Témoignage: « J’ai obtenu la nationalité belge pour fuir le Brexit »
Alors que le Royaume-Uni se dirige vers une concrétisation du Brexit, certains choisissent de prendre leur destin à bras le corps. C’est le cas de Lisa, 49 ans, qui a récemment obtenu la nationalité belge. Par Joanie De Rijke. Photo: Liesbet Peremans.
Le témoignage de Lisa
« Je suis née à Birmingham, en Angleterre, mais j’habite depuis plusieurs années en Belgique. Je suis danseuse contemporaine de formation, j’ai fréquenté la Contemporary Dance School de Londres. Après mes études, je ne trouvais pas de travail en Angleterre. Suivant les conseils de mes amis, j’ai débarqué à Bruxelles au milieu des années 90. L’ambiance était très différente. Ici, personne ne se soucie de l’école que vous avez fréquentée. Si vous êtes bon, vous avez le job. J’ai trouvé un emploi rapidement, ce qui m’a encouragée à m’installer pour de bon en Belgique. J’ai aussi fait la connaissance de mon compagnon actuel et je suis devenue maman d’un petit garçon, qui a la nationalité belge.
« Je me souviens que mon fils (...) avait dit à ma mère qu’elle ne devait plus l’aimer puisqu’elle avait voté contre “nous” »
Le jour du référendum pour le Brexit (23 juin 2016) a été particulièrement éprouvant pour moi. C’est le jour où mon père a été enterré. Il est décédé des suites d’une longue maladie. Mon père voulait à tout prix rester dans l’Union européenne. Ma mère, par contre, était en faveur du Brexit, mais elle ne voulait pas en parler. Le Brexit est, de fait, très émouvant pour moi puisque je me sens déchirée entre deux pays. Je me souviens que mon fils, qui avait 11 ans à l’époque, avait dit à ma mère qu’elle ne devait plus l’aimer puisqu’elle avait voté contre “nous”.
Je dois reconnaître que, moi aussi, je me sentais mise à l’écart par son vote. Suite à une discussion avec un ami, j’ai décidé de demander la nationalité belge. Je voyage beaucoup pour le travail et si, par exemple, j’ai besoin d’une assistance médicale à l’étranger, je tomberai sous juridiction britannique après le Brexit. Cette décision politique aura tellement d’impact sur mon quotidien ! J’ai également demandé la nationalité britannique pour mon fils, car il aime ce pays autant que sa grand-mère. Sa relation avec l’Angleterre est forte, il aimerait y faire ses études, voire y vivre. Aujourd’hui, mon fils et moi avons la double nationalité. Je suis soulagée parce que je ne dois plus me soucier de l’avenir. Je suis officiellement européenne, j’ai le droit de vivre ici.
« Je suis sûre de moi, les Britanniques ne peuvent pas en dire autant »
Cependant, je suis inquiète pour mon pays d’origine. Je suis de très près la politique. Je ne peux pas croire que la majorité des Britanniques ont voté pour le Brexit et qu’ils ont accordé, une nouvelle fois, leur confiance au Premier ministre Boris Johnson. Comment les gens peuvent-ils être aussi aveugles ? Nous nous dirigeons tout droit vers une catastrophe. Le futur des soins de santé est particulièrement préoccupant. Actuellement, ce service est gratuit en Angleterre, mais il y a de fortes chances pour que Boris Johnson propose des soins de santé à l’américaine... Un système réservé à ceux qui ont de l’argent. Les familles modestes en paieront les frais. Comme le reste du monde, je vais devoir prendre mon mal en patience et suivre l’évolution de la situation derrière mon ordinateur. En attendant, j’ai repris des études en Belgique. Je me fais trop vieille pour la danse, j’aimerais devenir assistante de production. Je suis ravie d’avoir franchi le pas et d’avoir demandé la nationalité belge. J’ai moins peur de l’avenir. Je suis sûre de moi et, pour le moment, les Britanniques ne peuvent pas en dire autant. »
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