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Reproches & manipulations: Isabelle nous parle de sa boss toxique

Les dirigeants exemplaires semblent être l’exception plutôt que la norme. Or, un management toxique peut causer des dégâts profonds chez les collaborateurs, aussi bien sur le plan professionnel que privé. Isabelle panse encore ses plaies.

Le témoignage d’Isabelle

« J’ai travaillé dans mon précédent emploi pendant quinze ans. J’ai été comblée pendant douze ans, jusqu’à ce que ma nouvelle patronne arrive. Un bref historique : mon ancien patron était un homme plus âgé qui m’avait toujours fait pleine confiance. J’aimais travailler et je travaillais dur, les affaires marchaient bien, l’ambiance entre collègues était excellente. C’est important dans une petite entreprise. Nous l’avons vu partir à la retraite avec regret, mais nous étions convaincus que D. serait capable de lui succéder dignement.

Son entrée en fonction a coïncidé avec la période du coronavirus, de sorte qu’il a fallu un certain temps avant que nous nous retrouvions tous ensemble dans l’atelier. Pourtant, j’ai rapidement été frappée par certaines choses. D. a commencé à colporter des ragots à mon égard presque immédiatement. D’abord concernant l’ancien directeur. Cela m’a mise dans une position difficile : je savais aussi qu’il avait fait des erreurs, mais je ne voulais pas dire du mal de l’homme qui m’avait donné ma chance. Et puis il y avait aussi les collègues.

Elle avait quelque chose à dire sur tout le monde. Son comportement a divisé notre équipe en deux camps : ceux qui étaient d’accord et ceux qui ne l’étaient pas.

Ceux qui ont suivi ont bénéficié de tous les avantages, les autres ont eu droit à des remarques. J’ai eu l’occasion d’en faire l’expérience moi-même. J’ai toujours travaillé dur. Elle me le reprochait – sa maxime était “80‑20”. Je devais faire 80 % de bien et 20 % de moins bien. Le fait que j’aie toujours travaillé à 100 % ne lui convenait pas.

Une augmentation passée sous le nez

L’augmentation de salaire qui m’avait été promise ne s’est pas concrétisée. À chaque fois que je posais une question à ce sujet, elle trouvait une nouvelle excuse. Pendant ce temps, des collègues de son camp obtenaient des augmentations. Ça n’en finissait pas. Comme la fois où, alors qu’elle était en ligne avec un collègue, elle a transmis une vidéo à un autre collègue, celle d’un singe qui scie un arbre. En souriant, elle a pointé le téléphone du doigt.

Un collègue avait un bébé qui devait être opéré. Il en a parlé brièvement lors d’une réunion. Je l’ai ensuite entendue soupirer : “Toujours à se plaindre de ses enfants.”

Cela m’a donné un sentiment d’insécurité. Peu de temps auparavant, j’avais perdu mon meilleur ami. J’avais aussi touché un mot à ce sujet. Avait-elle soupiré dans mon dos ? Cela m’a profondément blessée.

Essayer de voir le bon côté

J’ai essayé pendant longtemps d’en tirer le meilleur parti. J’aimais toujours mon travail, je ne voulais pas abandonner. Mais après une journée marquée par un nouvel incident, j’ai craqué. Je suis rentrée chez moi, j’ai fondu en larmes et je n’ai pas pu m’arrêter. Tout est sorti. Le médecin généraliste m’a prescrit du repos ; j’aurais dû arrêter depuis longtemps, disait-il.

Quelques semaines auparavant, il avait également voulu me mettre en arrêt maladie, mais j’avais alors décidé d’y retourner, car je ne voulais pas lâcher mon travail. Il m’a orientée vers un psychologue qui a vite compris que je ne pouvais pas continuer comme ça. J’ai dû donner ma démission. Au moment où j’ai prononcé ces mots à D., j’ai senti la tension s’échapper de mon corps. Je n’avais pas réalisé qu’elle était si profonde.

Le pire, c’est que, même après ma démission, elle a continué à me chercher. Nous avons convenu que je pouvais garder ma voiture de société jusqu’à la fin du mois. Je l’avais déjà payée. Quelques jours plus tard, on m’a dit de la rapporter au plus vite. Des incidents de ce genre, il y en avait tout le temps. Elle ne respectait aucun accord. J’ai essayé de ne pas trop m’énerver. Pour moi, c’était surtout la confirmation que j’avais pris la bonne décision.

Ce fut une période difficile, mais j’en ai tiré la leçon que je suis plus forte que je ne le pensais. Je suis fière de moi, car je ne me suis pas laissé entraîner par les ragots. Je peux encore me regarder dans la glace. Je m’inquiète pour l’entreprise. Avant l’arrivée de D., nous étions 20, ils ne sont plus que 10. Elle a chassé tous ceux qui ne rentraient pas dans son jeu. Combien de temps avant que l’entreprise s’écroule ? »

Retrouvez ce dossier en intégralité dans le GAEL de septembre, disponible en librairie.

Bien dans son job

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