Perfectionnisme: quand le désir d’excellence mène au burn-out
« Je ne prends réellement conscience de mon perfectionnisme que depuis que je côtoie régulièrement, en tant que coach, des personnes victimes de leur perfectionnisme. » Marcel Hendrickx a travaillé de longues années dans le secteur bancaire avant de changer radicalement de voie, suite à deux attaques cardiaques et à un profond épuisement professionnel.
Il s’est ainsi lancé comme coach et se concentre essentiellement sur l’accompagnement des personnes sujettes au perfectionnisme compulsif. « Au fil des ans, j’ai compris qu’un tas de symptômes avec lesquels les patients débarquaient dans mon cabinet étaient des déclinaisons du même besoin excessif de tout vouloir bien faire. En particulier le burn-out, une maladie qui frise l’épidémie dans notre société occidentale. »
On peut penser, instinctivement, que le perfectionnisme porte toujours ses fruits. Après tout, quel employeur se plaindrait d’un employé qui s’acquitte de toutes ses tâches en ne négligeant aucun détail ? « Cette perception n’est pas toujours juste, estime Marcel Hendrickx. Les perfectionnistes ne travaillent pas forcément de manière efficace. Ils passent trop de temps à s’occuper d’une tâche spécifique ou à s’inquiéter des autres. Ils se sentent souvent fatigués, ce qui les rend anxieux et instables. »
AU MOINS 28 000 BELGES EN BURN-OUT
Les chiffres sont en effet alarmants. En 2017 — première année où l’INAMI (Institut natio- nal d’assurance maladie invalidité) a considéré le burn-out comme une maladie liée au travail et en a mesuré l’envergure —, on comptait dans notre pays 28 000 employés absents de leur travail depuis plus d’un an pour cause de burn-out. « Beaucoup de malentendus circulent au sujet du perfectionnisme, poursuit le coach. Trop de gens le considèrent comme un trait de caractère, au même titre que le fait d’être entêté, par exemple. Mais ce n’est pas ça. Le perfectionnisme est un type de comportement qui s’acquiert et s’intègre au gré des expériences de la vie. On peut tous développer cette tendance au fil de nos apprentissages conscients et inconscients, et ce, dès le plus jeune âge. » Marcel Hendrickx pointe les nombreuses exigences de notre société et notamment notre système scolaire, qui place la barre toujours plus haut.
« Un tas de symptômes avec lesquels les patients débarquaient dans mon cabinet étaient des déclinaisons du même besoin excessif de tout vouloir bien faire » – MARCEL HENDRICKX, COACH
Au cours de sa vie, chacun subira diverses pressions, plus ou moins fortes. Mais les personnes souffrant de perfectionnisme ne parviendront pas toujours à les encaisser sans se mettre en déséquilibre. Vouloir faire toujours mieux peut nous rendre malade à long terme. Surtout lorsque les comportements que cela génère entrent en contradiction avec notre nature profonde.
INFOBÉSITÉ ET HYPERCONNECTIVITÉ
Personne ne naît perfectionniste, mais certaines personnes présentent des traits de personnalité qui les y prédisposent un rien plus : si vous avez tendance à très bien vous adapter aux attentes extérieures, par exemple, vous risquez de virer à la suradaptation, et donc de plus facilement vous décentrer de vous-même.
Anne Habets a fondé et dirige Stress Out, un programme complet d’accompagnement des individus et des organisations depuis la prévention à la ré- intégration au travail (notamment le Stress Out Voyage au Chirec Lambermont à Bruxelles). Elle énumère les nombreux facteurs externes susceptibles de déstabiliser, entre autres, les travailleurs enclins au perfectionnisme : « L’infobésité et l’hyperconnectivité de notre époque, liées à Internet et à nos smartphones, la rapidité avec laquelle il faut s’adapter aux changements, le travail en open space qui est loin de convenir à tout le monde, l’isolement provoqué par trop de télétravail... »
Demandez-vous s’il vous arrive parfois de ne pas être occupé, de vous autoriser quelques heures de détente de temps en temps. Anne Habets évoque 3 types de bulles nécessaires pour recharger nos batteries : une pause de 5 minutes toutes les heures et demie ou deux heures pour se dégourdir les jambes et échanger avec quelqu’un. Une bulle de 15 à 20 minutes par jour, rien qu’à soi et sans objectif de performance, à se promener seul ou avec son chien, en contact avec ses 5 sens dans la nature, par exemple. Et enfin une troisième de une à deux heures par semaine pour entrer en contact avec notre corps, nos émotions, nos intuitions, bref pour cesser d’être dans le mental. Ces moments RAM (« rien qu’à moi ») ne sont pas des pertes de temps, mais des phases de ressourcement dans nos vies actives.
PAS SEULEMENT AU BOULOT
Le burn-out ne touche pas uniquement les personnes en prise avec le stress professionnel. Il peut résulter de toutes les activités dans lesquelles on est soumis à des attentes pressantes externes ou internes. Cela comprend tous les rôles qui impliquent une responsabilité, même les tâches ménagères, les études ou le bénévolat.
Marcel Hendrickx s’est intéressé à de nombreux cas d’épuisement professionnel. «Beaucoup de patients étaient en fait des perfectionnistes qui s’ignoraient, et depuis très jeunes. Une fois conscients de leurs mécanismes, certains arrivent à cesser d’en faire toujours plus. Je les vois devenir enfin eux-mêmes. Souvent, ils changent totalement de façon de vivre. Pour ma part, je n’exclus pas que certaines aient une plus grande prédisposition génétique à développer ce perfectionnisme, mais ce sont principalement des facteurs externes qui les pousseront au bord du gouffre. »
« Nous, les Occidentaux, avons tendance à confier la barre du navire à notre seul mental. Et le corps? Les émotions? L’intuition? » – ANNE HABETS, FONDATRICE DE STRESS OUT
SORTIR DU MENTAL
La première étape du travail du coach ou du thérapeute consiste souvent à rendre les perfectionnistes conscients de leurs comportements. Ils les invitent à s’observer dans les situations difficiles, et le cas échéant à choisir de nouvelles stratégies. Les coachs constatent que presque tous les perfectionnistes sont des « penseurs ». Ils ne fonctionnent pas au feeling. Leur vie est tellement contrôlée par leur mental qu’avec le temps, le stress les a rendus malades physiquement.
Anne Habets a vécu en Afrique pendant plusieurs années : « En Guinée Conakry, j’ai pu ressentir à quel point nous, les Occidentaux, avons tendance à confier la barre du navire à notre seul mental. Nous devons réapprendre à donner la place au corps, aux émotions
et à nos intuitions. »
PERFECTIONNISTE ? RECONNAÎTRE LES SIGNES...
- Fixer la barre très très haut: Vous avez dès objectifs et des attentes très élevées surtout envers vous-même.
- Vous avez une mauvaise image de vous: Vous n’identifiez que ce qui va mal et développez une image négative de vous-même. Le perfectionnisme relève souvent d’un décalage entre qui l’on est et qui l’on croit être.
- Vouloir tout contrôler: Vous contrôlez absolument tout en espérant que cela vous apaise.
- Procrastiner: puisque ce n’est jamais assez bien à vos yeux, vous préférez parfois ne rien faire du tout.
- Vous n’abandonnez jamais: vous dépassez vos limites et ne prenez pas en compte les signaux que vous envoie votre corps.
- Vous avez un sens aigu des responsabilités.
Découvrez ce dossier en intégralité dans le GAEL du mois d’avril, disponible en librairie.
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