Ma green entreprise: en coulisses avec les entrepreneurs de Constant Berger
Pour vous aider à #conso-mieux, GAEL dresse chaque mois le portrait d’entrepreneurs belges qui se bougent et innovent dans le respect des hommes et de la nature. Ce mois-ci : Adeline, fondatrice avec son compagnon Léandre d’Atelier Constant Berger. Par Annelore De Donder. Photos et vidéo: Charlotte Van Noten.
Après un voyage sac au dos à l’autre bout du monde, Adeline Constant et son compagnon Léandre ont repris l’Atelier Constant Berger, propriété de la famille d’Adeline, une société qu’ils ont transformée en un projet local, durable et rentable. Depuis trois ans, le couple produit donc des jus, du cidre et des eaux de vie en revalorisant l’agriculture raisonnée et écologique, fleuron du Pays de Herve, tout en multipliant les collaborations avec d’autres créatifs partageant leurs valeurs et leur engagement.
Votre projet est intimement lié à votre histoire personnelle. Racontez-nous.
« Vers 1890, mon arrière-arrière-arrière-grand-mère avait repris une maison spécialisée dans les spiritueux. Installée à Montegnée, dans la région liégeoise, elle fabriquait un genièvre d’après sa propre recette. Cette société est restée dans notre famille depuis six générations, mais jusqu’à ce qu’on décide de poursuivre l’aventure, Constant Berger n’avait pas de repreneur. Juste avant, en 2018, Léandre et moi, nous avons choisi de quitter nos boulots respectifs pour faire un tour du monde. Ce voyage d’une année a été riche en enseignements. Nous avons pris conscience de l’importance de prendre soin de notre planète, mais aussi de la nécessité de préserver et de valoriser notre propre héritage. En discutant autour d’un verre avec des gens, en Tanzanie notamment, nous avons évoqué nos spécialités locales, dont le genièvre. Raconter l’histoire de ce produit étroitement lié à l’histoire de ma famille nous a donné envie de faire évoluer l’Atelier Constant Berger en un projet très personnel. Sur un coup de tête, nous avons changé nos plans de voyage et nous sommes partis nous former dans une distillerie du Cap, en Afrique du Sud. De retour en Belgique, Léandre a poursuivi son apprentissage à Hasselt, une ville connue pour son genièvre à base de céréales. À ce moment-là, on s’est dit : “Et pourquoi ne pas faire la même chose avec des fruits ?” »
‘Certains clients sont séduits par le goût des anciennes variétés de fruits, d’autres par notre mission d’innovation’
Aviez-vous déjà l’idée de construire un projet local et durable ?
« Cette approche est l’essence même de l’atelier. Nous nous sommes d’emblée rapprochés de Diversifruits, une structure basée en Wallonie qui promeut la culture de variétés anciennes non traitées issues de vergers hautes tiges. Historiquement, le Pays de Herve, là où nous avons installé nos infrastructures dès la reprise de la société en 2019, est lié à ce type de culture qui valorise l’écosystème local. Malheureusement, ces vergers avaient pratiquement disparu. Nous avons voulu à la fois préserver les vergers hautes tiges existants et encourager les cultivateurs à en planter de nouveaux. Un projet de longue haleine puisqu’il faut compter entre huit et dix ans pour qu’un arbre commence à produire des fruits. Au travers de nos différentes activités (pressage de fruits, distillation et cidrerie), nous nous fournissons chez une soixantaine de cultivateurs. Nous transformons cinquante tonnes de fruits par an. Notre gamme de produits comprend des jus, du cidre et différentes eaux-de-vie. Nous mettons aussi nos connaissances et nos infrastructures au service de particuliers qui souhaitent fabriquer du jus à partir de leurs propres fruits. »
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Votre approche durable concerne aussi d’autres aspects du projet...
« Nous avons investi dans une laveuse de bouteilles qui nous permet de consigner les contenants de nos jus. Ce choix n’augmente pas notre rentabilité, mais cela nous permet d’asseoir notre engagement durable. En termes de distribution, nous privilégions les circuits courts. Nos jus et nos alcools sont vendus dans des magasins bio locaux. On les trouve aussi sur les tables de certains cuisiniers qui partagent nos valeurs — je pense par exemple à Stéphane Diffels, chef de L’Air de rien, à Fontin. Chaque samedi après-midi, nous ouvrons les portes de notre atelier dans le cadre de visites guidées organisées par le Pays de Herve. Nous voulons jouer la carte de la transparence. Plus le public sera informé des enjeux liés à la préservation de nos écosystèmes, plus nous pourrons faire évoluer les mentalités. Travailler avec d’anciennes variétés de fruits nous permet d’obtenir des jus très goûteux. Certains clients sont sensibles à cet aspect des choses. D’autres sont d’abord séduits par notre mission d’innovation à la fois sociale et environnementale. »
Votre couple semble interagir de manière très complémentaire, mais vous n’êtes pas tout à fait seuls dans cette aventure.
« Dès la création de l’atelier en avril 2019, nous avons choisi de collaborer avec Pierre-Henri, agronome de formation. Le volet plus technique, notamment l’achat de nos machines (ligne de presse, alambics, cuves pour le cidre et matériel d’étiquetage), c’est Léandre qui s’en charge. Je me concentre quant à moi sur le volet plus administratif, ainsi que sur notre identité visuelle. Travailler en couple nous permet de capitaliser sur nos forces respectives, mais il arrive, quand nous sommes fatigués ou sous pression, que cette proximité constante soit plus difficile à vivre. Cela dit, nous aimons nous entourer de nombreux partenaires. Nous avons notamment créé Haute Voltige, un produit hybride entre bière et cidre, en partenariat avec la brasserie L’Ermitage à Bruxelles — les fondateurs partagent nos valeurs et sont même devenus des amis. Nous avons aussi imaginé une cuvée de cidre aromatisée au houblon pour le label de musique belge Magma. Sur chaque bouteille, on trouve un QR Code qui renvoie vers une playlist rassemblant les artistes représentés par le label. Ces projets nous permettent de valoriser les talents belges tout en véhiculant notre message durable dans d’autres communautés.»
Découvrez cette interview en intégralité dans le GAEL d’août, disponible en librairie.
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