Pourquoi certaines personnes deviennent-elles agressives au volant?
Pourquoi les plus agneaux d’entre nous sont-ils capables de se transformer en loups haineux quand ils sont derrière un volant ? Quelques pistes pour plus de zénitude en voiture. Par Kelly Deriemaeker.
Rassurez-vous, vous n’êtes certainement pas la seule à vous énerver au volant. Selon une étude de l’institut pour la sécurité routière Vias, nous, les Belges, figurons en bonne place sur la liste des conducteurs les plus agressifs d’Europe. Nous insultons les autres automobilistes, nous klaxonnons à tout va et nous collons au pare-chocs de tout véhicule qui nous empêche d’avancer. Six conducteurs belges sur dix avouent qu’ils insultent les autres automobilistes — ce qui nous rend presque aussi agressifs que les Grecs ou les Italiens. Et notre comportement va en s’aggravant. Nous sortons de plus en plus souvent de notre voiture pour obtenir gain de cause, nous klaxonnons plus que jamais, et c’est pareil dans tous les pays où l’étude a été effectuée. Dans les cas les plus extrêmes, nous en venons aux mains, ou — véridique ! — à l’extincteur, voire à la hache...
Surcharge de stress
Pour V. Dupont, qui dispense des formations sur la gestion des comportements agressifs, différentes raisons expliquent pourquoi la circulation est un environnement propice au sentiment de frustration, source principale de l’agressivité. « La frustration s’accumule tout au long de la journée, explique-t-elle. Une déception au boulot, un mal de tête pénible, et votre vase de stress se remplit lentement, mais sûrement. Si après une telle journée, vous rentrez chez vous à l’heure de pointe, le timing à lui seul est source de problème. » Dans les agressions dues à de la frustration, c’est souvent le déclencheur le plus banal qui fait déborder le fameux vase. La réaction à l’événement est en effet disproportionnée ; est-il vraiment justifié d’être au bord de l’apoplexie pour une priorité non respectée ?
« Avec les embouteillages, nous avons de moins en moins prise sur le temps. Le manque de repères et de contrôle augmentent le risque d’agressivité. »
« La circulation est un environnement régi par de nombreuses règles auxquelles nous devons nous tenir, poursuit V. Dupont. Notre liberté d’action est limitée et nous avons peu de contrôle sur la situation. De plus, avec les embouteillages de plus en plus fréquents, nous avons de moins en moins prise sur le temps. Nous ne contrôlons plus le délai nécessaire pour se rendre d’un point A à un point B. Le manque de repères et de contrôle sont des facteurs de frustration et augmentent donc le risque d’agressivité. » En dehors de cela, notre patience est mise à rude épreuve lors du trajet moyen en voiture. Le piéton qui traverse inopinément, le chauffeur qui freine brusquement, un autre qui sort du parking sans vraiment faire attention... Et avant même de nous en rendre compte, nous avons atteint le point d’ébullition.
ARMURE SUR ROUES
Comment se fait-il que les gens les plus Bisounours sont capables de se transformer en véritables harpies derrière un volant ? Selon V. Dupont, c’est notamment lié au cocon de sécurité que représente la voiture. Du coup, les gens osent réagir plus violemment qu’ils ne le feraient en d’autres circonstances. « Souvent, la carrosserie de la voiture est perçue comme une armure, un peu comme sur les réseaux sociaux, où la sensation d’anonymat fait que certains utilisateurs se permettent des comportements déplacés, qu’ils n’oseraient jamais dans la vraie vie. »
De plus, les usagers de la route semblent considérer leur véhicule comme une extension de leur territoire, ce qui accentue encore la sensation de menace quand d’autres voitures viennent trop près. Comme notre auto nous sépare des autres, nous déshumanisons les autres conducteurs ; ils deviennent des objets, sans sentiments. Une étude américaine sur les cabriolets le confirme : un cabriolet qui effectuait les mêmes manœuvres dérangeantes suscitait nettement moins de coups de klaxon quand il était décapoté. Les vitres teintées génèrent aussi plus d’agression que lorsque les chauffeurs peuvent se voir.
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