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Coup de coeur littéraire:  « Dors ton sommeil de brute » de Carole Martinez 

À l’occasion de la sortie « Dors ton sommeil de brute », nous journaliste Nicky Depasse s’est entretenue avec Carole Martinez. Par Nicky Depasse.    

Auteure de romans de nombreuses fois récompensés dont le Renaudot et le Goncourt des Lycées, Carole Martinez publie une histoire où les enfants font, au cours de la même nuit, un rêve identique. Un destin collectif en opposition avec celui d’une femme qui vit cachée, avec sa fille, pour fuir la violence de son mari.

Rencontre avec Carole Martinez 

Le titre de votre roman fait référence à Baudelaire, pourquoi le sommeil vous a-t-il inspiré ?

Carole Martinez : « Depuis mon enfance, j’ai des problèmes avec le sommeil. Je n’ai jamais bien dormi. Je suis très insomniaque. Je n’éprouve aucun plaisir à m’abandonner au sommeil. Quand j’étais petite et que je me réveillais pendant la nuit, je m’inventais un tas d’histoires qui m’effrayait : j’imaginais qu’un monstre allait se matérialiser dans la chambre et tout aspirer, ou encore, qu’un être invisible et aveugle s’avançait vers moi. Pourquoi invisible, allez savoir ! Il ne fallait donc pas que je fasse de bruit pour qu’il ne sache pas où j’étais car il mangeait les enfants. Je me retenais alors de respirer et quand je n’en pouvais plus, j’imaginais qu’il arrivait sur moi. Le sommeil est pour moi un sujet d’angoisse, sans compter le mystère des rêves, ce fameux sommeil paradoxal qui ne nous repose pas car le cerveau est en pleine activité et qui, malgré tout, est tellement nécessaire. Le sommeil est une zone d’ombre magnifique. »

Qu’est-ce que la nuit évoque pour vous ? Une échappatoire de l’âme ?

Carole Martinez : « La nuit pour moi, c’est la quête du sommeil. C’est très particulier d’imaginer quand on vit en ville, toute cette communion de gens partout autour de vous qui est en train de dormir, et donc, fragile et qui part, on ne sait pas où. Je ne peux pas m’empêcher de convoquer le merveilleux dans mes livres car je suis issue d’un milieu où il avait sa place. J’ai été élevée par une grand-mère qui était concierge, boulevard Montparnasse, à Paris, elle vivait dans une pièce qui était à la fois sa cuisine et sa chambre. Elle était un peu sorcière, elle avait des croyances, elle récitait des prières pour guérir les chairs coupées, brûlées, pour contrer le mauvais oeil. Elle me racontait des histoires comme quoi il ne faut pas faire couler de l’eau à minuit car cela va faire remonter des choses des canalisations. C’étaient des superstitions mais qui ne m’effrayaient pas car elles étaient mon quotidien et je les trouvais très poétiques. »

Et comment vous est venue l’idée de ce rêve collectif dans votre roman ?

Carole Martinez : « Pendant le premier confinement, qui a quand même été quelque chose d’incroyable, on n’aurait jamais imaginé vivre un jour quelque chose de semblable, même dans un roman ou un film d’anticipation, je me suis retrouvée avec mon mari et ma fille dans une maison isolée. On écoutait tout le temps la radio et on regardait la télé, entendre parler des gens qui tombaient malades, des frontières qui se fermaient progressivement, et le monde entier qui se retrouvait sous une même chape. C’est comme ça que j’ai imaginé cette femme battue qui se réfugie avec son enfant dans un endroit reculé et dont le voisin est un homme qui écoute le monde toute la journée la radio pour couvrir ses acouphènes, et entend ainsi tout ce qui se passe dans le monde.

Je voulais retrouver ce quelque chose à la fois intime et universel, un lien entre le je et le nous. Et puis lors du Covid, avec le silence de l’homme, on a vu des animaux sauvages revenir dans les villes, à tel point qu’on s’est dit qu’après le confinement, on ne serait plus jamais comme avant. C’est ainsi que j’ai imaginé cette épidémie de rêves que font tous les enfants dans le monde en 24 heures, une communication maladroite de la Terre qui essaie de faire passer un message. »

  • DORS TON SOMMEIL DE BRUTE, CAROLE MARTINEZ, 392P., Ed. GALLIMARD

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