirs. C’est intéressant parce que cela crée une communion particulière. Je suis un peu à poil. Sur l’album aussi, j’ai voulu enlever certains filtres. Cela crée de l’intimité et cela me donne beaucoup d’émotion. C’est peut-être parce que je viens d’être papa, ce qui ouvre le cœur encore un peu plus...
Vos costumes de scène sont-ils une façon de laisser s’exprimer le Matthieu qu’on ne voit pas dans la vie quotidienne ?
Oui, c’est vrai. C’est troublant parce que je suis quelqu’un d’assez réservé, pudique, timide. Même dans les moments de fête, je suis presque le dernier qui va mettre l’ambiance. La scène me donne le superpouvoir de me permettre des looks invraisemblables et de ne pas avoir peur du ridicule. Cela me donne des ailes, m’extrait du quotidien pour aller dans un monde poétique qui frôle le rêve parfois. Je vis mes rêves. Je les ai réalisés grâce à ce personnage.
Votre fille Billie fait les chœurs sur votre album. Vous-même l’aviez fait enfant sur une chanson de votre père. C’était important, à vos yeux, de poursuivre la transmission ?
Cela fait partie de mes repères, de mes réflexes, cette transmission, entre ma grand-mère, mon père, mon frère, ma sœur. C’est très naturel et joli. Je donne à présent le relais à ma fille inconsciemment et l’album se referme avec la chanson Billie, dans laquelle je lui dis qu’elle peut partir. C’est d’ailleurs une chanson prémonitoire parce que je l’ai écrite à un moment où elle n’était pas du tout en train de s’envoler encore. Mais c’est comme si je prévoyais qu’elle le fasse, comme si je préparais le terrain. Elle a 16 ans, donc cela va vite à cet âge.
Vous aviez besoin de dire aux gens qui comptent dans votre vie que vous les aimez, sur cet album ?
Il y a des cris du cœur, oui. C’est d’une part plus facile de le dire en musique, même si, sincèrement, je le dis en vrai aussi. Et ça cristallise le présent, cela lui donne une résonance. Avec le recul, je vois que la chanson que j’ai faite avec ma grand-mère (la poétesse Andrée Chedid, NDLR), Je dis aime, je la chante toujours vingt ans plus tard. Il y a aussi cette magie-là. J’ai l’impression de créer un parfum quand j’écris un morceau. C’est une odeur qui reste.
Dans Logique est ton écho, on sent l’angoisse écologique très présente. Vous la gérez comment ?
Je la gère en essayant de m’informer avec les gens les plus affûtés dans le domaine, pour bien comprendre. Je la gère aussi en étant dans l’action. J’ai une maison de campagne depuis quelque temps, où je fais un potager, du compost, je n’ai pas encore de toilette sèche, mais j’espère qu’on va y venir. Il faut éviter la culpabilité tout le temps, sinon cela n’a pas de sens. Mais en tout cas faire l’effort d’essayer de préparer le monde de demain pour nos enfants. Une des solutions, c’est l’énergie dans laquelle on est. Si on n’est que dans la peur, le pessimisme, ce n’est franchement pas la solution. La musique, la célébration, l’amour, la gaieté, l’énergie solaire et éclairante sont aussi une réponse à tout cela.
- Album Lettre infinie (PiaS).
- En concert le 24/5 à Forest National.
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