(c)Unsplash Alex Ivashenko

Témoignage: « Cette année, je fêterai Noël en prison »

Tout le monde n’a pas la chance de passer les fêtes entouré de ses proches et autour d’une table garnie. Denise nous raconte son ses projets pour le réveillon. Denise ne fêtera pas Noël en famille ou entre amis car, il y a un an et neuf mois, elle entrait à la prison de Hasselt.

Mon Noël en prison

« Je ne me souviens même pas de la dernière fois où j’ai vraiment fêté Noël. C’était sans doute il y a longtemps, quand j’étais enfant. Avant de me retrouver ici, je vivais dans la rue, sans cesse à la recherche d’un endroit où me réfugier. Une existence principalement rythmée par ma quête de substances, d’ailleurs : j’étais si accro que je me levais le matin et me couchais le soir avec cette obsession. Pourtant, tout a commencé très innocemment : à l’âge de 12 ans, je traînais avec de mauvaises fréquentations, qui fumaient de l’herbe à l’occasion. Lorsque mes parents se sont séparés, j’ai eu du mal à le supporter. L’herbe s’est rapidement transformée en speed, puis plus tard en héroïne.

À cette époque, ma consommation a tellement détérioré mes relations avec mes parents que je n’ai plus pu continuer à vivre à la maison. J’ai déménagé seule dans un appartement. La toxicomanie brise tout. Elle change complètement la personne que vous êtes : je n’avais plus d’émotions, je faisais constamment des promesses que j’étais incapable de tenir. J’ai même commencé à voler pour financer ma consommation.

À cause de ce besoin constant de ma dose, j’ai blessé et déçu beaucoup de gens, en particulier mon fils, qui a maintenant 13 ans, et mes parents. Je le regrette. C’est surtout pour eux que je me bats aujourd’hui, que j’essaie de faire de mon mieux.

À cause de ce besoin constant de ma dose, j’ai blessé et déçu beaucoup de gens, en particulier mon fils, qui a maintenant 13 ans, et mes parents. Je le regrette. C’est surtout pour eux que je me bats aujourd’hui, que j’essaie de faire de mon mieux. Depuis que je suis ici, j’y arrive pour la première fois de ma vie. J’ai une routine fixe qui me structure, grâce à des règles strictes — par exemple, chaque jour, je dois être prête à 8 h pour faire le ménage. Et il n’y a pas de drogue ici. Les gardiens sont très compréhensifs à notre égard et je m’enrichis beaucoup des conversations que je peux avoir, notamment avec les autres détenues. À l’extérieur, c’était très rarement le cas.

La vie en prison

Ce n’est pas si facile de trouver sa place quand on arrive en prison : les gens se connaissent déjà et, comme partout, il y a des clans. Aujourd’hui, j’ai mon propre groupe avec qui ça colle, vers qui je peux toujours me tourner. Le plus difficile, c’est que d’ici, je ne peux pas être une vraie mère pour mon fils : j’aimerais tant l’avoir tout le temps près de moi et construire un vrai lien avec lui. Pour l’instant, il vit avec mon père, avec qui j’ai une très bonne relation. Il m’a toujours soutenue, même lorsque tout tournait au vinaigre, et il est fier que je fasse tant d’efforts pour reprendre ma vie en main.

Lorsque je serai libérée, j’aimerais d’abord passer une année à l’hôpital : faire face à mes traumatismes, travailler certaines choses et apprendre à gérer les situations difficiles pour me tenir solidement sur mes deux pieds et savoir dire non à la drogue.

Lorsque je serai libérée, j’aimerais d’abord passer une année à l’hôpital : faire face à mes traumatismes, travailler certaines choses et apprendre à gérer les situations difficiles pour me tenir solidement sur mes deux pieds et savoir dire non à la drogue. J’aimerais aussi découvrir qui je suis sans substances et terminer ma formation de coiffeuse : le travail sera ma priorité, en plus des liens avec mon fils, bien sûr. Il tient à moi et il me prend parfois dans ses bras, mais il y a encore une certaine distance. Ça se comprend quand on voit ce qu’on a vécu. J’espère qu’une fois que je pourrai être vraiment là pour lui,  il apprendra à me faire entièrement confiance, qu’il sentira combien je l’aime et aussi que je serai toujours là pour lui, quoi qu’il arrive.

Noël n’est pas triste, ici : on prépare des gâteaux, on décore le sapin, on met de la musique. Mais ce n’est évidemment pas la même chose que de le fêter avec sa famille. Ce qui me manque, ce sont les petites choses que les gens libres considèrent comme allant de soi — passer une journée à la mer ou juste passer du temps avec ceux qu’on aime le plus. Ce sera la première chose que je ferai lorsque je sortirai. »

Retrouvez cet article en intégralité dans le GAEL de décembre disponible en librairie.

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