Psycho: peut-on s’inventer de faux souvenirs et y croire?
Il y a ces moments qu’on a envie de garder pour toujours dans un coin de sa tête et ceux qu’on préférerait oublier. A-t-on son mot à dire là-dessus ou notre mémoire suit-elle ses propres règles ? La réponse est vaste et complexe, comme nous l’explique Dr Steven Laureys, neurologue de renommée mondiale et professeur au CHU de Liège.
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Comment se façonnent les souvenirs?
« La mémoire est un système si complexe de réseaux, composés de milliards de neurones que, malgré les innombrables études, nous ne savons même pas tout ce que nous en ignorons encore ! Le cerveau et les rouages de la mémoire restent un univers fantastique et en grande partie inconnu. Ce dont nous sommes sûrs, en revanche, c’est que tout ce que l’on voit, sent, entend, goûte ou touche passe d’abord par la mémoire sensorielle. Et c’est dans un deuxième temps que, grâce à des connexions entre des cellules du cerveau, certains souvenirs sont renforcés dans la mémoire à court terme. Certains faits seront oubliés et d’autres stockés dans la mémoire à long terme. Cette dernière est entre autres composée de la mémoire explicite, qui conserve les souvenirs conscients (l’oreille tirée), de la mémoire émotionnelle (mon malaise) et de la mémoire implicite, qui nous permet par exemple de réaliser des actions de manière automatique (mon trajet quotidien). »
Qu’est-ce qui se trouve dans la mémoire à long terme?
« On peut en effet se “rappeler” des événements que nous n’avons en réalité jamais vécus, explique le Dr Laureys. Ils peuvent avoir surgi de notre propre imagination ou quelqu’un nous a fait croire en eux. » Le Dr Laureys fait référence à une étude menée par la psychologue néozélandaise Deryn Strange : on a montré à des enfants des photos d’eux, parmi lesquelles des clichés photoshopés où ils apparaissaient à bord d’une montgolfière. Une grande partie des enfants ont considéré ces faux comme authentiques, et ont même commencé à broder un scénario. Vous imaginez les conséquences de telles découvertes dans les tribunaux, où l’impact de tels pseudo-souvenirs peut être terriblement lourd de conséquences ?
Comment oublier les tristes événements du passé?
Oublier, on le fait très souvent, inconsciemment... (Heureusement, ce serait invivable de tout retenir !) Mais des recherches essaient d’établir si cela peut se produire sur commande. Michael Anderson, neuroscientifique à l’Université de Cambridge, conseille par exemple la « thought substitution », une technique qui consiste à se concentrer sur des associations positives. Cet ami avec qui vous vous êtes disputé ? Chaque fois que vous pensez à lui, associez-y un souvenir agréable, et ce, jusqu’à ce que ce soit celui-ci qui apparaisse en premier dans votre tête. Le Dr Laureys plaide en faveur de la méditation, cette gym du cerveau qui consiste à se placer en « observateur de ce qui est » (d’une bougie, de notre respiration, de nos pensées...) « La méditation change notre façon d’appréhender nos pensées, nos souvenirs et nos émotions. Cette pratique renforce notre conscience, notre empathie et nous apprend à créer des associations positives, explique-t-il. Il ne s’agit pas tant d’apprendre à oublier que d’apprendre à bien accueillir les souvenirs. On les regarde d’une autre façon, en augmentant notre conscience de la façon dont nous les percevons. »
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