Témoignage: avec ses parents, Marieke prend soin de 600 tombes en Belgique
Lors de la Toussaint, nous réfléchissons traditionnellement à notre fin. Mais pour Marieke et ses parents, la mort fait partie intégrante du quotidien. Et ils ne le regrettent pas. Par Lisa Gabriëls. Photo: Joris Casaer.
Vivre avec la mort
« Quand j’ai commencé ce travail dans la vingtaine, j’ai ressenti beaucoup de résistance. Je rêvais d’une vie d’artiste, pas d’une vie à genoux près d’une tombe. Mais au fil des ans, cette lutte intérieure s’est apaisée. Je me rends compte chaque jour à quel point je peux être reconnaissante. En tant que mère de quatre enfants de moins de huit ans, le cimetière est mon lieu de détente. J’embrasse maintenant le silence qui m’effrayait au début. Je lis les noms des personnes dont je m’occupe et regarde les dates sur les tombes. Chaque jour est une leçon d’humilité, vu la brièveté de la vie de certaines personnes.
J’ai même emmenés mes bébés avec moi quand ils étaient petits. Ils s’asseyaient dans la poussette pendant que je travaillais ou j’allaitais dans la voiture à côté du cimetière. Et ils aiment encore y aller aujourd’hui. Faire du vélo sur les chemins de gravier ou s’entraîner sur leurs planches à roulettes à côté de moi. Je remarque que ça donne le sourire aux passants, tant de vie dans un lieu où tant de choses sont mortes. Mon fils de quatre ans me dit souvent sereinement « Je sais ce qui se passe quand on meurt, maman ». Ce n’est pas un endroit triste pour eux.
« Nous envoyons des photos à Singapour, au Portugal, en Autriche après la maintenance et recevons toujours des mots chaleureux en retour »
Il y a aussi pas mal d’humour dans le cimetière. L’autre jour, une dame est venue me demander quels produits j’utilisais pour l’entretien. « Comme ça, je sais ce que tu vas verser sur moi plus tard, hein ! » Je ressens aussi beaucoup de gratitude. Nous sommes souvent sollicités par des personnes qui ne peuvent plus entretenir elles-mêmes la tombe en raison de leur âge ou parce qu’elles vivent à l’étranger. Nous envoyons des photos à Singapour, au Portugal, en Autriche après la maintenance et recevons toujours des mots chaleureux en retour. Et en restaurant des tombes, je me sens aussi comme un artiste. Surtout quand je repeins des noms fanés sur une pierre tombale : c’est tellement significatif. Comme si je disais : non, tu n’as pas été oublié.
Je pense que nous avons de beaux cimetières en Belgique. Mon préféré est le Westerbegraafplaats à Gand. Des arbres centenaires, de belles pierres tombales... Un endroit pour se détendre. J’aime voir les saisons changer. À l’approche du 1er novembre, ce sera plus chargé, à la fois pour nous mais aussi dans les cimetières. Mon métier solitaire devient soudainement beaucoup plus social. Tout le monde est occupé et il règne une belle et tranquille convivialité. J’aime voir le cimetière passer d’un lieu austère à un océan de fleurs. Ce sont les gens que je vois le reste du temps que je ressens le plus profondément en deuil. Je pense très fort à eux quand je travaille. »
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