La dysmorphophobie: ce trouble qui nous invente des complexes inexistants
Le TDC (trouble dysmorphique du corps) fait partie de la famille des troubles obsessionnels compulsifs. Convaincues que quelque chose cloche dans leur apparence, les personnes atteintes de dysmorphophobie en font une obsession. En Belgique, le TDC concerne une à deux personnes sur cent, soit entre environ 116 000 et 232 000 hommes et femmes (comme la prévalence des troubles compulsifs). Un trouble assez répandu donc, mais pourtant méconnu.
Un nez qui nous paraît disproportionné, un menton toujours plus volumineux ou des yeux trop écarquillés : qui n’a jamais ressenti de l’insatisfaction en admirant son reflet dans le miroir ? Mais ce n’est pas pour autant que nous sommes tous atteints de dysmorphophobie.
Complexe ou dysmorphophobie?
Pour le Dr Vulink, psychiatre spécialisée en la matière, la véritable dysmorphie corporelle va bien au-delà des insécurités liées à son apparence. « Ce qui la différencie, c’est l’hyperfocalisation concernant un ou plusieurs aspects de son apparence, alors même que les personnes extérieures ne le ou les remarquent généralement pas. Pour 80 % des personnes concernées, cela a trait à leur visage. Que ce soir leur peau, leur nez, leurs oreilles, leurs yeux... elles ont l’impression que ça ne va pas. Dans certains cas, il se peut qu’il y ait effectivement une petite imperfection, comme une cicatrice ou une légère asymétrie, mais les pensées négatives et les critiques des personnes atteintes de TDC sont complètement démesurées. »
Comme pour tout autre trouble obsessionnel compulsif, la dysmorphophobie entraîne généralement des réponses compulsives. « Elles vont essayer de se rendre “présentables” en utilisant divers mécanismes qui deviendront des rituels.
Comme pour tout autre trouble obsessionnel compulsif, la dysmorphophobie entraîne généralement des réponses compulsives. « Elles vont essayer de se rendre “présentables” en utilisant divers mécanismes qui deviendront des rituels. Elles passeront des heures à se maquiller, par exemple, et si cette technique ne fonctionne pas comme elles le désirent, souvent, elles éviteront les sorties. Petit à petit, cela peut conduire à s’isoler complètement. »
D’où vient le TDC?
L’adolescence est une période propice au développement de ce trouble. « Près de 70 % des personnes atteintes de TDC ont vécu un traumatisme grave. Elles ont souvent été victimes de moqueries ou d’abus sexuels. Parfois, ce sont des traits de personnalité qui sont à l’origine de ce trouble, comme le perfectionnisme. », poursuit l’expert. Les gênes ont aussi leur mot à dire. « Des recherches ont également démontré que la prédisposition génétique pouvait être en partie responsable, poursuit la psychiatre. Les parents au premier degré des personnes souffrant de TDC ont environ 10% de risques supplémentaires de développer à leur tour une dysmorphophobie. » Le Dr Vulink poursuit : « De nombreux patients expliquent qu’ils ont évolué dans un environnement où on insistait beaucoup sur l’apparence ; ils évoquent des parents qui trouvaient que c’était vraiment important. »
Errances médicales
« La majorité des personnes souffrant de TDC ont honte de leurs complexes », confirme le Dr Vulink. Cette honte fait obstacle au traitement. Autre problème : les croyances bien ancrées des personnes atteintes de dysmorphophobie. Elles sont convaincues de leur défaut. « On décrit souvent le TDC comme une “laideur imaginaire”, c’est la pire expression inventée pour parler de ce trouble. Pour eux, ce n’est pas imaginaire. Ils sont persuadés que ce qu’ils voient est réel. Il s’agit en fait d’un dérèglement, d’une anomalie située dans le cerveau. La personne étant persuadée qu’elle souffre d’un problème physique ne consulte pas de psychiatre au préalable. Elle se rend chez un dermatologue, un chirurgien buccal ou un chirurgien plastique, en pensant qu’ils pourront corriger leur “défaut”.»
Malheureusement, souvent, les patients arrivent en psychiatrie après des années d’errance médicale. « Lorsque les personnes souffrant de TDC viennent me voir, leurs problèmes ont souvent déjà évolué vers un trouble alimentaire, une dépression ou un trouble compulsif, déplore le Dr Vrieze, psychiatre spécialisée dans les troubles du comportement alimentaire. Ce sont les conséquences du TDC qui les a amenées à se faire prendre en charge psychologiquement plutôt que le TDC lui-même. Si une personne souffrant de TDC trouve son ventre trop gros, elle mettra tout en œuvre pour perdre du poids en modifiant, par exemple, son régime alimentaire. Cela peut conduire à un trouble alimentaire, comme l’anorexie, qui dissimulera alors le TDC. »
Est-il possible de soigner une dysmorphophobie?
Traiter le traumatisme à la racine permet de réduire, voire de faire disparaître certains symptômes. « Il est important de creuser, de retirer les différentes couches, un peu comme on le fait avec un oignon, afin d’aller voir ce qui se cache sous la surface et de revenir au traumatisme même », poursuit le Dr Vrieze. On ne traite pas un TDC en une fois, cela exige un travail progressif.
« On ne guérit jamais complètement d’un TDC, la vulnérabilité persiste. S’il est possible d’apprendre à relativiser et à prendre ses distances, le patient reste convaincu de sa laideur, même après un traitement. C’est pourquoi nous recommandons fortement une thérapie d’acceptation et d’engagement ACT (Acceptance and Commitment Therapy). En partant du principe que l’on ne peut pas se défaire complètement de nos pensées et de nos traumas du passé, on doit trouver le moyen de vivre avec eux. Cette forme de thérapie comportementale aide le patient à apprendre à vivre avec ses forces comme ses faiblesses et à accepter l’idée qu’il n’est pas parfait. »
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