Témoignage: Géraldine raconte l’héritage de son papa globe-trotter
Dans la série Netflix After Life, Ricky Gervais découvre des messages vidéo que sa femme a réalisés sur son lit de mort. Beau et déchirant, comme les histoires de ces femmes qui, après le départ d’un proche, ont hérité de quelque chose de très spécial. Géraldine, fille de globe-trotter invétéré qui n’a jamais levé le pieds, fait vivre le souvenir de son papa au travers du précieux héritage qu’il lui a légué. PAR ANS VROOM ET ANNE-SOPHIE KERSTEN. PHOTOS : LIESBET PEREMANS.
« Il vivait pour son travail »
« Sur son lit de mort, papa m’a demandé pardon d’avoir été un père si absent. C’était comme s’il me demandait l’autorisation d’avoir vécu la vie qu’il avait menée, alors que sans lui, je ne serais jamais devenue celle que je suis. En tant qu’ingénieur, il a voyagé tout autour du monde pour lancer des chantiers pour de grandes usines. Il restait parfois absent plusieurs mois. Je ne lui en ai pourtant jamais voulu pour ses absences. J’étais plutôt fière de ses voyages et de ses projets. Mon frère, mes sœurs et moi n’avons jamais connu autre chose : papa travaillait à l’étranger et maman créait pour nous un nid chaleureux. Ma mère est une femme forte, qui a éduqué toute seule ses quatre enfants. J’essaie moi aussi d’être un exemple positif pour mes enfants.
« Mon père vivait pour son travail. Lorsqu’à 60 ans, il a reçu le diagnostic de cancer du pancréas, il travaillait encore à temps plein. »
Mon père vivait pour son travail. Lorsqu’à 60 ans, il a reçu le diagnostic de cancer du pancréas, il travaillait encore à temps plein. Il avait pris le statut d’indépendant pour ne pas devoir prendre sa retraite. Sa carrière lui a fait voir le monde entier. Chacun de ses retours était l’occasion d’une fête. Il ramenait des petits cadeaux des pays visités ou des accessoires de toilette de ses hôtels. Comme il travaillait souvent en Chine, on avait à la maison des tas d’objets exotiques, kimonos, baume du tigre et gadgets technologiques.
Souvenirs de voyage...
On a été une des premières familles à avoir un répondeur téléphonique. C’était sa façon de compenser ses absences et de montrer qu’on lui manquait. C’était avant Skype! Il écrivait à chacun de nous de longues lettres. Je suis sûre qu’il trouvait difficile de nous laisser, mais son envie de voyages était trop puissante. Il avait un caractère inquiet, et j’en ai hérité. Comme lui, je peux difficilement rester en place. À une époque, j’ai entamé une formation en tourisme pour voyager loin. Finalement, cette voie ne m’a pas convenu et j’ai fait un régendat en langues et littératures. Papa était très fier de moi, tout comme de mes frère et sœurs. Je suis revenue habiter dans le village de mon enfance, mais je garde les yeux ouverts sur ce qui se passe autour de moi. Autrefois je voulais voir le monde entier, maintenant j’ai envie de bien agir dans mon propre petit monde.
... et leçons de vie
Quand mon père a su qu’il allait mourir, il a commencé à partager ses souvenirs de voyage entre ses enfants et petits-enfants. J’ai entre autres hérité d’un soldat en terre cuite de Xi’an, d’une peinture bulgare et d’une série d’histoires érotiques de la littérature chinoise. Même s’ils n’ont pas de valeur, ces objets portent chacun une histoire. Papa nous en a raconté la signification ainsi que les leçons tirées de ses contacts avec les autres cultures. Il a vu beaucoup de misère pendant ses expéditions. Il nous a appris à tirer le meilleur de chaque situation, plutôt que de toujours chercher autre chose de mieux.
« Quand je suis triste, je trouve du réconfort dans les souvenirs qu’il m’a laissés. »
Petite fille, j’ai été marquée par ses récits de la misère en Chine, de gens qui vendaient leur nourrisson en échange de la valeur d’un mois de loyer. Papa m’a fait prendre conscience jeune que nous sommes privilégiés ici, en Belgique. Ce sont des leçons de vie qu’on n’oublie jamais et que je transmets désormais à mes enfants: regardez plus loin que le clocher du village. La réponse est en toi, disait papa quand il traversait des difficultés. Ses expériences de voyage lui ont appris à relativiser. Mon père est décédé à la maison il y a six ans. Durant ses dix-huit mois de maladie, il n’a jamais voulu être hospitalisé. Il me manque toujours beaucoup. Quand je suis triste, je trouve du réconfort dans les souvenirs qu’il m’a laissés. Le soldat de terre cuite trône dans le salon et veille sur notre famille. Papa est encore un peu dans les parages. »
Plus de témoignages dans notre dossier « L’amour après la mort » dans le GAEL de juillet, disponible en librairie.
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