Pourquoi est-on plus méchant sur les réseaux sociaux?
Commentaire insultant, cynique ou agressif: il ne fait pas toujours bon vivre du côté des réseaux sociaux. Mais pourquoi les gens deviennent-ils si méchants? L’avis d’un sociologue.
Dans son essai The I in the Internet, la journaliste américaine Jia Tolentino avertissait les internautes des potentiels dangers des réseaux : « Les personnes qui ont un profil public sur Internet construisent une version d’elles-mêmes qui peut être vue à la fois par leur mère, leur patron, leur potentiel futur patron, leur neveu de 11 ans, leurs partenaires sexuels passés et futurs, les membres de leur famille aux opinions politiques divergentes et toute personne qui se donne la peine de consulter leur profil pour quelque raison que ce soit. » En d’autres termes, tout ce que nous postons en ligne peut être vu par n’importe qui, et nous ferions mieux d’en être conscient.
Méchanceté gratuite et virtuelle
Les médias sociaux sont des espaces publics : mieux vaut s’y comporter comme on le ferait dans n’importe quel lieu public », explique Pascal Gielen, professeur de sociologie culturelle à l’université. « Il ne s’agit pas d’espaces semi-publics et encore moins de safe spaces. Les gens l’oublient parfois lorsqu’ils sont assis face à leur écran. » Dans un lieu public, nous ne faisons pas des choses que nous ne voudrions pas que les autres voient, comme harceler ou injurier une personne. Des comportements que l’on croise malheureusement bien souvent sur les réseaux.
« Les gens se sentent en sécurité dans leur salon et s’expriment beaucoup plus ouvertement en ligne qu’ils ne le feraient dans la vraie vie. Les médias sociaux donnent l’impression d’interagir avec les autres, mais en réalité, il s’agit plutôt de bavardages univoques »
« Les gens se sentent en sécurité dans leur salon et s’expriment beaucoup plus ouvertement en ligne qu’ils ne le feraient dans la vraie vie. Les médias sociaux donnent l’impression d’interagir avec les autres, mais en réalité, il s’agit plutôt de bavardages univoques, que le philosophe slovène Slavoj Žižek a renommés interpassivité », poursuit le sociologue. Cela me fait penser au comportement passif-agressif d’un parent éloigné sur Facebook. Il s’imagine vraisemblablement fulminer derrière des portes closes, et ne se rend pas compte que la famille entière lit ce qu’il écrit.
« Ce n’est qu’un commentaire », répliquent souvent ces personnes lorsqu’on souligne la violence de leurs propos. Mais le sociologue insiste : « Ces plateformes ne sont pas seulement virtuelles, elles ont un effet sur la réalité. Prenons un cas concret : si un collègue like toutes vos publications, il s’attend probablement à ce que vous fassiez de même. Si ce n’est pas le cas, il peut s’imaginer que vous ne l’appréciez pas. Les médias sociaux font donc partie intégrante de nos véritables relations sociales. » Autre preuve que les réseaux passent du virtuel au réel : si je vois qu’un proche laisse des commentaires politiquement incorrects, cela affectera, logiquement, l’image que je me fais de lui.
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