Témoignage: Livia a été la victime d’un patron toxique et sexiste
Les dirigeants exemplaires semblent être l’exception plutôt que la norme . Or, un management toxique peut causer des dégâts profonds chez les collaborateurs, aussi bien sur le plan professionnel que privé. Le premier patron de Livia, 46 ans, était sarcastique et sexiste. Son comportement l’a conduite au bord du burn-out. Par Evelien Roels, avec la collaboration de Charlotte Davila.
Le témoignage de Livia
« J’avais toujours rêvé de travailler dans la mode. À 18 ans, j’ai entamé des études dans ce domaine et j’ai fait un stage dans une grande maison de couture. Lorsqu’une offre d’emploi a suivi, j’ai sauté de joie. Je n’avais pas encore obtenu mon diplôme et j’avais déjà décroché le travail de mes rêves !
Avec le recul, j’aurais pu me rendre compte que quelque chose n’allait pas dans cette entreprise, même pendant le stage. Le directeur avait une forme d’humour très particulière. À chaque fois que des personnes célèbres apparaissaient dans le journal, il se moquait carrément d’elles. Toujours sur la base de leur apparence : “Mon dieu, sa calvitie était-elle aussi prononcée avant ?” Ou encore : “Quel chirurgien esthétique lui a refait les seins ?” Au téléphone, il faisait la même chose. Il mettait le haut-parleur pour que tout le monde puisse l’entendre. Pendant ce temps, il roulait des yeux ou faisait des gestes obscènes. La moitié de l’atelier étouffait un rire, l’autre moitié se cachait derrière son écran d’ordinateur, remplie de honte par procuration. Je ne savais pas quoi faire. Souvent, je me contentais de rire. J’avais une vingtaine d’années et c’était ma première expérience dans un atelier. J’étais loin de me douter qu’il ne s’agissait pas d’une pratique normale.
Un jour, on m’a attribué un nouveau bureau : dans le coin le plus isolé de l’étage. Le nouveau stagiaire a pris ma place.
Dès que je suis devenue une employée permanente et que je me suis rendue plus souvent sur le lieu de travail, j’ai remarqué que mon patron pouvait être non seulement sarcastique, mais aussi vicieux. Il plaçait la barre très haut. Si quelqu’un commettait une erreur, il hurlait devant tout l’atelier : “Trouve une solution !” Il m’a épargnée. J’oserais même parler de traitement de faveur. J’avais les meilleures missions. Il était grossier avec le collègue assis à côté de moi et me faisait un clin d’œil. On me payait le double de mes heures supplémentaires. En noir. Le fait que ses yeux s’attardaient souvent au mauvais endroit lorsqu’il me parlait ou qu’il s’approchait trop près pour m’expliquer quelque chose m’agaçait, mais je ne disais rien. Tout cela s’est passé il y a des années, bien avant MeToo. Ce dont je suis fière avec le recul, c’est qu’à aucun moment je n’ai répondu à ses avances. Même si ça m’a coûté ma place au sein de l’entreprise. Le patron a senti que je ne pliais pas. Le traitement de faveur a cessé. J’ai eu des missions moins amusantes et si j’étais plus calme un jour, il m’engueulait : “Vous avez fait trop de folies la nuit dernière ?” C’était très humiliant. Ensuite, il a commencé à m’ignorer. C’était peut-être encore pire. J’étais comme de l’air. Si je disais quelque chose, il faisait semblant de ne pas l’en- tendre. Un jour, on m’a attribué un nouveau bureau : dans le coin le plus isolé de l’étage. Le nouveau stagiaire a pris ma place.
J’ai pris mon téléphone et j’ai donné ma démission. C’était très impulsif, mais je ne l’ai jamais regretté
J’ai tenu bon pendant des semaines. Je voulais bien faire mon travail, je ne voulais pas non plus abandonner, mais cela me demandait de plus en plus d’efforts. Mon estime de moi est tombée plus bas que terre. J’avais des maux de tête et j’étais constamment fatiguée. Après une nouvelle journée épouvantable, j’ai fondu en larmes. La tension était retombée, il fallait que je fasse quelque chose. J’ai pris mon téléphone et j’ai donné ma démission. C’était très impulsif, mais je ne l’ai jamais regretté. J’ai trouvé un autre emploi assez rapidement. En fait, ce n’est qu’à ce moment-là que j’ai réalisé ce que j’avais dû supporter pendant tout ce temps et que le comportement de ce patron n’était pas normal.
Je ne l’ai plus jamais revu, ni mes collègues, après mon départ. J’ai lu sur Facebook qu’il travaillait désormais ailleurs. Je ne peux qu’espérer que ses supérieurs lui ont demandé des comptes et qu’il a compris qu’un tel comportement n’est vraiment pas acceptable. »
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