Témoignage: comment j’ai vécu mon coming-out
Dans un monde modelé sur le schéma « un couple = un homme + une femme », ne pas coller à cette réalité peut se révéler douloureux et compliqué. Dire publiquement « Je ne cadre pas avec ça » est un moment clé dans la vie des lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres, intersexes. Dans le nouveau numéro de GAEL, Sébastien Ministru, notre GAEL Guest, et deux jeunes qu’il a mis sur notre chemin reviennent sur leur coming out. Rencontre avec Jérémy, un jeune étudiant de 22 ans. Texte: Florence Hainaut. Photo: Liesbet Peremans.
Lisez le témoignage de Sébastien Ministru ici.
« Ma mère l’a su avant que je ne sois né »
Je pense qu’il y a deux manières de réagir : soit on se dit qu’on est plus fort en s’affirmant, soit on se rend compte que s’affirmer est un danger et, dans le pire des cas, on se replie sur soi-même. Mon coming out s’est très bien passé. Ma mère l’a su avant que je ne sois né : elle était allée voir un voyant qui lui avait prédit que j’allais être homo, donc elle était prête. En grandissant, j’ai toujours été un peu plus féminin, j’avais des comportements qui pouvaient laisser supposer mon homosexualité. Même si, enfant, ça ne veut pas toujours dire grand-chose. Ma grand-mère paternelle a toujours laissé s’exprimer la partie féminine en moi, ça a été la première à m’offrir la Barbie dont je rêvais depuis des années. Aujourd’hui, on en parle beaucoup, c’est ma confidente.
« À l’école, c’était plus compliqué »
Ça n’a finalement pas été une grande surprise pour ma famille. À l’école, c’était plus compliqué. Je n’avais que des amies filles. En classes vertes, je devais parfois dormir avec elles pour ne pas avoir de problèmes. J’ai beaucoup souffert de ça jusqu’à mes 14 ans. Les regards sur moi pesaient lourd. J’avais un style différent, j’étais maniéré, je sentais que ça faisait peur à certains garçons, qui pouvaient se sentir menacés dans leur virilité. À 14 ans, justement, au cours d’un voyage à Montréal chez mon oncle, sa compagne m’a emmené dans le quartier gay. Voir que personne ne se cachait, que les gens se tenaient par la main, ça a été un déclic. Je me suis décidé à le dire dès mon retour. J’ai commencé à l’école. Pendant un cours d’éducation sexuelle où on a abordé le sujet de l’homosexualité, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai parlé. Tout le monde a applaudi. L’un des caïds de la classe en a même eu les larmes aux yeux.
« Ils ont compris la force dont j’avais dû faire preuve pour leur parler, pour m’affirmer, et je n’ai plus eu de problèmes »
Cette prise de parole a tout changé. Avant, mon orientation sexuelle, c’était comme une plaie béante dans laquelle tout le monde s’amusait à enfoncer des couteaux. Le jour où je l’ai dit, ça s’est fini. Ils ont compris la force dont j’avais dû faire preuve pour leur parler, pour m’affirmer, et je n’ai plus eu de problèmes. Faire mon coming out à l’école était important pour moi parce que ça a ouvert l’esprit de plusieurs personnes. Un garçon m’a même dit un jour, comme si c’était une grande révélation : “Finalement, vous les gays, vous êtes quand même cool.” Le jour même, je me suis décidé à le dire à mes parents, mais je n’ai pas voulu le leur dire en face. Je ne pense pas que le coming out soit nécessairement une question de confrontation directe. Donc je leur ai envoyé un SMS pour leur dire que je n’avais plus envie de me cacher. L’idée, c’était de leur laisser le temps d’avoir une réaction adéquate et d’en discuter à froid. Ils l’ont très bien pris, ça s’est super bien passé. Ma belle-mère m’a dit qu’elle le sentait, qu’elle attendait que je le dise, qu’elle ne voulait pas me brusquer.
Je sentais que ça allait bien se passer, j’ai des parents assez jeunes, qui ont reçu une éducation très libre. C’est pourquoi je ne voulais plus avoir l’impression de leur mentir. L’appréhension que j’avais ne venait pas d’eux, mais d’exemples que je voyais ailleurs. La seule personne de ma famille avec qui ça s’est moyennement bien passé, c’est mon arrière-grand-mère, dont je suis très proche. Je pense qu’elle n’a jamais vraiment accepté ni compris mon homosexualité — ce qui ne m’a pas empêché de lui apporter la robe de mariée que j’ai portée l’année dernière à Halloween pour qu’elle la retouche. Je ne sais même pas si elle se pose vraiment la question de mon orientation, d’ailleurs. Elle appartient à une tout autre génération, donc je n’en souffre pas vraiment.
Bénévole au refuge
« Depuis quelques mois, je suis bénévole pour l’association Le Refuge Bruxelles (un havre de paix pour des jeunes LGBTI qui ont dû fuir leur pays ou leur famille en raison de leur genre ou orientation sexuelle). C’est un projet qui me tient particulièrement à cœur. L’idée que certains parents puissent mettre leurs enfants à la rue en raison de leur genre ou de leur orientation sexuelle me met hors de moi. Cela faisait un moment que j’étais très admiratif du travail effectué par l’association française du même nom et que je tenais à soutenir cette cause d’une manière ou d’une autre. Dès que j’ai appris qu’une structure semblable allait être mise en place à Bruxelles, je me suis engagé à militer à leurs côtés, avec le désir sincère d’aider à mon niveau des jeunes LGBTI n’ayant pas eu cette “chance” du coming out réussi. »
Retrouvez ce dossier en intégralité dans le GAEL de mars, disponible en librairie.
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