Témoignage: « Je suis devenue le pilier de mon amie atteinte d’un cancer incurable »
C’est dans le malheur que l’on reconnaît les amis. Et quand ce malheur prend la forme d’une maladie incurable, il faut espérer qu’ils soient en or. Sheila (52 ans) est le pilier et l’amie fidèle de Sylvia (41 ans), atteinte d’un cancer incurable.
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Le témoignage de Sheila
Sheila « Sylvia et moi, nous nous connaissons depuis dix ans en tant que collègues, mais nous sommes devenues meilleures amies il y a cinq ans, lorsque nous avons commencé à travailler dans le même service. À l’époque, Sylvia était enceinte. Elle a deux fils ; le premier a 16 ans et le plus jeune 5. Peu après l’accouchement, elle est tombée malade. Il s’est avéré qu’elle avait un cancer du foie et des intestins. Les médecins ont dit qu’elle ne vivrait pas longtemps, un an et demi tout au plus. C’était en 2017, Sylvia n’avait que 36 ans à l’époque. Depuis, je suis là pour elle. Chaque fois qu’elle a besoin de moi, je réponds présente. Je vais la chercher à l’hôpital après ses séances de chimiothérapie. J’ai perdu mon père et mes beaux-parents à cause d’un cancer et je sais bien qu’il lui faut de l’aide.
« Ma maison est devenue une sorte de refuge pour elle. Un moyen de s’éloigner des soucis du quotidien. Nous pouvons parler honnêtement et ouvertement de ses peurs et de ses angoisses »
Sa maladie nous a rapprochées encore davantage, ma maison est devenue une sorte de refuge pour elle. Un moyen de s’éloigner des soucis du quotidien. Nous pouvons parler honnêtement et ouvertement de ses peurs et de ses angoisses. De la perte de ses cheveux, de la douleur qu’elle éprouve, de la chimio qui la met K.-O. chaque semaine. Elle a peur, très peur. Elle a peur de ne plus être là, mais aussi de ne plus pouvoir vivre comme avant. Je suis devenue comme une sœur pour elle. Elle sait que je serai là pour ses enfants. Pendant les petits et grands moments de leur vie. Quand ils seront diplômés, quand ils se marieront... J’ai promis à Sylvia que je serai toujours là. Elle a peur que son fils cadet ne se souvienne plus d’elle.
Cela fait cinq ans qu’on lui a diagnostiqué sa maladie et elle est toujours en vie. Elle a déjà déjoué trois fois les pronostics des médecins, elle persévère. À chaque fois, elle anticipe un nouveau futur moment de joie. Un mariage, le déménagement de ma fille, un anniversaire. Nous continuons à avancer, parfois pleines d’espoir, parfois pleines d’incertitudes. Nous verrons bien, c’est la meilleure manière d’y faire face. Ce qui compte, c’est de profiter du moment présent. »
Le témoignage de Sylvia
Sylvia « Quand je repense au début de notre amitié, je ressens un sentiment instantané d’amour, de sécurité et de confiance. C’était durant la période la plus difficile et la plus triste de ma vie. Je venais de donner naissance à mon deuxième fils, j’avais un excellent travail et je vivais pleinement ma vie. Du jour au lendemain, tout a volé en éclats. Chaque patient atteint d’un cancer doit faire face à de lourds traitements. Chagrin, colère, silence... Le diagnostic d’un cancer n’est pas toujours synonyme de condamnation à mort, mais pour moi, c’était malheureusement le cas. Le monde s’est arrêté et je me souviens d’avoir pleuré pendant des mois. La peur de devoir quitter cette vie et les personnes qui vous sont chères est extrêmement difficile. Sans parler du bébé qui compte sur sa maman alors qu’elle est malade. Je ne parvenais pas à l’expliquer à mon partenaire, mes parents, mon frère ou ma sœur. Parce que je ne voulais pas qu’ils soient tristes. Avec Sheila, je pouvais en parler librement. Avoir une personne qui vous écoute et comprend vos insécurités les plus profondes est inestimable. Ces insécurités concernent principalement mes enfants. Le fait que je ne serai pas là quand ils se marieront ou auront leur diplôme et que je ne serai jamais grand-mère est ce qu’il y a de plus difficile à accepter.
« Le fait que je ne serai pas là quand ils se marieront ou auront leur diplôme et que je ne serai jamais grand-mère est ce qu’il y a de plus difficile à accepter »
Sheila et son compagnon trouvent toujours du temps pour moi lorsque j’ai besoin d’une pause ou simplement de discussion. Notre amitié est si intense, je les considère comme ma famille. Le plus beau dans cette relation, c’est qu’elle me comprend sans dire un mot. Quand je ris, elle perçoit mes larmes et ressent ma peur ainsi que mon sentiment d’impuissance. À cause des innombrables chimiothérapies, mon corps s’est affaibli. Le moindre contact ou la moindre tension me fait mal. Dans ces moments-là, il me suffit de me rapprocher d’elle. Je n’ai pas besoin de conversation profonde. Juste de sa présence et de la reconnaissance que ce que j’éprouve est “normal”. Je peux accepter la douleur et la peur sans sourire. Je sais qu’elle est là pour moi et pour ma famille. Pas seulement maintenant, mais pour toujours. Je ne peux qu’être reconnaissante pour cela et l’aimer inconditionnellement. »
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