C’est prouvé: parler toute seule est excellent pour la santé (et le moral)
Il arrive à tout le monde de penser tout haut, consciemment ou pas. Rien d’inquiétant, rassurent les experts. Mieux : ces monologues présentent même de sérieux atouts. Par Joanie De Rijke, avec la collaboration d’Anne-Sophie Kersten.
L’imaginaire collectif associe le fait de parler tout seul à la folie. Ce serait l’un des premiers signes diagnostiques isolés de la schizophrénie et de certaines formes de psychose. Et pourtant, j’avoue, cela m’arrive. Et ça me fait du bien. Cela m’arrive même parfois dans une boutique, dans le tram, mais tout bas alors, incognito. C’est amusant comme le phénomène reste un rien gênant. À cause de l’association avec la folie, mais aussi parce qu’alors on parle sans son filtre social. Ouh, tabou !
SE FOCALISER
Hélène (36 ans) : « Je me parle à moi-même lorsque je cherche quelque chose. Ça m’aide à structurer mes fouilles, à procéder dans l’ordre. » Comme Martine Batt, professeure en psychologie à l’Université de Lorraine, spécialisée en psychologie de la communication, nous explique :
« En pensant tout haut, on transforme une pensée en un acte, et cela nous permet de nous focaliser. »
Une étude parue dans le Quarterly Journal of Experimental Psychology présente un moyen simple de prouver qu’étudier tout haut permet de mieux retenir les informations. Des chercheurs ont demandé à vingt personnes de trouver un certain objet dans un supermarché. Dix d’entre elles devaient chercher en silence, les autres devaient répéter tout haut le nom du produit. Résultat : le deuxième groupe a trouvé plus facilement. Les chercheurs ont pu ainsi démontrer que se parler aide à clarifier ses pensées, à définir des priorités et à confirmer ses choix. Se répéter à voix haute les étapes d’une mission aide à les rendre plus concrètes et accessibles. Du coup, on arrive plus facilement à prendre les bonnes décisions et à atteindre nos objectifs.
SE MOTIVER
« Anticiper la situation, se la répéter, s’imaginer la vivre : tout cela peut nous aider et nous donner du courage. »
Se parler à soi-même offre de nombreux atouts, confirme Wim Schrauwen. Cela peut aussi nous aider à rassembler notre courage. Le psychologue explique : « S’adresser à soi-même, c’est sortir de soi, prendre de la distance par rapport à soi, regarder sa situation depuis l’extérieur, et cela aide à y voir plus clair, à envisager les choses plus sereinement. Anticiper la situation, se la répéter, s’imaginer la vivre : tout cela peut nous aider et nous donner du courage. »
Nos monologues intérieurs ne sont pas toujours teintés d’encouragement ou d’optimisme. Parfois, c’est l’inverse. « Mais qu’est-ce que tu fabriques ? », « Encore raté ! », etc. Et pourtant, même sous forme de reproches, le self-monologue n’a pas forcément d’impact négatif, continue Schrauwen. « Parfois nos autocritiques nous incitent justement à relever les défis, comme peut le faire un athlète qui vient de rater une belle occasion. Il existe une façon plus profondément négative de s’adresser à soi, en se dépréciant, mais qui entre alors dans le domaine des pathologies, comme la dépression ou les états de névrose. »
SE DÉFOULER
La solitude est un autre facteur qui pousse à penser tout haut. Une étude de 2013 sur la solitude, menée par la psychologue allemande Corinna Reichl, indique que se parler tout haut a, là aussi, une fonction protectrice. Lors de périodes de solitude, les personnes qui s’y adonnent semblent moins souffrir de problèmes de santé mentale que les silencieuses. Le soliloque aiderait à réprimer certaines pulsions et à réguler les émotions.
Hélène : « C’est fou ce que j’ai de choses à me dire quand je fais du vélo. Surtout si je suis frustrée ou fâchée. Je pédale, et ça sort sans filtre ! » Cette façon de s’autoriser à lever la censure sur nos émotions a souvent fait ses preuves. Exprimer ce que l’on ressent — et sans témoin qui pourrait mal le prendre — permet de se calmer plus facilement. Débarrassés de toute pudeur, nos sentiments et nos pensées sont plus vrais. Défoulant et relaxant.
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