Témoignage: As passera son premier Noël en tant que personne non-binaire
Il y a 18 mois, les pièces du puzzle se sont enfin rassemblées pour As, 35 ans, qui se définit comme une personne non-binaire. Cette année, iel a trouvé le courage – et les mots – pour se présenter au monde sous ce nouveau nom. Par Hanne Vlogaert, avec la collaboration de Charlotte Davila. Photo: Rebecca Fertinel.
Un Noël pas comme les autres
« Cela doit faire environ un an et demi que j’ai eu ma grande prise de conscience. Avec l’aide de deux événements : d’abord, je suis tombé sur le livre d’Alok Vaid-Menon, Beyond The Gender Binary, que j’ai lu en une nuit. Et puis le lendemain, j’ai entendu parler à la radio de l’introduction des prix non genrés au festival du film de Berlin. Plus encore que l’actualité elle-même, j’ai été touché·e par le naturel avec lequel la fluidité des genres et la non-binarité étaient abordées. Bien sûr que le monde ne pouvait pas simplement être divisé en “hommes” et “femmes” ! Bien sûr que ces concepts sont en fait les deux extrêmes d’un spectre sur lequel se déclinent une infinité de possibilités. Pour moi qui ne m’identifiais pas du tout à l’étiquette féminine qui m’avait toujours été collée, ces sensations que je n’avais jamais pu mettre en mots devenaient claires.
« Il y a quelques années — en partie à cause d’une rupture et de l’isolement provoqué par le confinement —, je me suis rencontré·e »
Je me suis senti·e mal dans ma peau toute mon enfance. Et j’ai détesté mon corps d’adolescent·e en transformation. L’opinion publique étant très tranchée sur ce à quoi une fille doit ressembler, sur comment elle doit se comporter, un grand écart s’est creusé entre ce que je pensais devoir être et ce que je ressentais réellement. La culpabilité et la honte m’ont fait enfouir ces sentiments pendant longtemps, au risque de m’y perdre. Et puis, il y a quelques années — en partie à cause d’une rupture et de l’isolement provoqué par le confinement —, je me suis rencontré·e.
Ça a été très brutal, mais cela m’a aussi donné un élan pour retrouver mes bases : qui étais-je vraiment au-delà du conformisme et des attentes ? J’ai commencé une thérapie. J’ai échangé avec des personnes de la communauté LGBTQ+ et j’ai lu énormément de livres sur le sujet. Si mon puzzle est terminé aujourd’hui ? Absolument pas ! Se découvrir non binaire est un processus qui se fait par étapes. Cela consiste à ressentir, rechercher et tester constamment ce qui nous convient ou pas. Je ne sais pas s’il y a un point final à cela. Mais je sais désormais ce que je veux : m’autoriser à être moi-même sans compromis, comprendre mon identité et vivre ma vie comme je le souhaite, libéré·e de ce que les autres peuvent penser. Pas facile, mais j’avance grâce à un cercle sécurisant de personnes qui partagent mes idées.
« Si j’avais pu lire ce genre de récit dans le passé ou si j’avais eu des modèles parlant ouvertement de la non-binarité, cela aurait sûrement facilité mon cheminement »
Cette année, l’étape la plus importante sur ma route a probablement été la décision de ne plus être appelé·e par mon ancien prénom, mais par “As”, qui est plus neutre. Ça a d’abord commencé dans un cercle restreint d’amis proches. Ça me faisait tellement de bien que j’ai élargi le cercle. Idéalement, je voudrais aussi changer mon pronom pour “iel”, mais pour le moment, j’ai encore trop peur de créer des malentendus. J’espère que raconter ouvertement mon histoire pourra m’amener à me rapprocher encore plus de moi-même. J’ai hésité à témoigner ici, mais après avoir vu Close, le dernier film de Lukas Dhont, il m’a semblé important que de telles histoires soient partagées. Non seulement pour moi, mais aussi pour rendre ce sujet visible. Si j’avais pu lire ce genre de récit dans le passé ou si j’avais eu des modèles parlant ouvertement de la non-binarité, cela aurait sûrement facilité mon cheminement. »
Découvrez ce dossier en intégralité dans le GAEL de décembre, disponible en librairie.
PLUS DE TÉMOIGNAGES:
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici